Conclusiones del Abogado General Sr. M. Campos Sánchez-Bordona, presentadas el 18 de diciembre de 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:1101
Date18 December 2019
Celex Number62018CC0719
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 18 décembre 2019(1)

Affaire C719/18

Vivendi SA

contre

Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni,

en présence de

Mediaset SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Télécommunications – Liberté d’établissement – Libre circulation des capitaux – Articles 49 TFUE et 63 TFUEDirective 2002/21/CE – Législation nationale visant à lutter contre les positions dominantes – Calcul des recettes dans le secteur des communications électroniques et dans le système intégré des communications – Limitation du secteur des communications électroniques aux marchés soumis à une régulation ex ante – Prise en compte des recettes des sociétés liées – Seuil de recettes différencié entre les sociétés actives dans le secteur des communications électroniques et les autres opérateurs – Article 11 de la Charte – Liberté et pluralisme des médias »






1. La législation italienne impose certaines restrictions aux entreprises opérant dans le secteur des médias audiovisuels et radiophoniques, les empêchant d’y occuper une position dominante, dans le but de sauvegarder le pluralisme de l’information.

2. Parmi ces restrictions figure l’interdiction faite à une entreprise de percevoir des recettes supérieures à 20 % des recettes totales du « système intégré des communications » (ci‑après le « SIC ») (2). Ce pourcentage est ramené à 10 % lorsque cette entreprise détient dans le même temps une part supérieure à 40 % des recettes totales du secteur des communications électroniques.

3. En l’espèce, l’Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni (Autorité de tutelle des communications, ci‑après l’« AGCom »), faisant application des règles nationales, a conclu qu’une société française du secteur des médias (Vivendi SA ; ci‑après « Vivendi ») avait enfreint lesdites règles en acquérant une participation significative dans le capital d’une société italienne de ce même secteur (Mediaset Italia Spa ; ci‑après « Mediaset »). Vivendi occupait une position importante dans le secteur italien des communications électroniques en raison du contrôle qu’elle exerçait sur Telecom Italia SpA (ci‑après « TIM »).

4. La juridiction appelée à statuer sur le recours introduit par Vivendi contre la décision de l’AGCom soumet à la Cour les doutes qu’elle éprouve quant à la compatibilité, sur ce point, de la législation nationale avec le droit de l’Union.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 2002/21/CE

5. L’article 14 de la directive 2002/21/CE (3) (intitulé « Entreprises puissantes sur le marché ») se lit comme suit :

« 1. Lorsque les directives particulières font obligation aux autorités réglementaires nationales de déterminer si des opérateurs disposent d’une puissance significative sur le marché conformément à la procédure prévue à l’article 16, les paragraphes 2 et 3 du présent article s’appliquent.

2. Une entreprise est considérée comme disposant d’une puissance significative sur le marché si, individuellement ou conjointement avec d’autres, elle se trouve dans une position équivalente à une position dominante, c’est‑à‑dire qu’elle est en mesure de se comporter, dans une mesure appréciable, de manière indépendante de ses concurrents, de ses clients et, en fin de compte, des consommateurs.

En particulier, lorsque les autorités réglementaires nationales procèdent à une évaluation visant à déterminer si deux entreprises, ou plus, occupent conjointement une position dominante sur un marché, elles se conforment aux dispositions du droit communautaire et tiennent le plus grand compte des “Lignes directrices sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché” publiées par la Commission conformément à l’article 15. Les critères à respecter pour procéder à une telle évaluation sont définis à l’annexe II.

3. Lorsqu’une entreprise est puissante sur un marché particulier (le premier marché), elle peut également être désignée comme puissante sur un marché étroitement lié (le second marché), lorsque les liens entre les deux marchés sont tels qu’ils permettent d’utiliser sur le second marché, par effet de levier, la puissance détenue sur le premier marché, ce qui renforce la puissance de l’entreprise sur le marché. Par conséquent, des mesures visant à prévenir cet effet de levier peuvent être appliquées sur le second marché conformément aux articles 9, 10, 11 et 13 de la directive 2002/19/CE (directive “accès”), et lorsque ces mesures se révèlent insuffisantes, des mesures conformes aux dispositions de l’article 17 de la directive 2002/22/CE (directive “service universel”) peuvent être imposées ».

6. L’article 15 (intitulé « Procédure de recensement et de définition des marchés ») dispose que :

« 1. Après consultation publique, y compris celle des autorités réglementaires nationales et en tenant le plus grand compte de l’avis de l’ORECE, la Commission adopte, conformément à la procédure de consultation visée à l’article 22, paragraphe 2, une recommandation sur les marchés pertinents de produits et de services (“la recommandation”). La recommandation recense les marchés de produits et de services dans le secteur des communications électroniques dont les caractéristiques peuvent justifier l’imposition d’obligations réglementaires fixées dans les directives particulières, sans préjudice des marchés qui peuvent être définis dans le cadre d’affaires spécifiques en droit de la concurrence. La Commission définit les marchés en accord avec les principes du droit de la concurrence.

La Commission réexamine régulièrement la recommandation.

2. La Commission publie au plus tard à la date d’entrée en vigueur de la présente directive des lignes directrices sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché (ci‑après dénommées “lignes directrices”) qui sont conformes aux principes du droit de la concurrence.

3. Les autorités réglementaires nationales tiennent le plus grand compte de la recommandation et des lignes directrices pour la définition des marchés pertinents correspondant aux circonstances nationales, en particulier les marchés géographiques pertinents sur leur territoire, conformément aux principes du droit de la concurrence. Les autorités réglementaires nationales suivent les procédures prévues aux articles 6 et 7 avant de définir des marchés qui diffèrent de ceux figurant dans la recommandation.

4. Après consultation, y compris celle des autorités réglementaires nationales, la Commission peut, en tenant le plus grand compte de l’avis de l’ORECE, adopter une décision recensant les marchés transnationaux, en statuant conformément à la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 22, paragraphe 3 ».

7. L’article 16 (intitulé « Procédure d’analyse de marché ») prévoit :

« 1. Les autorités réglementaires nationales effectuent une analyse des marchés pertinents en prenant en considération les marchés recensés dans la recommandation et en tenant le plus grand compte des lignes directrices. Les États membres veillent à ce que cette analyse soit effectuée, le cas échéant, en coopération avec les autorités nationales chargées de la concurrence.

2. Lorsque, conformément à l’article 17, paragraphe 3 ou 4, de la directive 2002/22/CE (directive “service universel”) ou à l’article 8 de la directive 2002/19/CE (directive “accès”), l’autorité réglementaire nationale est tenue de se prononcer sur l’imposition, le maintien, la modification, ou la suppression d’obligations à la charge des entreprises, elle détermine, sur la base de son analyse de marché visée au paragraphe 1 du présent article, si un marché pertinent est effectivement concurrentiel.

3. Lorsqu’une autorité réglementaire nationale conclut que le marché est effectivement concurrentiel, elle n’impose ni ne maintient l’une quelconque des obligations réglementaires spécifiques visées au paragraphe 2. Dans les cas où des obligations réglementaires sectorielles s’appliquent déjà, elle supprime ces obligations pour les entreprises sur ce marché pertinent. Les parties concernées par cette suppression d’obligations en sont averties dans un délai approprié.

4. Lorsqu’une autorité réglementaire nationale détermine qu’un marché pertinent n’est pas effectivement concurrentiel, elle identifie les entreprises qui, individuellement ou conjointement avec d’autres, sont puissantes sur ce marché conformément à l’article 14 ; l’autorité réglementaire nationale impose aussi à ces entreprises les obligations réglementaires spécifiques appropriées visées au paragraphe 2 du présent article ou maintient ou modifie ces obligations si elles sont déjà appliquées.

5. Dans le cas de marchés transnationaux recensés dans la décision visée à l’article 15, paragraphe 4, les autorités réglementaires nationales concernées effectuent conjointement l’analyse de marché en tenant le plus grand compte des lignes directrices, et se prononcent de manière concertée sur l’imposition, le maintien, la modification ou la suppression d’obligations réglementaires sectorielles visées au paragraphe 2 du présent article.

6. Les mesures prises conformément aux paragraphes 3 et 4 sont soumises aux procédures prévues aux articles 6 et 7 ».

2. La directive 2010/13/UE

8. Les considérants 5, 8 et 34 de la directive 2010/13/UE (4) énoncent :

« (5) Les services de médias audiovisuels sont des services autant culturels qu’économiques. L’importance grandissante qu’ils revêtent pour les sociétés, la démocratie – notamment en garantissant la liberté d’information, la diversité d’opinions et le pluralisme des médias –, l’éducation et la culture justifie l’application de règles particulières à ces services.

[...]

(8) Il est essentiel que les États membres veillent à ce que soient évités des actes préjudiciables à la libre circulation et au commerce des...

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