Opinion of Advocate General Hogan delivered on 19 March 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:222
Date19 March 2020
Celex Number62019CC0133
CourtCourt of Justice (European Union)

ÉDITION PROVISOIRE DU 18/03/2020


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 19 mars 2020(1)

Affaires jointes C133/19, C136/19 et C137/19

B.M.M.,

B.S. (C‑133/19)

B.M.M.,

B.M. (C‑136/19)

B.M.O. (C‑137/19)

contre

État belge

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Droit au regroupement familial – Directive 2003/86/CE – Article 4 – Notion de “mineur” – Article 18 – Droit de contester en justice la décision de rejet d’une demande de regroupement familial – Article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif – Ressortissants de pays tiers âgés de moins de 18 ans au moment de l’introduction de leur demande de regroupement familial – Acquisition de la majorité au cours de la procédure administrative – Acquisition de la majorité durant la procédure juridictionnelle – Date déterminante pour apprécier la qualité de “mineur” des intéressés »






I. Introduction

1. Aux termes de l’article 23, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par les Nations unies en 1966, la famille « est l’élément naturel et fondamental de la société ». Ce principe juridique reflète simplement le truisme selon lequel quasiment toutes les sociétés humaines reposent sur la famille, même si l’éventail de la vie familiale est également divers et varié. Toutefois, l’idée selon laquelle, sous réserve d’exceptions visant à protéger leur bien-être, les enfants ont droit aux soins et à la compagnie de leurs parents est profondément ancrée dans les traditions juridiques, culturelles et morales de tous les États membres.

2. Tout cela se reflète dans l’idée du regroupement familial qui est elle‑même un élément clé du droit international humanitaire moderne. Dans le cadre du droit de l’Union, ce principe trouve son expression dans la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (2), permettant ainsi aux membres de la famille, et notamment aux mineurs, de s’installer dans le pays d’accueil pour rejoindre un autre membre de la famille qui y a obtenu le statut de réfugié.

3. Il s’agit du contexte des présents renvois préjudiciels qui concerne l’interprétation de la directive 2003/86/CE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »). En substance, la question que soulève lesdits renvois est de savoir si les enfants qui étaient encore mineurs à la date de l’introduction de leur demande de regroupement familial doivent continuer à être traités comme tels à cette fin même s’ils atteignent l’âge de la majorité au cours de la procédure administrative statuant sur leur demande (C‑137/19) ou durant la procédure juridictionnelle ultérieure (C‑133/19 et C‑136/19).

4. Les présentes demandes trouvent leur origine dans les litiges portés devant le Conseil d’État (Belgique) et opposant B.M.M. et B.S (C‑133/19), B.M.M. et B.M. (C‑136/19) ainsi que B.M.O (C‑137/19) (les « requérants »), d’une part, au ministre de l’asile et de la migration (Belgique), d’autre part, au Conseil du contentieux des étrangers (Belgique) devant lequel ces derniers ont respectivement introduit un recours.

5. La procédure au principal dans l’affaire C‑137/19 concerne, en substance, l’interprétation de la notion de « mineur » visée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2003/86, ainsi que la question de savoir si cette notion doit être interprétée en ce sens que pour être qualifié de « mineur » au sens de cette directive, le ressortissant d’un pays tiers doit être « mineur » non seulement à la date de sa demande d’entrée et d’admission au séjour sur le territoire d’un État membre mais également à la date à laquelle l’administration de cet État membre rend finalement une décision sur sa demande.

6. Les procédures au principal dans les affaires C‑133/19 et C‑136/19 posent, en revanche, la question de savoir si l’article 47 de la Charte et l’article 18 de la directive 2003/86 doivent être interprétés comme s’opposant à ce que le recours en annulation, formé contre la décision refusant d’accorder un droit au regroupement familial d’un enfant mineur, soit jugé irrecevable au motif que l’enfant est devenu majeur durant la procédure juridictionnelle, dès lors qu’il serait privé de la possibilité qu’il soit statué sur son recours contre cette décision et qu’il serait porté atteinte à son droit à un recours effectif.

7. Avant d’examiner ces questions, il est toutefois nécessaire d’énoncer les dispositions juridiques pertinentes.

A. Le droit de l’Union

8. L’article 47 de la Charte dispose :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice. »

1. La directive 2003/86

9. Les considérants 2, 4, 6 et 13 de la directive 2003/86 sont libellés comme suit :

« (2) Les mesures concernant le regroupement familial devraient être adoptées en conformité avec l’obligation de protection de la famille et de respect de la vie familiale qui est consacrée dans de nombreux instruments du droit international. La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus notamment par l’article 8 de la convention européenne pour la protection des droits humains et des libertés fondamentales et par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

[…]

(4) Le regroupement familial est un moyen nécessaire pour permettre la vie en famille. Il contribue à la création d’une stabilité socioculturelle facilitant l’intégration des ressortissants de pays tiers dans les États membres, ce qui permet par ailleurs de promouvoir la cohésion économique et sociale, objectif fondamental de la Communauté énoncé dans le traité.

[…]

(6) Afin d’assurer la protection de la famille ainsi que le maintien ou la création de la vie familiale, il importe de fixer, selon des critères communs, les conditions matérielles pour l’exercice du droit au regroupement familial.

[…]

(13) Il importe d’établir un système de règles de procédure régissant l’examen de la demande de regroupement familial, ainsi que l’entrée et le séjour des membres de la famille. Ces procédures devraient être efficaces et gérables par rapport à la charge normale de travail des administrations des États membres, ainsi que transparentes et équitables afin d’offrir un niveau adéquat de sécurité juridique aux personnes concernées. »

10. L’article 4 de cette directive dispose :

« 1. Les États membres autorisent l’entrée et le séjour, conformément à la présente directive et sous réserve du respect des conditions visées au chapitre IV, ainsi qu’à l’article 16, des membres de la famille suivants :

a) le conjoint du regroupant ;

b) les enfants mineurs du regroupant et de son conjoint, y compris les enfants adoptés conformément à une décision prise par l’autorité compétente de l’État membre concerné ou à une décision exécutoire de plein droit en vertu d’obligations internationales dudit État membre ou qui doit être reconnue conformément à des obligations internationales ;

c) les enfants mineurs, y compris les enfants adoptés, du regroupant, lorsque celui‑ci a le droit de garde et en a la charge. Les États membres peuvent autoriser le regroupement des enfants dont la garde est partagée, à condition que l’autre titulaire du droit de garde ait donné son accord ;

d) les enfants mineurs, y compris les enfants adoptés, du conjoint, lorsque celui‑ci a le droit de garde et en a la charge. Les États membres peuvent autoriser le regroupement des enfants dont la garde est partagée, à condition que l’autre titulaire du droit de garde ait donné son accord.

[…]

6. Par dérogation, les États membres peuvent demander que les demandes concernant le regroupement familial d’enfants mineurs soient introduites avant que ceux‑ci n’aient atteint l’âge de 15 ans, conformément aux dispositions de leur législation en vigueur à la date de la mise en œuvre de la présente directive. Si elles sont introduites ultérieurement, les États membres qui décident de faire usage de la présente dérogation autorisent l’entrée et le séjour de ces enfants pour d’autres motifs que le regroupement familial. »

11. L’article 5 de ladite directive dispose :

« 1. Les États membres déterminent si, aux fins de l’exercice du droit au regroupement familial, une demande d’entrée et de séjour doit être introduite auprès des autorités compétentes de l’État membre concerné soit par le regroupant, soit par les membres de la famille.

2. La demande est accompagnée de pièces justificatives prouvant les liens familiaux et le respect des conditions prévues aux articles 4 et 6 et, le cas échéant, aux articles 7 et 8, ainsi que de copies certifiées conformes des documents de voyage des membres de la famille.

Le cas échéant, pour obtenir la preuve...

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