Conclusiones del Abogado General Sr. P. Pikamäe, presentadas el 5 de junio de 2019.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62017CC0641 |
ECLI | ECLI:EU:C:2019:463 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Date | 05 June 2019 |
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. PRIIT PIKAMÄE
présentées le 5 juin 2019 (1)
Affaire C‑641/17
College Pension Plan of British Columbia
contre
Finanzamt München III
[demande de décision préjudicielle formée par le Finanzgericht München (tribunal des finances de Munich, Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Fiscalité directe – Libre circulation des capitaux – Mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers – Impôt sur les sociétés – Fonds de pension résident et non-résident – Imposition des dividendes de portefeuilles d’actions – Retenue à la source – Imputation intégrale de la retenue à la source sur l’impôt sur les sociétés – Réduction du résultat imposable par le biais des provisions mathématiques destinées aux versements des pensions – Restriction – Comparabilité – Prise en compte des provisions mathématiques – Lien entre, d’une part, les provisions mathématiques et autres provisions techniques et, d’autre part, la perception des dividendes – Justification – Conventions tendant à éviter la double imposition – Clause de standstill – Critères temporel et matériel »
1. Par la présente demande de décision préjudicielle, au titre de l’article 267 TFUE, le Finanzgericht München (tribunal des finances de Munich, Allemagne) adresse à la Cour deux questions portant sur l’interprétation des dispositions de droit primaire relatives à la libre circulation des capitaux, à savoir les articles 63 à 65 TFUE (2). C’est l’articulation entre cette liberté et la teneur de dispositions nationales relatives à la fiscalité directe relatives aux dividendes, qui est au cœur de la présente affaire préjudicielle.
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le College Pension Plan of British Columbia (ci‑après le « CPP »), un fonds de pension sous forme de trust de droit canadien, au Finanzamt München (Abteilung III) (centre des impôts de Munich, section III, Allemagne). Plus particulièrement, au cours des années 2007 à 2010, ce trust a perçu, par le biais d’un fiduciaire canadien, des dividendes de la part de diverses sociétés anonymes allemandes par rapport auxquels l’administration fiscale allemande a refusé l’exonération de l’impôt allemand sur les revenus du capital.
3. La Cour est notamment appelée à déterminer si les dispositions relatives à la libre circulation des capitaux figurant au traité FUE doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à la législation allemande en vertu de laquelle les impôts retenus à la source sur les dividendes peuvent être imputés à l’impôt sur les sociétés devant être acquitté par les fonds de pension résidents et en vertu de laquelle des provisions peuvent également être prises en compte dans ce cadre pour diminuer le résultat imposable, alors qu’un fonds de pension non-résident ne peut pas procéder à une telle imputation. En outre se pose également la question de l’applicabilité de la clause dite de standstill prévue à l’article 64, paragraphe 1, TFUE.
4. L’examen du régime fiscal applicable aux dividendes distribués à des fonds de pension partiellement assujettis, au regard de la libre circulation des capitaux, a déjà fait l’objet de plusieurs affaires devant la Cour (3). Même si la jurisprudence en la matière est déjà riche, les questions de l’existence d’une éventuelle restriction et de la comparabilité des situations des contribuables résidents et non-résidents peuvent s’avérer parfois complexes. La présente affaire en est une bonne illustration.
I. Le cadre juridique
A. La loi relative au contrôle des organismes d’assurance
5. Il ressort du dossier soumis à la Cour que, au cours des années 2007 à 2010, les fonds de pension et leurs activités étaient régis par le Versicherungsaufsichtsgesetz (loi relative au contrôle des organismes d’assurance), dans sa version publiée le 17 décembre 1992 (ci-après le « VAG 1992 ») (4). L’article 112 du VAG 1992 contenait une définition des fonds de pension. Selon le dossier soumis à la Cour, le paragraphe 1 de cet article était libellé comme suit :
« Un fonds de pension est une institution de prévoyance dotée de la capacité juridique
« 1. qui fournit, par capitalisation, des prestations de retraite professionnelle pour un ou plusieurs employeurs en faveur de leurs travailleurs,
2. qui ne peut, dans tous les cas de prestation prévus, garantir par des assurances le montant des prestations ou le montant des cotisations futures à verser en vue de ces prestations,
3. qui confère aux travailleurs un droit propre aux prestations vis-à-vis du fonds de pension, et
4. qui est tenue de fournir la prestation de retraite sous la forme d’un paiement à vie. »
6. Le VAG 1992 a été abrogé par la loi sur la modernisation du contrôle financier des assurances du 1er avril 2015 (5) et remplacé par le VAG 2015. L’article 236, paragraphe 1, du VAG 2015 contient une définition des fonds de pension, qui correspond à celle figurant à l’article 112 du VAG 1992.
B. La législation fiscale relative aux fonds de pension
7. Il ressort du dossier soumis à la Cour que le régime allemand d’imposition des revenus des capitaux découle des dispositions de l’Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu, ci‑après l’« EStG »), dans sa version publiée le 19 octobre 2002 (6), combinées, en ce qui concerne l’imposition des personnes morales, avec les dispositions du Körperschaftssteuergesetz (loi relative à l’impôt sur les sociétés, ci‑après le « KStG »), dans sa version publiée le 15 octobre 2002 (7).
1. Le régime fiscal des fonds de pension ayant leur siège en Allemagne
8. En tant que société de capitaux ayant son siège en Allemagne, un fonds de pension allemand est intégralement assujetti à l’impôt sur les sociétés conformément à l’article 1er, paragraphe 1, point 1, du KStG. Selon l’article 7, paragraphe 1, du KStG, son revenu imposable est soumis à l’impôt sur les sociétés. Conformément à l’article 23 du KStG, le bénéfice des fonds de pension allemands doit être imposé à concurrence de 15 % au titre de l’impôt sur les sociétés.
9. Selon l’article 8, paragraphe 1, première phrase du KStG, le revenu imposable est déterminé conformément aux dispositions de l’EStG. En vertu des dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 2, du KStG et de l’article 2, paragraphe 1, point 2, de l’EStG, tous les revenus d’un fonds de pension intégralement assujettis sont à considérer comme des revenus générés par une activité industrielle ou commerciale. Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, point 1, de l’EStG, les revenus générés par une activité industrielle ou commerciale sont le résultat réalisé pendant l’exercice fiscal considéré.
10. Les exonérations fiscales prévues pour les dividendes et les plus-values à l’article 8b, paragraphes 1 et 2, du KStG, ne sont pas applicables aux fonds de pension en vertu de l’article 8b, paragraphe 8, première et cinquième phrases, du KStG.
11. Selon l’article 20, paragraphe 1, de l’EStG, les dividendes distribués sur les bénéfices sont considérés comme des revenus du capital.
12. Conformément aux dispositions des articles 43 et 44 de l’EStG, l’impôt sur le revenu du capital est perçu, par voie de retenue à la source, sur les revenus de capital et est acquitté par la société distributrice des dividendes. Cet impôt s’élève à 25 % des dividendes bruts.
13. L’article 4, paragraphe 1, première phrase, de l’EStG prévoit que « [l]e résultat est égal à la différence entre le patrimoine de l’entreprise à la fin de l’exercice et le patrimoine de l’entreprise à la fin de l’exercice précédent, augmentée de la valeur des prélèvements et diminuée de la valeur des apports ».
14. Conformément à l’article 5 de l’EStG, le patrimoine est évalué par application des principes comptables du droit commercial. Ainsi, cette différence est établie sur la base d’un bilan fiscal qui, lui, est tiré du bilan comptable.
15. En vertu de l’article 31, paragraphe 1, première phrase, du KStG, lu conjointement avec l’article 36, paragraphe 2, point 2, de l’EStG, l’impôt sur le revenu du capital frappant les dividendes, qui a été prélevé sous forme de retenue à la source et qui a déjà été acquitté au cours de l’exercice fiscal, peut être intégralement imputé sur l’impôt sur les sociétés.
16. Aux termes de l’article 36, paragraphe 4, deuxième phrase, de l’EStG, « [s]’il résulte, après décompte, un excédent en faveur de l’assujetti, cet excédent lui est versé après notification de l’avis d’imposition ».
17. Selon les indications fournies dans la décision de renvoi, aux fins du régime fiscal, la législation allemande distingue entre les bénéfices réalisés sur fonds propres (« retours sur investissements comptables ») et ceux réalisés à partir du « panier de couverture » (8) (« retours sur investissements extra-comptables »).
18. D’une part, en ce qui concerne les retours sur investissements comptables, lorsque les bénéfices financiers sont supérieurs au taux d’intérêt technique pris en compte pour le calcul des cotisations des affiliés au fond de pension, ces bénéfices sont portés directement au crédit des différents contrats du fonds de pension. Ils augmentent non seulement l’actif du bilan fiscal du fonds de pension, mais aussi la valeur des postes figurant au passif dudit bilan et, notamment, les provisions mathématiques (9). Dans cette hypothèse, les bénéfices tirés de la perception des dividendes sont intégralement neutralisés et ne se traduisent pas par un résultat imposable.
19. D’autre part, s’agissant des retours sur investissements extra-comptables, lorsque les bénéfices financiers sont supérieurs au taux d’intérêt technique pris en compte pour le calcul des cotisations des affiliés au fond de pension, ces bénéfices sont affectés à concurrence d’au moins 90 % au profit des contrats des affiliés. Cette part de 90 % des bénéfices se traduit par une augmentation de la valeur à la fois des actifs inscrits au bilan fiscal et des postes du passif du bilan fiscal, et notamment...
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