Conclusiones del Abogado General Sr. H. Saugmandsgaard Øe, presentadas el 26 de septiembre de 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:788
Celex Number62018CC0532
CourtCourt of Justice (European Union)
Date26 September 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 26 septembre 2019 (1)

Affaire C532/18

GN, représentéelégalement par HM

contre

ZU, en tant que liquidateur de Niki Luftfahrt GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Transport aérien – Convention de Montréal – Article 17, paragraphe 1 – Responsabilité des transporteurs aériens envers les passagers – Notion d’“accident” – Lésion corporelle subie par un passager en raison du renversement d’une boisson chaude survenu à bord d’un avion en vol »






I. Introduction

1. La demande de décision préjudicielle présentée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 1, de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international (2) (ci‑après la « convention de Montréal »), disposition qui détermine les conditions dans lesquelles un passager ayant subi une lésion corporelle au cours d’un vol peut engager la responsabilité du transporteur aérien ayant opéré ce vol.

2. Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant une passagère mineure, représentée par son père, au responsable de la liquidation d’une compagnie aérienne. La requérante au principal sollicite une indemnisation au titre des brûlures lui ayant été causées par le renversement d’une boisson chaude survenu, pour une raison inconnue, durant un vol transfrontalier opéré par ladite compagnie.

3. La Cour est invitée, de façon inédite, à cerner les contours de la notion d’« accident » au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, notamment au regard des critères d’applicabilité ayant déjà été retenus par certaines juridictions nationales. Plus spécifiquement, elle est interrogée, en substance, sur le point de savoir s’il est nécessaire que l’événement survenu à bord d’un avion non seulement ait été soudain ou inhabituel et extérieur au passager concerné, mais aussi soit dû à un risque inhérent au transport aérien ou lié à ce transport. Pour les raisons exposées dans les présentes conclusions, je considère que seuls les premiers de ces critères doivent être remplis, et non les derniers d’entre eux.

II. Le cadre juridique

A. La convention de Montréal

4. Le préambule de la convention de Montréal expose notamment, à son troisième alinéa, que les États parties « reconnaiss[e]nt l’importance d’assurer la protection des intérêts des consommateurs dans le transport aérien international et la nécessité d’une indemnisation équitable fondée sur le principe de réparation ». En outre, son cinquième alinéa énonce que « l’adoption de mesures collectives par les États en vue d’harmoniser davantage et de codifier certaines règles régissant le transport aérien international est le meilleur moyen de réaliser un équilibre équitable des intérêts ».

5. L’article 17 de la convention de Montréal, intitulé « Mort ou lésion subie par le passager – Dommage causé aux bagages », prévoit, à son paragraphe 1, que « [l]e transporteur est responsable du préjudice survenu en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager, par cela seul que l’accident qui a causé la mort ou la lésion s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement ou de débarquement ».

6. En vertu de l’article 20 de cette convention, intitulé « Exonération », « [d]ans le cas où il fait la preuve que la négligence ou un autre acte ou omission préjudiciable de la personne qui demande réparation ou de la personne dont elle tient ses droits a causé le dommage ou y a contribué, le transporteur est exonéré en tout ou en partie de sa responsabilité à l’égard de cette personne, dans la mesure où cette négligence ou cet autre acte ou omission préjudiciable a causé le dommage ou y a contribué. Lorsqu’une demande en réparation est introduite par une personne autre que le passager, en raison de la mort ou d’une lésion subie par ce dernier, le transporteur est également exonéré en tout ou en partie de sa responsabilité dans la mesure où il prouve que la négligence ou un autre acte ou omission préjudiciable de ce passager a causé le dommage ou y a contribué. Le présent article s’applique à toutes les dispositions de la convention en matière de responsabilité, y compris le paragraphe 1 de l’article 21 ».

7. L’article 21 de ladite convention, intitulé « Indemnisation en cas de mort ou de lésion subie par le passager », est libellé comme suit :

« 1. Pour les dommages visés au paragraphe 1 de l’article 17 et ne dépassant pas 100 000 droits de tirage spéciaux par passager, le transporteur ne peut exclure ou limiter sa responsabilité.

2. Le transporteur n’est pas responsable des dommages visés au paragraphe 1 de l’article 17 dans la mesure où ils dépassent 100 000 droits de tirage spéciaux par passager, s’il prouve :

a) que le dommage n’est pas dû à la négligence ou à un autre acte ou omission préjudiciable du transporteur, de ses préposés ou de ses mandataires, ou

b) que ces dommages résultent uniquement de la négligence ou d’un autre acte ou omission préjudiciable d’un tiers. »

8. L’article 29 de cette même convention, intitulé « Principe des recours », prévoit que « [d]ans le transport de passagers, de bagages et de marchandises, toute action en dommages‑intérêts, à quelque titre que ce soit, en vertu de la présente convention, en raison d’un contrat ou d’un acte illicite ou pour toute autre cause, ne peut être exercée que dans les conditions et limites de responsabilité prévues par la présente convention, sans préjudice de la détermination des personnes qui ont le droit d’agir et de leurs droits respectifs. Dans toute action de ce genre, on ne pourra pas obtenir de dommages‑intérêts punitifs ou exemplaires ni de dommages à un titre autre que la réparation ».

B. Le droit de l’Union

9. Les considérants 5 à 7 et 10 du règlement (CE) nº 889/2002 (3), modifiant le règlement (CE) nº 2027/97 du Conseil relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident (4), sont libellés comme suit :

« (5) La Communauté a signé la convention de Montréal en manifestant son intention de devenir partie à l’accord en le ratifiant.

(6) Il est nécessaire de modifier le règlement (CE) nº 2027/97 afin de l’aligner sur les dispositions de la convention de Montréal, en créant ainsi un système uniforme de responsabilité pour les transports aériens internationaux.

(7) Le présent règlement et la convention de Montréal renforcent la protection des passagers et de leurs ayants droit et ne peuvent être interprétés d’une façon qui affaiblirait leur protection par rapport à la législation en vigueur à la date d’adoption du présent règlement.

[...]

(10) Un système de responsabilité illimitée en cas de décès ou de blessure des passagers est approprié dans le cadre d’un système de transport aérien sûr et moderne. »

10. Aux termes de l’article 1er du règlement nº 2027/97, tel que modifié par le règlement nº 889/2002 (ci‑après le « règlement nº 2027/97 »), « [l]e présent règlement met en œuvre les dispositions pertinentes de la convention de Montréal relatives au transport aérien de passagers et de leurs bagages, et fixe certaines dispositions supplémentaires. Il étend également l’application de ces dispositions aux transports aériens effectués sur le territoire d’un seul État membre ».

11. L’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 2027/97 énonce que « [l]es notions contenues dans le présent règlement qui ne sont pas définies au paragraphe 1 sont équivalentes à celles utilisées dans la convention de Montréal ».

12. L’article 3, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que « [l]a responsabilité d’un transporteur aérien communautaire envers les passagers et leurs bagages est régie par toutes les dispositions de la convention de Montréal relatives à cette responsabilité ».

III. Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

13. Au mois d’août 2015, la requérante au principal, alors âgée de 6 ans, a effectué un vol, entre l’Espagne et l’Autriche, opéré par la compagnie aérienne Niki Luftfahrt GmbH, société de droit autrichien.

14. L’enfant était assise à côté de son père, qui, durant le vol, a reçu de l’assistante de cabine un gobelet sans couvercle contenant du café chaud et l’a posé sur la tablette pliante située devant lui. Par la suite, ce récipient a glissé et son contenu s’est répandu sur l’enfant, qui a subi des brûlures au deuxième degré sur une partie du corps. Il n’a pu être établi si le renversement du gobelet de café était dû à une défectuosité de la tablette ou à la vibration de l’avion.

15. La requérante au principal, représentée légalement par son père, a introduit un recours visant à obtenir que Niki Luftfahrt soit condamnée à réparer le préjudice causé par l’accident survenu au cours dudit vol, à hauteur de 8 500 euros outre intérêts et frais, sur le fondement de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal.

16. L’administrateur judiciaire de la compagnie aérienne, désormais en faillite, a réfuté l’existence d’une responsabilité, en invoquant qu’il n’y avait pas eu d’accident au sens de cette disposition, puisqu’aucun « événement soudain et inattendu » n’aurait conduit au renversement du gobelet de café. En tout état de cause, aucun « risque inhérent au transport aérien », à savoir typique de ce transport, ne se serait réalisé, alors que cette condition devrait aussi être remplie.

17. Par décision du 15 décembre 2015, le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche) a fait droit à la demande de la requérante au principal. Ce tribunal a estimé qu’un « accident », au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, était constitué dans les circonstances de l’espèce, car le renversement du gobelet de café avait résulté d’un « événement inhabituel d’origine extérieure ». En outre, il a jugé qu’un...

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