Arrêt du Tribunal (neuvième chambre élargie) du 28 octobre 2020.#Slim Ben Ali contre Conseil de l'Union européenne.#Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Tunisie – Mesures prises à l’encontre de personnes responsables de détournements de fonds publics et des personnes et entités associées – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds – Maintien du nom du requérant sur la liste – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Délai raisonnable de jugement – Base factuelle suffisante – Délais de recours – Aide juridictionnelle – Effet suspensif – Recevabilité – Conditions.#Affaire T-151/18.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2020:514
Docket NumberT-151/18
Date28 October 2020
Celex Number62018TJ0151
CourtGeneral Court (European Union)

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

28 octobre 2020 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Tunisie – Mesures prises à l’encontre de personnes responsables de détournements de fonds publics et des personnes et entités associées – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds – Maintien du nom du requérant sur la liste – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Délai raisonnable de jugement – Base factuelle suffisante – Délais de recours – Aide juridictionnelle – Effet suspensif – Recevabilité – Conditions »

Dans l’affaire T‑151/18,

Slim Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Ali, demeurant à Verneuil‑l’Étang (France), représenté par Me K. Lara, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes S. Lejeune, A. Jaume et M. V. Piessevaux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2018/141 du Conseil, du 29 janvier 2018, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2018, L 25, p. 38), de la décision (PESC) 2019/135 du Conseil, du 28 janvier 2019, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2019, L 25, p. 23), et de la décision (PESC) 2020/117 du Conseil, du 27 janvier 2020, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2020, L 22, p. 31), en tant que ces actes concernent le requérant,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias (rapporteur), Mme M. Kancheva, M. B. Berke et Mme T. Perišin, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 22 juin 2020,

rend le présent

Arrêt

I. Antécédents du litige et cadre factuel

1 Le 31 janvier 2011, à la suite des événements politiques survenus en Tunisie au cours des mois de décembre 2010 et de janvier 2011, le Conseil de l’Union européenne, sur le fondement de l’article 29 TUE, a adopté la décision 2011/72/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2011, L 28, p. 62).

2 Les considérants 1 et 2 de la décision 2011/72 indiquent :

« (1) Le 31 janvier 2011, le Conseil a réaffirmé à la Tunisie et au peuple tunisien toute sa solidarité et son soutien en faveur des efforts déployés pour établir une démocratie stable, l’État de droit, le pluralisme démocratique et le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

(2) Le Conseil a décidé, en outre, d’adopter des mesures restrictives à l’encontre de personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens, qui privent ainsi le peuple tunisien des avantages du développement durable de son économie et de sa société et compromettent l’évolution démocratique du pays. »

3 L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 dispose :

« Sont gelés tous les capitaux et ressources économiques qui appartiennent à des personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens et aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, de même que tous les capitaux et ressources économiques qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par ces personnes, entités ou organismes, dont la liste figure à l’annexe. »

4 L’article 2 de la décision 2011/72 dispose :

« 1. Le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, établit la liste qui figure à l’annexe et la modifie.

2. Le Conseil communique sa décision à la personne ou à l’entité concernée, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

3. Si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne ou l’entité concernée. »

5 L’article 3, paragraphe 1, de la décision 2011/72 dispose :

« L’annexe indique les motifs de l’inscription sur la liste des personnes et entités. »

6 L’article 5 de la décision 2011/72, dans sa version initiale, disposait :

« La présente décision s’applique pendant une période de douze mois. Elle fait l’objet d’un suivi constant. Elle est prorogée ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. »

7 La liste initialement annexée à la décision 2011/72 mentionnait uniquement le nom de l’ancien président de la République tunisienne, en fonction lors de la survenance des événements visés au point 1 ci-dessus, et de son épouse.

8 Le 4 février 2011, sur le fondement de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/72 et de l’article 31, paragraphe 2, TUE, le Conseil a adopté la décision d’exécution 2011/79/PESC, mettant en œuvre la décision 2011/72 (JO 2011, L 31, p. 40). L’article 1er de cette décision d’exécution prévoyait que l’annexe de la décision 2011/72 était remplacée par le texte figurant à son annexe. Celle-ci mentionnait le nom de 48 personnes physiques, dont, notamment, à la première et à la deuxième ligne, le nom des deux personnes visées au point 7 ci-dessus et, à la quarante-septième ligne, le nom du requérant, M. Slim Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Ali. Toujours à la quarante-septième ligne de cette annexe, figuraient des « information[s] d’identification » relatives à la nationalité tunisienne de ce dernier, à son état civil et à son domicile en Tunisie ainsi que les motifs de son inscription sur cette annexe, ainsi libellés :

« Personne faisant l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour acquisition de biens immobiliers et mobiliers, ouverture de comptes bancaires et détention d’avoirs financiers dans plusieurs pays dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent. »

9 Sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et de la décision 2011/72, le Conseil a adopté le règlement (UE) nº 101/2011, du 4 février 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Tunisie (JO 2011, L 31, p. 1). Ce règlement reprend, en substance, les dispositions de la décision 2011/72 et la liste figurant à son annexe I est identique à celle annexée à cette décision, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79.

10 En application de l’article 5 de la décision 2011/72, le Conseil a prorogé plusieurs fois ladite décision pour une période d’un an en adoptant, successivement, la décision 2012/50/PESC, du 27 janvier 2012 (JO 2012, L 27, p. 11), la décision 2013/72/PESC, du 31 janvier 2013 (JO 2013, L 32, p. 20), la décision 2014/49/PESC, du 30 janvier 2014 (JO 2014, L 28, p. 38), la décision (PESC) 2015/157, du 30 janvier 2015 (JO 2015, L 26, p. 29), la décision (PESC) 2016/119, du 28 janvier 2016 (JO 2016, L 23, p. 65), la décision (PESC) 2017/153, du 27 janvier 2017 (JO 2017, L 23, p. 19), la décision (PESC) 2018/141, du 29 janvier 2018 (JO 2018, L 25, p. 38), la décision (PESC) 2019/135, du 28 janvier 2019 (JO 2019, L 25, p. 23), et la décision (PESC) 2020/117, du 27 janvier 2020 (JO 2020, L 22, p. 31).

11 La désignation du requérant sur la liste annexée à la décision 2011/72 (ci-après la « liste litigieuse ») ainsi que, par voie de conséquence, sur la liste figurant à l’annexe I du règlement nº 101/2011 a été maintenue au cours de ces prorogations successives. Par ailleurs, la décision 2016/119 a complété les informations d’identification relatives au requérant en mentionnant sa nationalité française et son domicile en France.

12 À la suite des arrêts du 28 mai 2013, Trabelsi e.a./Conseil (T‑187/11, EU:T:2013:273), du 28 mai 2013, Chiboub/Conseil (T‑188/11, non publié, EU:T:2013:274), et du 28 mai 2013, Al Matri/Conseil (T‑200/11, non publié, EU:T:2013:275), les motifs de désignation du requérant ont été modifiés par la décision 2014/49 comme suit :

« Personne faisant l’objet d’enquêtes judiciaires des autorités tunisiennes pour complicité dans le détournement par un fonctionnaire public de fonds publics, complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration et complicité dans l’abus d’influence auprès d’un fonctionnaire public en vue de l’obtention, directement ou indirectement, d’avantages au profit d’autrui. »

13 Ces motifs ont été de nouveau modifiés par la décision 2016/119 comme suit :

« Personne faisant l’objet d’enquêtes judiciaires des autorités tunisiennes pour complicité dans le détournement par un fonctionnaire public de fonds publics, complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration et abus d’influence auprès d’un fonctionnaire public en vue de l’obtention, directement ou indirectement, d’avantages au profit d’autrui. »

14 La décision 2020/117 a remplacé l’annexe de la décision 2011/72 par le texte figurant à son annexe, lequel comporte une partie A, relative à la liste des personnes et entités visée à l’article 1er de la décision 2011/72, et une partie B, intitulée « Droits de la défense et droit à une protection juridictionnelle effective en vertu du droit tunisien ». Dans la partie A de cette nouvelle annexe, les motifs de désignation du requérant ont été, à nouveau, modifiés comme suit : « Personne faisant l’objet, de la part des autorités tunisiennes, d’une procédure...

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