M y otros contra Ministerstvo vnitra y X. y X. contra Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:486
Docket NumberC-77/17,C-78/17,C-391/16,
Celex Number62016CC0391
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date21 June 2018
62016CC0391

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 21 juin 2018 ( 1 )

Affaires jointes C‑391/16, C‑77/17 et C‑78/17

M

contre

Ministerstvo vnitra

[demande de décision préjudicielle formée par le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque)]

et

X (C‑77/17)

X (C‑78/17)

contre

Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Politique d’asile – Directive 2011/95/UE – Refus d’octroi ou révocation du statut de réfugié – Condamnation pour un crime particulièrement grave – Article 14, paragraphes 4 à 6 – Interprétation et validité – Article 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 78, paragraphe 1, TFUEConvention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 »

I. Introduction

1.

Les demandes de décision préjudicielle formées par le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique) dans les affaires C‑77/17 et C‑78/17 portent sur l’interprétation de l’article 14, paragraphes 4 et 5, de la directive 2011/95/UE ( 2 ) ainsi que sur sa validité au regard de l’article 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’article 78, paragraphe 1, TFUE.

2.

Dans l’affaire C‑391/16, le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque) interroge la Cour sur la validité de l’article 14, paragraphes 4 et 6, de la directive 2011/95 au regard de ces mêmes dispositions ainsi que de l’article 6, paragraphe 3, TUE.

3.

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges concernant la validité des décisions par lesquelles les autorités nationales compétentes en matière d’asile ont refusé d’accorder le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire à X (affaire C‑77/17) en application de la législation belge transposant l’article 14, paragraphe 5, de la directive 2011/95 et ont retiré le statut de réfugié précédemment octroyé à X (affaire C‑78/17) et à M (affaire C‑391/16) en vertu des dispositions de droit interne (belge et tchèque, respectivement) transposant le paragraphe 4 de cet article.

4.

Les paragraphes 4 et 5 de l’article 14 de la directive 2011/95 permettent, en substance, à un État membre de révoquer le statut octroyé à un réfugié et de refuser l’octroi du statut de réfugié lorsque le réfugié en cause représente une menace pour la sécurité ou la société de cet État membre. Le paragraphe 6 de cet article précise les droits minimaux dont la jouissance doit néanmoins être garantie à ce réfugié aussi longtemps qu’il demeure dans ledit État membre.

5.

Par leurs questions préjudicielles, les juridictions de renvoi cherchent, essentiellement, à savoir si ces dispositions méconnaissent la convention de Genève relative au statut des réfugiés ( 3 ) (ci‑après la « Convention de Genève ») et sont, en conséquence, invalides au regard de l’article 18 de la Charte et de l’article 78, paragraphe 1, TFUE, en vertu desquels la politique commune d’asile doit respecter cette convention.

II. Le cadre juridique

A. Le droit international

6.

L’article 1er, section A, paragraphe 2, de la convention de Genève définit un « réfugié » comme toute personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle [...], ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner» ( 4 ).

7.

L’article 1er, section C, de cette convention dispose :

« Cette [c]onvention cessera, dans les cas ci-après, d’être applicable à toute personne visée par les dispositions de la section A ci-dessus :

1)

Si elle s’est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ; ou

2)

Si, ayant perdu sa nationalité, elle l’a volontairement recouvrée ; ou

3)

Si elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a acquis la nationalité ; ou

4)

Si elle est retournée volontairement s’établir dans le pays qu’elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d’être persécutée ; ou

5)

Si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d’exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité ; [...]

6)

S’agissant d’une personne qui n’a pas de nationalité, si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d’exister, elle est en mesure de retourner dans le pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle ;

[...] »

8.

L’article 1er, section F, de ladite convention prévoit :

« Les dispositions de cette [c]onvention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a)

qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ;

b)

qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiées ;

c)

qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations [u]nies. »

9.

L’article 33 de la même convention énonce :

« 1. Aucun des États [c]ontractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. »

10.

En vertu de l’article 42, paragraphe 1, de la convention de Genève, « [a]u moment de la signature, de la ratification ou de l’adhésion, tout État pourra formuler des réserves aux articles de la [c]onvention autres que les articles 1, 3, 4, 16 (1), 33, 36 à 46 inclus ».

B. Le droit de l’Union

11.

L’article 2 de la directive 2011/95 est libellé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

d)

“réfugié”, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12 ;

e)

“statut de réfugié”, la reconnaissance, par un État membre, de la qualité de réfugié pour tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride ;

[…] »

12.

L’article 11 de cette directive, intitulé « Cessation », dispose, à son paragraphe 1 :

« Tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride cesse d’être un réfugié dans les cas suivants :

a)

s’il est volontairement réclamé à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité ; ou

b)

si, ayant perdu sa nationalité, il l’a volontairement recouvrée ; ou

c)

s’il a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont il a acquis la nationalité ; ou

d)

s’il est retourné volontairement s’établir dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré de crainte d’être persécuté ; ou

e)

s’il ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, les circonstances à la suite desquelles il a été reconnu comme réfugié ayant cessé d’exister ; ou

f)

si, s’agissant d’un apatride, il est en mesure de retourner dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, les circonstances à la suite desquelles il a été reconnu comme réfugié ayant cessé d’exister. »

13.

L’article 12 de ladite directive, intitulé « Exclusion », prévoit, à son paragraphe 2 :

« Tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride est exclu du statut de réfugié lorsqu’il y a des raisons sérieuses de penser :

a)

qu’il a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ;

b)

qu’il a commis un crime grave de droit commun en dehors du pays de refuge avant d’être admis comme réfugié, c’est-à-dire avant la date à laquelle le titre de séjour est délivré sur la base de l’octroi du statut de réfugié ; [...]

c)

qu’il s’est rendu coupable...

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