Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 10 de septiembre de 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:695
Celex Number62018CC0125
CourtCourt of Justice (European Union)
Date10 September 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 10 septembre 2019 (1)

Affaire C125/18

Marc Gómez del Moral Guasch

contre

Bankia SA

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de Primera Instancia nº 38 de Barcelona (tribunal de première instance nº 38 de Barcelone, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrat de prêt hypothécaire – Taux d’intérêt variable – Indice de référence des prêts hypothécaires (IRPH) – Indice découlant d’une disposition réglementaire ou administrative – Introduction unilatérale par le professionnel – Contrôle de transparence par le juge national – Niveau d’information exigé de la banque »






Table des matières


I. Introduction

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

B. Le droit espagnol

III. Les faits à l’origine du litige au principal et les questions préjudicielles

IV. La procédure devant la Cour

V. Analyse

A. Observations liminaires

1. L’IRPH Cajas : évolution et fonctionnement

2. L’arrêt du 14 décembre 2017

B. Sur les questions préjudicielles

1. Sur la première question préjudicielle : la portée de l’exception visée à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13

a) Bref rappel de la jurisprudence de la Cour

b) La clause litigieuse relève-t-elle de l’exception prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 ?

2. Sur la deuxième question préjudicielle : l’étendue et le contenu du contrôle de la transparence de la clause litigieuse, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13

a) Sur la deuxième question, sous a)

1) L’arrêt Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid

2) La position du gouvernement espagnol

3) Conséquence de l’absence de transposition de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13

b) Sur la deuxième question, sous b) et c)

1) Rappel de la jurisprudence de la Cour relative à la portée du niveau d’information requis dans le cadre de l’exigence de transparence des clauses contractuelles tirée de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 5 de la directive 93/13

2) Application au cas d’espèce

VI. Conclusion


I. Introduction

1. De nos jours, l’acquisition d’un bien immobilier se fait rarement sans recourir à un emprunt. Payer les mensualités d’un crédit hypothécaire relève des actes du quotidien depuis la nuit des temps (2). En vue de souscrire un prêt, le consommateur moyen dispose, en principe, de différentes sources d’information, telles que les brochures ou les guides pratiques provenant des établissements bancaires, mais également d’associations de protection de consommateurs, qui visent à donner des renseignements aux acheteurs potentiels sur différents éléments tels que l’endettement maximal, les taux d’intérêt fixes ou variables et les indices de référence.

2. Or, souvent, en raison de la technicité de l’information concernant les prêts hypothécaires, le consommateur moyen n’est pas en mesure de comprendre certaines notions, telles que celles de « taux d’intérêt » (fixe ou variable), d’« indice de référence » ou de « taux annuel effectif global » (TAEG) et, en particulier, les différences entre ces notions. Tel est également le cas en ce qui concerne le fonctionnement ou le calcul concret non seulement des taux d’intérêt variables, mais également des indices de référence officiels des prêts hypothécaires et des TAEG sur la base desquels ces taux d’intérêt sont calculés. Dans ce contexte, le niveau d’information exigé du professionnel est d’une importance cruciale pour permettre au consommateur moyen de comprendre le coût réel de son emprunt.

3. Le présent renvoi préjudiciel, qui a été adressé à la Cour par le Juzgado de Primera Instancia nº 38 de Barcelona (tribunal de première instance nº 38 de Barcelone, Espagne), porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE (3), notamment son article 1er, paragraphe 2, son article 4, paragraphe 2, et ses articles 5 et 8. La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Marc Gómez del Moral Guasch à Bankia SA, un établissement bancaire, au sujet du caractère prétendument abusif d’une clause figurant dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre ces deux parties et qui soumet le taux d’intérêt variable du prêt à l’un des indices de référence des prêts hypothécaires (IRPH) officiels (ci-après la « clause litigieuse), à savoir l’IRPH Cajas (IRPH des caisses d’épargne).

4. Les questions préjudicielles présentées dans cette demande offrent à la Cour la possibilité de préciser sa jurisprudence concernant notamment, d’une part, la portée de l’exception visée à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 et, d’autre part, l’étendue et le contenu du contrôle de la transparence de la clause litigieuse, conformément à l’article 4, paragraphe 2, et à l’article 5, de cette directive.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

5. Les treizième, dix-neuvième et vingtième considérants de la directive 93/13 énoncent :

« considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives ; que, par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives [...] ; que, à cet égard, l’expression “dispositions législatives ou réglementaires impératives” figurant à l’article 1er, paragraphe 2, [de cette directive] couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsque aucun autre arrangement n’a été convenu ;

[...]

considérant que, pour les besoins de la présente directive, l’appréciation du caractère abusif ne doit pas porter sur des clauses décrivant l’objet principal du contrat ou le rapport qualité/prix de la fourniture ou de la prestation ; que l’objet principal du contrat et le rapport qualité/prix peuvent, néanmoins, être pris en compte dans l’appréciation du caractère abusif d’autres clauses ; [...]

considérant que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles [...] et que, en cas de doute, doit prévaloir l’interprétation la plus favorable au consommateur »

6. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 :

« Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives [...] ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

7. L’article 3, paragraphe 3, de directive prévoit :

« L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »

8. L’article 4, paragraphe 2, de ladite directive dispose :

« L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

9. L’annexe de la directive 93/13, intitulée « Clauses visées à l’article 3, paragraphe 3 », énonce, au point 1, sous l), et au point 2, sous c) et d) :

« 1. Clauses ayant pour objet ou pour effet :

[...]

l) de prévoir que le prix des biens est déterminé au moment de la livraison, ou d’accorder au vendeur de biens ou au fournisseur de services le droit d’augmenter leurs prix, sans que, dans les deux cas, le consommateur n’ait de droit correspondant lui permettant de rompre le contrat au cas où le prix final est trop élevé par rapport au prix convenu lors de la conclusion du contrat ;

[...]

2. Portée des points [...] l)

[...]

c) Les points [...] 1) ne sont pas applicables aux :

— transactions concernant les valeurs mobilières, instruments financiers et autres produits ou services dont le prix est lié aux fluctuations d’un cours ou d’un indice boursier ou d’un taux de marché financier que le professionnel ne contrôle pas,

[...]

d) Le point 1) ne fait pas obstacle aux clauses d’indexation de prix pour autant qu’elles soient licites et que le mode de variation du prix y soit explicitement décrit. »

B. Le droit espagnol

10. L’article 1303 du Código Civil (code civil) est ainsi rédigé :

« Lorsqu’une obligation est déclarée nulle, les contractants doivent se restituer réciproquement les choses ayant fait l’objet du contrat, les fruits produits par ces choses et le prix assorti d’intérêts, sans préjudice des articles suivants. »

11. L’article 80, paragraphe 1, sous a), du texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias (texte portant refonte de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers et d’autres lois complémentaires), approuvé par le Real Decreto Legislativo 1/2007 (décret législatif royal 1/2007), du 16 novembre 2007 (4), dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après la « LGDCU »), dispose :

« 1. Dans les contrats conclus avec des consommateurs et des usagers qui comprennent des clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, [...] ces clauses doivent respecter les exigences suivantes :

a) la rédaction doit être précise, claire et simple, pouvoir être directement comprise, sans renvoyer à des textes ou à des documents qui ne seraient pas fournis préalablement ou au moment de la conclusion du contrat et qu’il faudrait, en tout état de cause, mentionner expressément dans le document contractuel. »

12. L’article 82, paragraphes 1 et 2, de la LGDCU prévoit :

« 1. Sont considérées comme abusives toutes les clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle ainsi que toutes les pratiques qui ne résultent pas d’un accord exprès et qui, en dépit de l’exigence de bonne foi, créent au détriment du consommateur et de l’usager un déséquilibre significatif entre...

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