Conclusiones del Abogado General Sr. Y. Bot, presentadas el 16 de mayo de 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:431
Celex Number62017CC0479
CourtCourt of Justice (European Union)
Date16 May 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 16 mai 2019 (1)

Affaire C479/17 P

Guardian Europe Sàrl

contre

Union européenne, représentée par la Cour de justice de l’Union européenne,

Union européenne, représentée par la Commission européenne

« Pourvoi – Recours en indemnité – Défaut de statuer dans un délai raisonnable – Non-respect du principe d’égalité de traitement – Conditions de recevabilité – Droit d’agir – Notion d’“entreprise unique” – Réparation du préjudice prétendument subi par la requérante – Responsabilité extracontractuelle de l’Union à raison d’une décision rendue par le Tribunal de l’Union européenne »






I. Introduction

1. Par leurs pourvois respectifs, l’Union européenne (2) et Guardian Europe Sàrl (3) demandent l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 juin 2017, Guardian Europe/Union européenne (4), par lequel celui-ci, d’une part, a condamné l’Union à payer une indemnité de 654 523,43 euros à Guardian Europe au titre du préjudice matériel subi par cette société en raison de la violation du délai de jugement raisonnable dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (5), et, d’autre part, a rejeté le recours pour le surplus.

2. À la suite de son désistement partiel du 7 janvier 2019, dans l’affaire Union européenne/Guardian Europe (C-447/17 P), l’Union, représentée par la Cour de justice de l’Union européenne, ne soutient plus que le deuxième moyen de son pourvoi faisant grief à l’arrêt attaqué d’avoir, au point 160, interprété de manière erronée la notion de « lien de causalité », en estimant, au point 161 de cet arrêt, qu’il existe un lien de causalité suffisamment direct entre la violation du délai de jugement raisonnable dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012 et le préjudice subi par Guardian Europe en raison du paiement de frais de garantie bancaire supplémentaires au cours de la période qui correspond au dépassement de ce délai raisonnable.

3. Ce deuxième moyen, analogue à celui soulevé par l’Union dans les affaires Union européenne/Gascogne Sack Deutschland et Gascogne (6), Union européenne/Kendrion (7), ainsi que Union européenne/ASPLA et Armando Álvarez (8), a été accueilli par la Cour par arrêts du 13 décembre 2018.

4. Dans ces conditions, notre examen des pourvois, en ce qu’ils posent des questions de droit nouvelles, sera limité à celui formé par Guardian Europe dans l’affaire Guardian Europe/Union européenne (C‑479/17 P) et concentré sur les premier et quatrième moyens soutenus par celle-ci, relatifs à la notion d’« entreprise unique » (9), ainsi que sur le sixième moyen portant sur la responsabilité de l’Union à raison d’une décision rendue par le Tribunal. Cependant, nous expliquerons, brièvement, en quoi, selon nous, les moyens de défense soutenus en réponse au quatrième moyen doivent être rejetés, dès lors qu’ils conditionnent également l’examen du sixième moyen.

5. Ainsi, nous allons exposer pour quels motifs nous considérons que seuls les premier et quatrième moyens sont fondés, sauf en ce qu’ils critiquent la motivation de l’arrêt attaqué relative à la représentation de Guardian Industries Corp. par Guardian Europe, entraînant, par voie de conséquence, l’annulation partielle de l’arrêt attaqué.

II. Les faits à l’origine du litige

6. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 février 2008, Guardian Industries et Guardian Europe ont introduit un recours contre la décision C(2007) 5791 final de la Commission, du 28 novembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article [101 TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39165 – Verre plat) (10). Dans leur requête, elles concluaient, en substance, à l’annulation partielle de cette décision en ce qu’elle les concernait et à la réduction du montant de l’amende qui leur avait été infligée par ladite décision.

7. Le Tribunal ayant rejeté ce recours, par l’arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe ont formé un pourvoi contre cette décision, par requête déposée au greffe de la Cour le 10 décembre 2012.

8. Par arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (11), la Cour a, pour l’essentiel, premièrement, annulé l’arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012 en tant que cet arrêt avait rejeté le moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination en ce qui concernait le calcul du montant de l’amende infligée solidairement à Guardian Industries et à Guardian Europe, et avait condamné ces dernières à supporter les dépens. Deuxièmement, la Cour a annulé l’article 2 de la décision C(2007) 5791 en tant qu’il fixait le montant de l’amende infligée solidairement à Guardian Industries et à Guardian Europe à la somme de 148 000 000 euros. Troisièmement, la Cour a fixé à la somme de 103 600 000 euros le montant de l’amende infligée solidairement à Guardian Industries et à Guardian Europe en raison de l’infraction constatée à l’article 1er de la décision C(2007) 5791. Quatrièmement, la Cour a rejeté le pourvoi pour le surplus.

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

9. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 novembre 2015, Guardian Europe a introduit un recours fondé sur l’article 268 et sur l’article 340, deuxième alinéa, TFUE contre l’Union, représentée par la Commission et par la Cour de justice de l’Union européenne, tendant à obtenir réparation du préjudice que cette société aurait prétendument subi en raison, d’une part, de la durée excessive de la procédure devant le Tribunal, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, et, d’autre part, de la violation du principe d’égalité de traitement commise par la Commission dans la décision C(2007) 5791 et par le Tribunal dans cet arrêt.

10. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a déclaré et arrêté :

« 1) L’[Union], représentée par la Cour de justice de l’Union européenne, est condamnée à payer une indemnité de 654 523,43 euros à [Guardian Europe] au titre du préjudice matériel subi par cette société en raison de la violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt [du Tribunal du 27 septembre 2012]. Cette indemnité sera réévaluée par des intérêts compensatoires, à compter du 27 juillet 2010 et jusqu’au prononcé du présent arrêt, au taux d’inflation annuel constaté, pour la période concernée, par Eurostat (office statistique de l’Union européenne) dans l’État membre où cette société est établie.

2) L’indemnité visée au point 1) sera majorée d’intérêts moratoires, à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à complet paiement, au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) Guardian Europe supportera les dépens exposés par l’Union, représentée par la [Commission].

5) Guardian Europe, d’une part, et l’Union, représentée par la Cour de justice de l’Union européenne, d’autre part, supporteront leurs propres dépens. »

IV. Les conclusions des parties

11. Par son pourvoi dans l’affaire Guardian Europe/Union européenne (C-479/17 P), Guardian Europe demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où le point 3 de son dispositif a rejeté en partie sa demande en indemnité fondée sur l’article 268 et sur l’article 340, deuxième alinéa, TFUE ;

– de condamner l’Union à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de la violation, par le Tribunal, des exigences liées au respect du délai de jugement raisonnable, en lui versant les montants suivants, assortis, d’une part, d’intérêts compensatoires à compter du 27 juillet 2010 jusqu’à la date de l’arrêt statuant sur le présent pourvoi, au taux d’inflation annuel constaté, pour la période concernée, par Eurostat dans l’État membre où Guardian Europe est établie, et, d’autre part, d’intérêts moratoires à compter de la date de l’arrêt statuant sur le présent pourvoi, au taux fixé par la BCE pour ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage :

– 1 388 000 euros au titre des coûts d’opportunité ou du manque à gagner ;

– 143 675,78 euros au titre de frais de garantie bancaire, et

– un montant déterminé sous la forme d’un pourcentage approprié de l’amende infligée à Guardian Europe dans la décision C(2007) 5791 au titre du préjudice immatériel ;

– de condamner l’Union à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de la violation, par la Commission et par le Tribunal, du principe d’égalité de traitement, en lui versant les montants suivants, assortis, d’une part, d’intérêts compensatoires à compter du 19 novembre 2010 jusqu’à la date de l’arrêt statuant sur le présent pourvoi, au taux d’inflation annuel constaté, pour la période concernée, par Eurostat dans l’État membre où Guardian Europe est établie, et, d’autre part, d’intérêts moratoires à compter de la date de l’arrêt statuant sur le présent pourvoi, au taux fixé par la BCE pour ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage :

– 7 712 000 euros au titre des coûts d’opportunité ou du manque à gagner, et

– un montant déterminé sous la forme d’un pourcentage approprié de l’amende infligée à Guardian Europe dans la décision C(2007) 5791 au titre du préjudice immatériel ;

– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue sur les demandes précédentes, et

– de condamner la Commission et la Cour de justice de l’Union européenne aux dépens.

12. L’Union, représentée par la Cour de justice de l’Union européenne, demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi, et

– de condamner Guardian Europe aux dépens.

13. L’Union, représentée par la Commission, demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi en tant qu’il est dirigé contre la Commission, et

– de condamner Guardian Europe à ses...

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