Comune di Bernareggio

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:812
Celex Number62018CC0465
CourtCourt of Justice (European Union)
Date02 October 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 2 octobre 2019 (1)

Affaire C465/18

AV,

BU

contre

Comune di Bernareggio,

Autre partie à la procédure :

CT

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Article 49 TFUE – Liberté d’établissement – Transfert d’une pharmacie municipale à la suite d’une procédure d’appel d’offres – Législation nationale prévoyant un droit de préemption en faveur des employés d’une pharmacie municipale – Marché finalement adjugé à un employé qui n’avait pas participé à la procédure d’appel d’offres à la suite de l’exercice d’un droit de préemption »






I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle, qui a été déposée au greffe de la Cour le 16 juillet 2018 par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), concerne l’interprétation des articles 45, 49 à 56 et 106 TFUE et des articles 15 et 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »).

2. La demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant, d’une part, AV et BU, et, d’autre part, la Comune di Bernareggio (commune de Bernareggio, Italie) et CT.

3. Dans la procédure au principal, les propriétaires d’une pharmacie située en dehors de la commune de Bernareggio se sont vus attribuer provisoirement le marché pour l’achat d’une pharmacie municipale à l’issue d’une procédure d’appel d’offres.

4. En dépit du fait qu’AV et BU avaient présenté l’offre la plus avantageuse économiquement et qu’ils étaient les adjudicataires provisoires du marché, la priorité a été donnée à CT, un pharmacien travaillant pour l’Azienda Speciale Farmacie Vimercatesi, l’organisme municipal chargé de la gestion des pharmacies de la municipalité. Les événements ayant donné lieu à cette situation seront exposés de manière plus détaillée au fil des présentes conclusions.

5. À la suite de l’adjudication provisoire du marché, CT (qui est un employé de la pharmacie municipale, mais qui n’avait pas participé à l’appel d’offres), a ensuite exercé, par courrier, un droit de préemption accordé par la loi aux employés des pharmacies municipales en cas de transfert de ces pharmacies. CT a donc remporté l’adjudication définitive du marché en question.

6. AV et BU ont contesté cette adjudication définitive devant les juridictions administratives italiennes.

7. La demande de décision préjudicielle offre à la Cour l’opportunité de se prononcer pour la première fois sur la légalité d’une règle nationale accordant un droit de préemption aux employés en cas de transfert de la propriété d’une pharmacie municipale à la suite d’une procédure d’appel d’offres.

II. Le cadre juridique

A. Le droit italien

8. L’article 9 de la Legge 2 aprile 1968, n. 475, Norme concernenti il servizio farmaceutico (Loi nº 475, du 2 avril 1968, Règles concernant le service pharmaceutique) énonce ce qui suit :

« La propriété des pharmacies qui deviennent vacantes et de celles nouvellement créées à la suite d’une modification du plan de répartition des pharmacies (pianta organica) peut être acquise, pour la moitié d’entre-elles, par la commune [...] » ;

9. L’article 12 de cette loi dispose ce qui suit :

« […] 2. Le transfert [d’une pharmacie] peut s’opérer seulement en faveur d’un pharmacien qui a déjà été propriétaire ou qui a obtenu l’habilitation à l’acquisition dans le cadre d’un concours précédent. »

10. L’article 4 de la Legge 8 novembre 1991, n. 362, Norme di riordino del settore farmaceutico (Loi nº 362, du 8 novembre 1991, portant dispositions de réorganisation du secteur pharmaceutique, ci‑après la « loi nº 362/1991 ») prévoit ce qui suit :

« 1. L’attribution des officines pharmaceutiques vacantes ou nouvellement créées disponibles pour l’exploitation par des particuliers se fait par concours […].

2. Sont admis au concours prévu au paragraphe 1 les ressortissants d’un État membre de la Communauté économique européenne […] inscrits au tableau professionnel des pharmaciens […] ».

11. L’article 12, paragraphe 2, de cette loi dispose :

« En cas de transfert de la propriété d’une pharmacie municipale, les salariés ont un droit de préemption […] ».

12. L’article 2112 du codice civile (code civil italien) est libellé comme suit :

« En cas de transfert d’entreprise, la relation de travail se poursuit avec le cessionnaire et le travailleur conserve tous les droits qui en découlent. […] Le transfert d’entreprise ne constitue pas en lui‑même un motif valable de licenciement. Le travailleur, dont les conditions de travail subissent une modification substantielle dans les trois mois suivant le transfert d’entreprise, peut donner sa démission […] ».

III. Le litige au principal et la question préjudicielle

13. Par avis publié le 31 janvier 2014, la commune de Bernareggio a ouvert une procédure d’appel d’offres pour le transfert d’une pharmacie municipale (2). Conformément à l’avis d’appel d’offres, le marché était attribué au soumissionnaire offrant le prix le plus élevé. La valeur minimale ou de base du marché avait été fixée à 580 000 euros. Il convient néanmoins de faire observer que l’avis d’appel d’offres stipulait que le transfert de la pharmacie au soumissionnaire retenu était subordonnée à l’absence d’exercice, entre autres par l’un des pharmaciens employés à durée indéterminée par l’organisme chargé de la gestion des pharmacies municipales (3), du droit de préemption prévu à l’article 12, paragraphe 2, de la loi nº 362/1991.

14. Le 11 mars 2014, la municipalité a déclaré que le marché devait être provisoirement adjugé à AV et BU, les propriétaires d’une pharmacie située dans une municipalité voisine, qui avaient présenté l’offre la plus avantageuse économiquement, à savoir 600 000 euros. Cependant, comme je l’ai déjà indiqué, à l’issue de la procédure d’appel d’offres, la priorité a été donnée à CT, un pharmacien travaillant pour l’organisme municipal chargé de la gestion des pharmacies de la municipalité. CT, qui n’avait pas participé à l’appel d’offres, a exercé, par lettre du 27 mars 2014, le droit légal de préemption prévu par l’article 12, paragraphe 2, de la loi nº 362/1991 et a donc remporté l’adjudication définitive par la décision nº 31 de la commune de Bernareggio du 12 mai 2014.

15. AV et BU ont contesté l’attribution définitive du marché à CT devant le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (tribunal administratif régional pour la Lombardie, Italie). Dans leur recours, AV et BU ont notamment fait valoir que le droit légal de préemption des employés de pharmacies municipales était contraire aux principes de libre concurrence et d’égalité de traitement prévus par le droit de l’Union. Ils ont souligné que le droit de préemption comportait un avantage substantiel pour ces employés. Les employés en question peuvent prendre la place des concurrents dans une procédure d’appel d’offres sans même participer à la procédure en exerçant leur droit inconditionnel à la conclusion du contrat que la loi leur confère. AV et BU ont indiqué que le droit de préemption prévu par la loi était dépourvu de justification juridique.

16. Le tribunal administratif régional pour la Lombardie ayant rejeté leur recours, AV et BU ont interjeté appel devant la juridiction de renvoi en invoquant les mêmes moyens que ceux sur lesquels ils avaient fondé leur recours en première instance.

17. Le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) fait remarquer que le droit de préemption accordé par l’article 12, paragraphe 2, de la loi nº 362/1991 avantage les employés des pharmacies municipales lorsque celles‑ci sont transférées à des opérateurs privés (4). La juridiction de renvoi, citant son propre arrêt nº 5329 du 5 octobre 2005 (5), a déclaré que l’article 12, paragraphe 2, de la loi nº 362/1991 répond à la nécessité d’une meilleure gestion du service pharmaceutique et repose sur l’idée selon laquelle un pharmacien qui était déjà employé dans la pharmacie municipale cédée offre une garantie de continuité et de valorisation fructueuse de l’expérience déjà acquise dans la gestion de celle‑ci. Toutefois, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) doute que le droit de préemption soit effectivement justifié par l’existence d’un intérêt général prééminent réellement appréciable.

18. La juridiction de renvoi considère que le droit de préemption est excessif puisque l’article 2112 du code civil italien, qui transpose, entre autres, la directive 2001/23/CEE, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’« entreprises ou d’établissements » (6) garantit spécifiquement le maintien de la relation de travail et garantit l’ensemble des droits des employés de l’établissement transféré.

19. En outre, si la finalité du droit de préemption est de garantir la préservation de l’expérience acquise par les employés dans le cadre de la fourniture de services pharmaceutiques, celle‑ci pourrait, selon la juridiction de renvoi, être poursuivie par des modalités alternatives, par exemple en prévoyant, dans l’avis d’appel d’offres, l’attribution d’un nombre de points approprié en fonction de l’expérience, sans sacrifier la concurrence et l’égalité de traitement.

20. En tout état de cause, la juridiction de renvoi a des doutes sur le caractère raisonnable et proportionnel de la mesure au regard des objectifs sociaux poursuivis par le droit de préemption étant donné que (i) dans un contexte professionnel hautement qualifié, dans lequel le transfert de la pharmacie peut s’opérer seulement au profit d’un pharmacien inscrit au tableau professionnel, qui a les qualifications requises pour gérer une pharmacie, ou qui a au moins deux ans de pratique professionnelle, il n’y a aucune raison de valoriser davantage l’expérience acquise dans une pharmacie particulière ; que (ii) ce...

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