Ryanair DAC v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2021:92
Docket NumberT-259/20
Date17 February 2021
Celex Number62020TJ0259
CourtGeneral Court (European Union)
62020TJ0259

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

17 février 2021 ( *1 )

« Aides d’État – Marché français du transport aérien – Moratoire sur le paiement de la taxe d’aviation civile et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion dues sur une base mensuelle pendant la période de mars à décembre 2020 dans le cadre de la pandémie de COVID-19 – Décision de ne pas soulever d’objections – Aide destinée à remédier aux dommages causés par un événement extraordinaire – Libre prestation de services – Égalité de traitement – Critère de la détention d’une licence émise par les autorités françaises – Proportionnalité – Article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑259/20,

Ryanair DAC, établie à Swords (Irlande), représentée par Mes E. Vahida, F.-C. Laprévote, S. Rating et I.-G. Metaxas-Maranghidis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, S. Noë et Mme C. Georgieva-Kecsmar, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par Mmes E. de Moustier, C. Mosser, A. Daniel et M. P. Dodeller, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2020) 2097 final de la Commission, du 31 mars 2020, relative à l’aide d’État SA.56765 (2020/N) – France – COVID-19 – Moratoire sur le paiement de taxes aéronautiques en faveur des entreprises de transport public aérien,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),

composé de MM. M. van der Woude, président, A. Kornezov, E. Buttigieg (rapporteur), Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. G. Hesse, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 23 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 24 mars 2020, la République française a notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une mesure d’aide sous la forme d’un moratoire sur le paiement de la taxe d’aviation civile et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion dues sur une base mensuelle pendant la période allant de mars à décembre 2020 (ci-après le « régime d’aide en cause »).

2

Le régime d’aide en cause, qui vise à faire en sorte que les compagnies aériennes titulaires d’une licence d’exploitation délivrée en France en application de l’article 3 du règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3) (ci-après la « licence française »), puissent conserver des liquidités suffisantes jusqu’à la levée des restrictions ou des interdictions de déplacement et au retour à une activité commerciale normale, reporte ainsi le paiement de ces taxes au 1er janvier 2021 et répartit ensuite les paiements sur une période de 24 mois, à savoir jusqu’au 31 décembre 2022. Le montant exact des taxes est déterminé en fonction du nombre de passagers transportés et du nombre de vols effectués depuis un aéroport français. En outre, le régime d’aide en cause bénéficiera aux entreprises de transport aérien public titulaires d’une licence française, ce qui implique qu’elles aient leur « principal établissement » en France (voir point 29 ci-après).

3

Le 31 mars 2020, la Commission a adopté la décision C(2020) 2097 final relative à l’aide d’État SA.56765 (2020/N) – France – COVID-19 – Moratoire sur le paiement de taxes aéronautiques en faveur des entreprises de transport public aérien (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle elle a, après avoir conclu que le régime d’aide en cause était constitutif d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, évalué la compatibilité de celui-ci avec le marché intérieur et plus particulièrement à la lumière de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

4

À cet égard, en premier lieu, la Commission a notamment considéré que l’épidémie de COVID-19 constituait un événement extraordinaire au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et qu’il existait un lien de causalité entre les dommages causés par cet événement et le préjudice compensé par le régime d’aide en cause, dans la mesure où ce dernier visait à réduire la crise de liquidités des compagnies aériennes due à la pandémie de COVID-19, en apportant une réponse aux besoins de trésorerie des entreprises de transport aérien public titulaires d’une licence française.

5

En second lieu, après avoir rappelé qu’il découlait de la jurisprudence de la Cour que seuls pouvaient être compensés les désavantages économiques causés directement par un événement extraordinaire et que la compensation ne pouvait excéder le montant de ces désavantages, premièrement, la Commission a considéré que le régime d’aide en cause était proportionné au regard du montant des dommages escomptés, dans la mesure où le montant d’aide prévisionnel apparaissait inférieur aux dommages commerciaux attendus du fait de la crise résultant de la pandémie de COVID-19.

6

Deuxièmement, la Commission a considéré que le régime d’aide en cause était clairement établi de manière non discriminatoire étant donné que les bénéficiaires du régime incluaient toutes les compagnies aériennes titulaires de licences françaises. À cet égard, elle a souligné que le fait que, dans le cas d’espèce, l’aide était octroyée par un moratoire sur certaines taxes grevant aussi le budget des compagnies aériennes titulaires de licences d’exploitation délivrées par d’autres États membres n’avait pas d’impact sur son caractère non discriminatoire, étant donné que le régime d’aide en cause visait clairement à compenser des dommages subis par des compagnies aériennes titulaires de licences françaises. La couverture du régime d’aide en cause resterait donc proportionnée au regard de son objectif de compenser les dommages causés par la pandémie de COVID-19. En particulier, le régime d’aide en cause contribuerait à préserver la structure du secteur aérien pour les compagnies aériennes titulaires de licences françaises. En conséquence, la Commission a estimé que les autorités françaises avaient démontré à ce stade que le régime d’aide en cause n’excéderait pas les dommages directement causés par la crise due à la pandémie de COVID-19.

7

La Commission a donc décidé, eu égard aux engagements pris par la République française et, notamment, celui de lui transmettre et de faire valider par elle une méthodologie détaillée de la manière dont cet État membre entendait quantifier, a posteriori et pour chaque bénéficiaire, le montant des dommages liés à la crise causée par la pandémie de COVID-19, de ne pas soulever d’objections à l’égard du régime d’aide en cause.

Procédure et conclusions des parties

8

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 mai 2020, la requérante a introduit le présent recours.

9

Par acte déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé qu’il fût statué sur le présent recours selon une procédure accélérée, conformément aux articles 151 et 152 du règlement de procédure du Tribunal. Par décision du 29 mai 2020, le Tribunal (dixième chambre) a fait droit à la demande de procédure accélérée.

10

La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 18 juin 2020.

11

En application de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante a présenté, le 30 juin 2020, une demande motivée d’audience de plaidoiries.

12

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 juillet 2020, la République française a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 juillet 2020, la requérante a demandé, conformément à l’article 144, paragraphe 7, du règlement de procédure, que certaines données concernant le nombre de réservations et le nombre attendu de passagers, contenues dans la requête, dans la version abrégée de la requête et dans les annexes de celles-ci ne fussent pas communiquées à la République française. Elle a, en conséquence, joint une version non confidentielle de la requête, de la version abrégée de la requête et de leurs annexes.

13

Sur proposition de la dixième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

14

Par ordonnance du 5 août 2020, le président de la dixième chambre élargie du Tribunal a admis l’intervention de la République française et a provisoirement limité la communication de la requête, de la version abrégée de la requête et de leurs annexes aux versions non confidentielles produites par la requérante, en attendant les éventuelles observations de la République française sur la demande de traitement confidentiel.

15

Par mesure d’organisation de la procédure du 6 août 2020, la République française a été autorisée, en application de l’article 154, paragraphe 3, du règlement de procédure, à déposer un mémoire en intervention.

16

Le 21 août 2020, la République française a fait parvenir au greffe du Tribunal son mémoire en intervention, sans formuler d’objection concernant la demande de traitement confidentiel introduite par la requérante.

17

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner la Commission aux dépens.

18

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

...

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