The Queen contra Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte Dennis Clifford Bostock.

JurisdictionEuropean Union
Celex Number61992CC0002
ECLIECLI:EU:C:1993:141
Date20 April 1993
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-2/92
61992C0002

Conclusions de l'avocat général Gulmann présentées le 20 avril 1993. - The Queen contre Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte Dennis Clifford Bostock. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni. - Prélèvement supplémentaire sur le lait - Expiration du bail de l'exploitation - Transfert de la quantité de référence au propriétaire - Absence d'obligation d'indemnisation du preneur sortant. - Affaire C-2/92.

Recueil de jurisprudence 1994 page I-00955


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Les questions préjudicielles déférées à la Cour dans la présente espèce par la High Court of Justice, Queen' s Bench Division, s' inscrivent dans le contexte du régime de quotas laitiers que la Communauté a introduit en 1984 par les règlements du Conseil n 856/84 et 857/84(1).

Le régime de quotas laitiers et ses conséquences à l' expiration du bail rural

2. Il n' y a pas lieu de décrire ce régime en détails. Il est bien connu de la Cour en raison des nombreuses procédures qu' il a suscitées.

Le but du régime est de maîtriser la croissance de la production laitière et de permettre une évolution structurelle tenant compte des conditions spécifiques de production nationales et régionales. Le point central de ce régime réside dans la fixation directe ou indirecte de quotas (dits "quantités de référence") pour la production laitière de chaque exploitation et l' obligation de payer un "prélèvement supplémentaire" en cas de dépassement des quotas laitiers. Les quotas sont fixés sur la base de la production réelle pour une année de référence déterminée.

Ce régime comporte une atteinte substantielle à la liberté d' action appartenant dans l' idéal aux agriculteurs et il s' y attache bien des intérêts économiques importants. Si une exploitation ne reçoit pas de quota laitier, elle ne peut pas être utilisée en vue d' une production laitière rentable. L' agriculteur qui souhaite s' établir en tant que producteur laitier doit acquérir une exploitation à laquelle est attaché un quota laitier.

3. Il n' est pas étonnant que le régime ait suscité des problèmes dans les relations entre preneurs à bail et bailleurs d' exploitations agricoles. La Cour a déjà été amenée à se prononcer sur de telles questions dans plusieurs affaires(2). La Cour s' est notamment prononcée sur la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure, on pouvait déduire du droit communautaire l' obligation du bailleur, en liaison avec la fin du contrat de bail, de donner au preneur à bail une compensation économique lorsque le quota laitier attaché à la propriété a été accordé au fermier et passe au propriétaire foncier à l' expiration du bail.

4. L' un des principes importants du régime est que le quota laitier suit la terre. Ainsi, à l' article 7, paragraphe 1, du règlement n 857/84, il est disposé qu' "en cas de vente, location ou transmission par un héritage d' une exploitation, la quantité de référence correspondante est transférée totalement ou partiellement à l' acquéreur, au locataire ou à l' héritier selon des modalités à déterminer" et la Cour a établi que ce principe s' applique également dans les cas où un bail arrive à expiration(3). Les premières règles, dans le règlement n 857/84, ne contenaient par ailleurs pas de dispositions particulières pour les relations entre le preneur et le bailleur dans les situations où le bail venait à expiration.

En 1985, toutefois, lors d' une modification du règlement n 857/84, un nouveau paragraphe 4 a été ajouté à l' article 7 qui dispose, en relation avec l' arrivée à expiration des baux ruraux, que "les Etats membres peuvent prévoir que tout ou partie de la quantité de référence correspondant à l' exploitation ou à la partie de l' exploitation qui est l' objet du bail soit mise à la disposition du preneur sortant, s' il entend continuer la production laitière". Cette règle était motivée par le fait que l' application de l' article 7 plaçait dans certains cas le preneur sortant dans une situation économique et sociale difficile(4).

5. La pratique a montré que le régime spécial prévu à l' article 4, paragraphe 1 du règlement peut également avoir de l' importance pour les preneurs. Conformément à cette disposition, afin de mener à bien la restructuration de la production laitière, les Etats membres peuvent accorder une indemnité au producteur qui s' engage à abandonner définitivement la production laitière. Il ressort de l' article 4, paragraphe 2 que les quantités de référence ainsi libérées sont, en tant que de besoin, ajoutées à la réserve nationale pour être distribuées à d' autres producteurs dans certains cas particuliers. Point n' est besoin d' une explication plus détaillée pour comprendre que le fermier dont le bail vient à expiration pourra avoir intérêt à demander une indemnité pour renonciation définitive à la production laitière. Là encore on comprendra sans plus ample explication que les intérêts du bailleur doivent également être préservés dans une telle situation. Les règlements pertinents ne comportent aucune disposition précise quant à la façon dont ce conflit d' intérêt doit être résolu. De même qu' il appartient aux Etats membres de décider librement s' il convient d' introduire ou non un système d' indemnisation, c' est à eux qu' il incombe de fixer des règles sur les modalités selon lesquelles le système doit être mis en oeuvre, le cas échéant.

6. Cet exposé suffit à montrer que les règles communautaires pertinentes ne comportent pas d' obligation expressément imposée aux Etats membres de protéger les intérêts économiques des fermiers en liaison avec les quotas laitiers, lorsque le bail rural vient à expiration. Bien sûr, la règle spécifique de l' article 7, paragraphe 4, vise expressément la solution des problèmes du fermier, mais elle n' oblige pas les Etats membres à mettre en oeuvre un système que, d' ailleurs, son champ d' application limité prive d' intérêt dans toutes les situations où le fermier met fin au contrat de bail sans souhaiter simultanément continuer la production laitière sur une autre exploitation. Le système spécial d' indemnité prévu à l' article 4, paragraphe 1 est, de même, facultatif pour les Etats membres et leur laisse par ailleurs le soin de fixer, le cas échéant, les dispositions d' application.

En revanche, il est à notre avis clair que les règles communautaires n' empêchent pas les Etats membres d' adopter des dispositions ayant pour but de protéger les intérêts économiques du fermier compte tenu du fait que, lorsque le bail rural vient à expiration, les quotas laitiers restent attachés à l' exploitation quittée par le fermier.

7. La question centrale dans la présente espèce est de savoir si l' on peut implicitement déduire des règlements communautaires pertinents ou des principes de protection des droits fondamentaux applicables en droit communautaire, que les Etats membres ont une obligation de protéger les intérêts économiques des fermiers et, le cas échéant, dans quelle mesure et dans quelles conditions.

Le contexte en fait de l' affaire et la législation nationale

8. Le requérant au principal, M. Dennis Bostock, a pris à bail en 1962 une ferme qui avait été prise à bail avant lui par son père et son grand père paternel. En 1962, la ferme avait un cheptel de quarante vaches. Au cours des années, M. Bostock a développé de manière importante, aussi bien l' équipement que le cheptel et, lorsque le bail est arrivé à expiration, le cheptel était de soixante-quatre vaches. Lors de l' introduction du régime de quotas laitiers, il a obtenu un quota correspondant à la production pendant l' année de référence. En 1984, il a décidé, surtout pour des raisons de santé, de rendre la ferme au propriétaire foncier. Cette rétrocession a été effectuée à la date d' expiration fixée au 25 mars 1985 et, conformément aux règles applicables, il a été procédé à un arrêté de comptes entre les parties. D' après les renseignements donnés, aucune compensation n' a été demandée ni accordée pour le quota laitier.

M. Bostock avait envisagé cette question, mais ses conseillers et lui avaient estimé que ni le droit communautaire, ni le droit national ne fournissait la base permettant de prétendre à une telle compensation. Selon l' évaluation faite de la situation par M. Bostock, il ne lui était pas possible de se prévaloir du système d' indemnisation pour cessation définitive de la production du lait qui avait été introduit au Royaume-Uni en même temps que le régime de quotas laitiers. Le système d' indemnisation supposait des demandes qui devaient être présentées pendant des périodes déterminées assez courtes et il était assorti de conditions que M. Bostock ne pouvait remplir. Parmi ces conditions figurait notamment l' exigence de l' accord du bailleur qu' il estimait impossible à obtenir. Il était également exclu que M. Bostock fasse usage de la possibilité de reprendre les quotas laitiers visée à l' article 7, paragraphe 4, et ce pour de bonnes raisons : non seulement il souhaitait abandonner l' agriculture, mais en outre l' article 7, paragraphe 4, n' avait pas été mis en application au Royaume-Uni.

9. Or, cet état du droit a été jugé insatisfaisant. C' est pourquoi l' Agriculture Act 1986 a fixé des règles permettant aux fermiers d' obtenir des propriétaires fonciers une indemnisation pour le quota laitier au moment de l' expiration du bail. Ce système est entré en vigueur en septembre 1986 et comportait en ses sections 13 et 14, en liaison avec les annexes 1 et 2, des dispositions détaillées relatives au calcul de l' indemnité. Les principes à la base de ce système sont les suivants : le droit à indemnisation dépend de la condition que le fermier sortant ait obtenu un quota laitier au cours de la période du bail ; l' indemnité est calculée...

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