LG v Rina SpA and Ente Registro Italiano Navale.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:349
Date07 May 2020
Docket NumberC-641/18
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Celex Number62018CJ0641
CourtCourt of Justice (European Union)
62018CJ0641

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 mai 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) no 44/2001 – Article 1er, paragraphe 1 – Notions de « matière civile et commerciale » et de « matière administrative » – Champ d’application – Activités des sociétés de classification et de certification des navires – Acta iure imperii et acta iure gestionis – Prérogatives de puissance publique – Immunité juridictionnelle »

Dans l’affaire C‑641/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Genova (tribunal de Gênes, Italie), par décision du 28 septembre 2018, parvenue à la Cour le 12 octobre 2018, dans la procédure

LG e.a.

contre

Rina SpA,

Ente Registro Italiano Navale,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, faisant fonction de juge de la première chambre, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen et Mme C. Toader (rapporteure), juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 septembre 2019,

considérant les observations présentées :

pour LG e.a., par Mes R. Ambrosio, S. Commodo, S. Bertone, M. Bona, A. Novelli et F. Pocar, avvocati, Me C. Villacorta Salis, abogado, Me J.-P. Bellecave, avocat, ainsi que par M. N. Taylor, solicitor,

pour Rina SpA et Ente Registro Italiano Navale, par Mes G. Giacomini, F. Siccardi, R. Bassi, M. Campagna, T. Romanengo, F. Ronco et M. Giacomini, avvocati,

pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et D. Dubois ainsi que par Mme E. de Moustier, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme M. Heller ainsi que par MM. S. L. Kalėda et L. Malferrari, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 janvier 2020,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 2 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), lus à la lumière de l’article 47 de la charte de droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et du considérant 16 de la directive 2009/15/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l’inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes (JO 2009, L 131, p. 47).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant LG e.a. à Rina SpA et à Ente Registro Italiano Navale (ci-après, ensemble, « sociétés Rina »), au sujet de l’indemnisation par ces dernières, au titre de la responsabilité civile, du préjudice patrimonial et extrapatrimonial subi par LG e.a. du fait du naufrage du navire Al Salam Boccaccio ’98, qui a eu lieu, entre le 2 février et le 3 février 2006, en mer Rouge.

Le cadre juridique

Le droit international

3

La convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay, le 10 décembre 1982 (ci-après la « convention de Montego Bay »), est entrée en vigueur le 16 novembre 1994. Elle a été approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 98/392/CE du Conseil, du 23 mars 1998 (JO 1998, L 179, p. 1).

4

Aux termes de l’article 90 de cette convention, intitulé « Droit de navigation », « [t]out État, [...] a le droit de faire naviguer en haute mer des navires battant son pavillon ».

5

L’article 91 de ladite convention, intitulé « Nationalité des navires », prévoit :

« 1. Chaque État fixe les conditions auxquelles il soumet l’attribution de sa nationalité aux navires, les conditions d’immatriculation des navires sur son territoire et les conditions requises pour qu’ils aient le droit de battre son pavillon. Les navires possèdent la nationalité de l’État dont ils sont autorisés à battre le pavillon [...]

2. Chaque État délivre aux navires auxquels il a accordé le droit de battre son pavillon des documents à cet effet. »

6

L’article 94, paragraphes 1 et 3 à 5, de la convention de Montego Bay dispose :

« 1. Tout État exerce effectivement sa juridiction et son contrôle dans les domaines administratif, technique et social sur les navires battant son pavillon.

[...]

3. Tout État prend à l’égard des navires battant son pavillon les mesures nécessaires pour assurer la sécurité en mer, notamment en ce qui concerne :

a)

la construction et l’équipement du navire et sa navigabilité ;

[...]

4. Ces mesures comprennent celles qui sont nécessaires pour s’assurer que :

a)

tout navire est inspecté, avant son inscription au registre et, ultérieurement, à des intervalles appropriés, par un inspecteur maritime qualifié, et qu’il a à son bord les cartes maritimes, les publications nautiques ainsi que le matériel et les instruments de navigation que requiert la sécurité de la navigation ;

[...]

5. Lorsqu’il prend les mesures visées aux paragraphes 3 et 4, chaque État est tenu de se conformer aux règles, procédures et pratiques internationales généralement acceptées et de prendre toutes les dispositions nécessaires pour en assurer le respect. »

7

Dans ce contexte, la convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, conclue à Londres le 1er novembre 1974 (ci-après la « convention SOLAS »), à laquelle tous les États membres sont parties contractantes, a pour principal objectif de préciser les normes minimales relatives à la construction, à l’équipement et à l’exploitation des navires, compatibles avec leur sécurité.

8

Selon la règle 3-1, de la partie A-1 du chapitre II-1 de cette convention, les navires doivent être conçus, construits et entretenus conformément aux prescriptions d’ordre structurel, mécanique et électrique d’une société de classification reconnue par l’administration, à savoir selon le libellé de ladite convention, par le gouvernement de l’État dont le navire est autorisé à battre le pavillon, aux termes des dispositions de la règle XI/1, ou conformément aux normes nationales applicables de l’administration qui prévoient un degré de sécurité équivalent.

9

La règle 6, figurant au chapitre I de la convention SOLAS, énonce :

« a)

L’inspection et la visite des navires, en ce qui concerne l’application des prescriptions des présentes règles et l’octroi des exemptions pouvant être accordées, doivent être effectuées par des fonctionnaires de l’administration. Toutefois, l’administration peut confier l’inspection et la visite de ses navires, soit à des inspecteurs désignés à cet effet, soit à des organismes agréés par elle.

b)

Toute administration désignant des inspecteurs ou des organismes habilités pour effectuer des inspections et des visites comme prévu au paragraphe a) doit au moins habiliter tout inspecteur désigné ou tout organisme habilité à :

i)

exiger qu’un navire subisse des réparations ;

ii)

effectuer des inspections et des visites si les autorités compétentes de l’État du port le lui demandent.

L’administration doit notifier à l’Organisation les responsabilités spécifiques confiées aux inspecteurs désignés ou aux organismes habilités et les prescriptions de l’autorité qui leur a été déléguée.

c)

Lorsqu’un inspecteur désigné ou un organisme habilité détermine que l’état du navire ou de son armement ne correspond pas en substance aux indications du certificat ou est tel que le navire ne peut pas prendre la mer sans danger pour le navire lui-même ou les personnes à bord, l’inspecteur ou l’organisme doit immédiatement veiller à ce que des mesures correctives soient prises et doit en informer l’administration en temps utile. Si ces mesures correctives ne sont pas prises, le certificat pertinent devrait être retiré et l’administration doit être informée immédiatement ; [...]

d)

Dans tous les cas, l’administration doit se porter pleinement garante de l’exécution complète et de l’efficacité de l’inspection et de la visite et doit s’engager à prendre les mesures nécessaires pour satisfaire à cette obligation. »

Le droit de l’Union

Le règlement no 44/2001

10

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, « [l]e présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives ».

11

L’article 2, paragraphe 1, de ce règlement prévoit :

« Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

La directive 2009/15

12

Le considérant 16 de la directive 2009/15 prévoit :

« Quand un organisme agréé, ses inspecteurs ou son personnel technique délivrent les certificats requis au nom de l’administration, les États membres devraient envisager de leur permettre, pour ce qui concerne ces activités déléguées, de bénéficier de garanties juridiques et d’une protection juridictionnelle proportionnelles, y compris l’exercice de toute action de défense appropriée, mais à l’exclusion de l’immunité, qui est une prérogative que seuls les États membres peuvent invoquer, en tant que droit souverain indissociable, et qui ne peut...

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