conclusiones del Abogado General Pitruzzella presentadas en el asunto Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Regroupement familial – sœur de réfugié)

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62018CC0519
ECLIECLI:EU:C:2019:681
CourtCourt of Justice (European Union)
Date05 September 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 5 septembre 2019 (1)

Affaire C519/18

TB

contre

Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal

[demande de décision préjudicielle formée par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest, Hongrie)]

« Renvoi préjudiciel – Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’immigration – Droit au regroupement familial – Directive 2003/86/CE – Conditions requises pour l’exercice du droit au regroupement familial des réfugiés – Article 10, paragraphe 2 – Notion de “personne à charge” – Législation nationale soumettant le bénéfice du regroupement familial à la condition que le membre de la famille concerné soit dans l’incapacité de subvenir à ses propres besoins dans le pays d’origine en raison de son état de santé »






I. Introduction

1. Une autorité nationale peut-elle soumettre le bénéfice du regroupement familial, lequel a été demandé par un membre de la famille élargie d’un réfugié, à la condition que ce membre soit dans l’incapacité de subvenir à ses propres besoins dans son pays d’origine en raison de son état de santé ?

2. Tel est, en substance, l’objet des questions préjudicielles que pose le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest, Hongrie) à la Cour dans le cadre d’une procédure de regroupement familial qui concerne la sœur d’un réfugié, tous deux d’origine iranienne.

3. En application de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (2), les États membres ont la possibilité d’autoriser le regroupement des membres de la famille élargie d’un réfugié « s’ils sont à la charge » de ce dernier.

4. Dans la présente affaire, le juge de renvoi interroge la Cour sur l’étendue de la marge d’appréciation dont disposent les États membres dans le cadre de la mise en œuvre de cette disposition. En particulier, la Cour est invitée à préciser la mesure dans laquelle ces derniers sont tenus de respecter le critère d’éligibilité énoncé à ladite disposition, relatif à l’existence d’un lien de dépendance entre le membre de la famille concerné et le réfugié (3).

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

5. La directive 2003/86 détermine les conditions dans lesquelles est exercé le droit au regroupement familial, dont bénéficient les ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire des États membres.

6. Le considérant 8 de cette directive est rédigé comme suit :

« La situation des réfugiés devrait demander une attention particulière, à cause des raisons qui les ont contraints à fuir leur pays et qui les empêchent d’y mener une vie en famille normale. À ce titre, il convient de prévoir des conditions plus favorables pour l’exercice de leur droit au regroupement familial. »

7. L’article 3, paragraphe 5, de cette directive est libellé comme suit :

« La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté qu’ont les États membres d’adopter ou de maintenir des conditions plus favorables. »

8. Au chapitre II de ladite directive, intitulé « Membres de la famille », l’article 4 dispose, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1. Les États membres autorisent l’entrée et le séjour, conformément à la présente directive et sous réserve du respect des conditions visées au chapitre IV, ainsi qu’à l’article 16, des membres de la famille suivants :

a) le conjoint du regroupant ;

b) les enfants mineurs du regroupant et de son conjoint, y compris les enfants adoptés [...] ;

c) les enfants mineurs, y compris les enfants adoptés, du regroupant, lorsque celui-ci a le droit de garde et en a la charge [...] ;

d) les enfants mineurs, y compris les enfants adoptés, du conjoint, lorsque celui-ci a le droit de garde et en a la charge [...].

[...]

2. Les États membres peuvent, par voie législative ou réglementaire, autoriser l’entrée et le séjour, au titre de la présente directive, sous réserve du respect des conditions définies au chapitre IV, des membres de la famille suivants :

a) les ascendants en ligne directe au premier degré du regroupant ou de son conjoint, lorsqu’ils sont à sa charge et qu’ils sont privés du soutien familial nécessaire dans le pays d’origine ;

b) les enfants majeurs célibataires du regroupant ou de son conjoint, lorsqu’ils sont objectivement dans l’incapacité de subvenir à leurs propres besoins en raison de leur état de santé.

3. Les États membres peuvent, par voie législative ou réglementaire, autoriser l’entrée et le séjour, au titre de la présente directive, sous réserve du respect des conditions définies au chapitre IV, du partenaire non marié ressortissant d’un pays tiers qui a avec le regroupant une relation durable et stable dûment prouvée, ou du ressortissant de pays tiers qui est lié au regroupant par un partenariat enregistré, conformément à l’article 5, paragraphe 2, ainsi que des enfants mineurs non mariés, y compris les enfants adoptés, et des enfants majeurs célibataires qui sont objectivement dans l’incapacité de subvenir à leurs propres besoins en raison de leur état de santé.

Les États membres peuvent décider que les partenaires enregistrés sont assimilés aux conjoints pour ce qui est du regroupement familial. »

9. Au chapitre V de la directive 2003/86, intitulé « Regroupement familial des réfugiés », l’article 10, paragraphes 1 et 2, prévoit :

« 1. L’article 4 s’applique à la définition des membres de la famille, à l’exception de son paragraphe 1, troisième alinéa, qui ne s’applique pas aux enfants de réfugiés.

2. Les États membres peuvent autoriser le regroupement d’autres membres de la famille non visés à l’article 4 s’ils sont à la charge du réfugié. »

10. Aux termes de l’article 17 de cette directive :

« Les États membres prennent dûment en considération la nature et la solidité des liens familiaux de la personne et sa durée de résidence dans l’État membre, ainsi que l’existence d’attaches familiales, culturelles ou sociales avec son pays d’origine, dans les cas de rejet d’une demande, de retrait ou de non-renouvellement du titre de séjour, ainsi qu’en cas d’adoption d’une mesure d’éloignement du regroupant ou des membres de sa famille. »

B. Le droit hongrois

11. L’article 19 de l’a harmadik országbeli állampolgárok beutazásáról és tartózkodásáról szóló 2007. évi II. törvény (4) (loi n° II de 2007, relative à l’entrée et au séjour des ressortissants de pays tiers, ci‑après la « loi de 2007 »), dispose :

« 1. Peut obtenir une autorisation de séjour dans le but d’assurer le regroupement familial le ressortissant d’un pays tiers membre de la famille d’un ressortissant d’un pays tiers disposant d’une autorisation de séjour, d’entrée, d’établissement, d’établissement provisoire, d’établissement national ou d’établissement CE ainsi que d’une personne disposant d’une carte de séjour conformément à une loi particulière ou d’une carte de séjour permanente (ci-après et de façon générale le “regroupant”).

2. Peut obtenir une autorisation de séjour dans le but d’assurer le regroupement familial :

a) le membre de la famille d’une personne reconnue comme réfugiée ; ainsi que

b) le parent d’un mineur non accompagné reconnu comme réfugié ou, à défaut, son tuteur.

[...]

4. Peut obtenir une autorisation de séjour dans le but d’assurer le regroupement familial :

a) le parent à charge ;

b) le frère ou la sœur et les ascendants et descendants en ligne directe si, en raison de leur état de santé, ils sont dans l’incapacité de subvenir à leurs propres besoins,

du regroupant ou de son conjoint ou d’une personne reconnue comme réfugiée. »

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

12. Le regroupant est d’origine iranienne et s’est vu reconnaître, le 7 septembre 2015, le statut de réfugié par l’autorité compétente hongroise. Le 12 janvier 2016, la sœur du regroupant a introduit, auprès de la représentation diplomatique de la Hongrie à Téhéran (Iran), une demande tendant à l’octroi d’un permis de séjour au titre du regroupement familial.

13. Cette demande a été rejetée par l’autorité de première instance pour deux motifs. Premièrement, cette autorité a considéré que la demanderesse avait communiqué des informations erronées. Deuxièmement, elle a jugé que cette demande ne satisfaisait pas non plus aux conditions énoncées à l’article 19, paragraphe 4, de la loi de 2007 dans la mesure où la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle serait, compte tenu de ses qualifications et de son état de santé, dans l’incapacité de subvenir à ses propres besoins en raison de son état de santé. À cet égard, l’autorité de première instance a relevé que, selon les documents médicaux joints à la demande, la demanderesse souffrait de dépression, ce qui nécessitait un traitement médical régulier.

14. Cette décision a été confirmée par l’autorité de deuxième instance.

15. Le regroupant a introduit un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi. Il considère, en particulier, que les exigences visées à l’article 19, paragraphe 4, de la loi de 2007 sont contraires aux dispositions prévues à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/86 et a, par conséquent, demandé à la juridiction de renvoi d’introduire une demande de décision préjudicielle.

16. Dans la mesure où la juridiction de renvoi doute également de la compatibilité avec le droit de l’Union de l’article 19, paragraphe 4, de la loi de 2007, celle-ci a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Faut-il interpréter l’article 10, paragraphe 2, de la directive [2003/86] en ce sens qu’un État membre, lorsqu’il autorise, sur la base de cet article, l’entrée d’un membre de la famille en dehors du cercle défini à l’article 4 [de cette directive], ne peut appliquer que la condition prévue à cet article 10, paragraphe 2 (“à la charge du réfugié”), à ce membre de la...

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1 cases
  • Opinion of Advocate General Pitruzzella delivered on 10 March 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 Marzo 2022
    ...membres : voir mes conclusions dans l’affaire Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Regroupement familial – Sœur de réfugié) (C‑519/18, EU:C:2019:681, points 57 à 62). Voir, en outre, point 31 des présentes 13 Arrêt Rahman e.a. (point 23). Il est utile de rappeler que la Cour était ici invi......