La Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne et son application par le conseil constitutionnel et le conseil d'état Français

AuthorGéraldine Bachoué- Pedrouzo
Pages111-130
LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE
L’UNION EUROPÉENNE ET SON APPLICATION
PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
ET LE CONSEIL D’ÉTAT FRANÇAIS
Géraldine BACHOUÉ-PEDROUZO
Maître de conférences à l’Université de Pau et des pays de l’Adour,
Directrice du Centre de documentation et de recherches européennes
(CDRE)
SOMMAIRE: 1. LA MOBILISATION DE LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L’UNION
EUROPÉENNE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL FRANÇAIS: 1.1. Mobilisation à des f‌ins
d’interprétation. 1.2. Mobilisation à des f‌ins de dialogue.—2. L’APPLICATION DE LA CHARTE DES
DROITS FONDAMENTAUX DE L’UNION EUROPÉENNE PAR LE CONSEIL D’ÉTAT FRANÇAIS:
2.1. Des conséquences directes limitées: 2.1.1. Champ d’application de la Charte. 2.1.2. Portée des
dispositions de la Charte. 2.2. L’implication du Conseil d’État dans la consolidation du rôle de la
Charte au sein du système européen des droits de l’homme.
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (UE) a
vingt ans. Un anniversaire qu’a entrepris de célébrer l’Universitat Pompeu
Fabra de Barcelone, en tentant d’évaluer l’application du texte par les ins-
titutions européennes ainsi que par les administrations et les tribunaux
des États membres. Un bilan en guise de cadeau que nous offre Santiago
Ripol Carulla en coordonnant cet ouvrage. Remercions-les pour cela.
La Charte apparaît comme l’aboutissement d’un processus d’intégra-
tion des droits fondamentaux au niveau européen. Sans créer de nouvelles
compétences, le texte est amené à participer à la «transformation de l’es-
sence même de l’Europe» 1: d’un ensemble de communautés économiques,
l’Europe est devenue une union partageant les mêmes valeurs et garantis-
sant des normes communes pour la protection des droits fondamentaux.
La Charte s’appuie ainsi sur des droits consacrés depuis longtemps dans
l’ordre juridique de l’Union (formalisation), tout en contribuant à clari-
1 G. BRAIBANT, La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, témoignage et com-
mentaires de Guy Braibant, éd. Le Seuil, coll. Point Essai, 2001, p. 17.
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f‌ier le catalogue des droits protégés (clarif‌ication) et à en augmenter le
nombre (actualisation).
La formalisation était nécessaire: la reconnaissance de ces droits par
la Cour de justice de l’Union depuis les années 1970 n’a jamais supprimé
la nécessité de les inscrire formellement dans le droit positif. Il s’agit là
d’une évidence: le rattachement de ces droits à des principes généraux,
par déf‌inition non écrits, rendait leur mobilisation plus diff‌icile pour les
citoyens, laissés dans une situation judiciaire incertaine et imprévisible.
La clarif‌ication s’imposait: les citoyens européens se trouvaient face à plé-
thore de textes et de principes de protection de leurs droits. Le mérite
de la Charte est de rassembler, dans un seul texte, les droits issus de la
Convention européenne des droits de l’homme, des traditions constitu-
tionnelles communes aux États, ainsi que de la Charte sociale européenne
et de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des tra-
vailleurs. L’actualisation, enf‌in, allait de soi: l’adoption d’un texte solennel
de protection des droits fondamentaux au niveau de l’Union à un moment
où, au début des années 2000, les États membres de l’UE décident de
placer le processus d’intégration européenne sur le terrain des valeurs
et de l’identité partagée, conduisait à consacrer d’autres droits que les
seuls droits civils et politiques protégés par la Convention européenne des
droits de l’homme, tels que les droits dits sociaux, les droits économiques,
ainsi que la troisième génération de droits de l’homme, faite de droits
environnementaux, droits des consommateurs et droits de la citoyenne-
té. Le mérite de la Charte est donc d’avoir contribué, par sa visibilité, à
la consolidation, dans l’Union, d’un système commun de protection des
droits fondamentaux, à un moment où les compétences conférées par les
États membres aux institutions européennes se densif‌iaient et se diversi-
f‌iaient.
En se référant directement à la Charte à l’article 6 du TUE 2, les auteurs
des traités ont décidé de codif‌ier la protection des droits fondamentaux. Le
principe est simple: les États membres partagent des valeurs humanistes
universelles, valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée (liberté,
démocratie, égalité, État de droit et respect des droits fondamentaux) et
que les États doivent respecter aussi bien lorsqu’ils adhèrent à l’UE que
lorsqu’ils en sont membres. Cette codif‌ication ne signif‌ie pas que les prin-
cipes généraux du droit de l’Union sont devenus obsolètes. Ce concept
continue d’être utilisé pour son caractère malléable, qui permet d’adapter
la protection des droits fondamentaux aux nouvelles évolutions sociales,
juridiques et constitutionnelles. Mais la Cour de justice de l’Union ne
2 Art. 6 du TUE: «L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu’adaptée le
12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités. Les disposi-
tions de la Charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que déf‌inies
dans les traités. Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés
conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l’interprétation et
l’application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications visées dans la
Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions».

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