Opinion of Advocate General Bobek delivered on 19 March 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:220
Date19 March 2020
Celex Number62019CC0014
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 19 mars 2020(1)

Affaire C14/19 P

Centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE)

contre

KF

« Compétence des juridictions de l’Union — Politique étrangère et de sécurité commune — Articles 19 et 24 TUE — Articles 263, 268, 270 et 275 TFUE — Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Décisions 2009/747/PESC et 2014/401/PESC du Conseil — Règlement du personnel du CSUE — Membres du personnel — Principe d’égalité — Protection juridictionnelle effective — Commission de recours du CSUE — Exception d’illégalité — Suspension — Procédure disciplinaire — Révocation — Droit d’être entendu — Accès au dossier »






I. Introduction

1. À mon avis, la présente affaire soulève deux questions en droit importantes, de portée générale, qui vont bien au‑delà du cadre du présent pourvoi : la première concerne l’étendue de la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune (ci‑après la « PESC ») relativement à ce qui peut être considéré comme étant des actes ordinaires de gestion du personnel. De tels actes sont‑ils exclus du contrôle de la Cour en vertu de l’article 24, paragraphe 1, TUE et de l’article 275 TFUE ?

2. La seconde, en admettant que la Cour de justice de l’Union européenne soit compétente pour examiner de tels actes, quelles sont les implications d’une telle compétence sur les mécanismes spéciaux et spécifiques de règlement des litiges avec le personnel qui ont été institués dans les différents organes et agences de l’Union européenne, telle que la commission de recours du Centre satellitaire de l’Union européenne (ci‑après le « CSUE ») ?

II. Le contexte factuel et juridique

3. Le contexte factuel et juridique de l’espèce, tel qu’exposé dans l’arrêt attaqué (2), peut être résumé comme suit.

A. Le Centre satellitaire de l’Union européenne

4. Le CSUE, partie requérante au pourvoi, trouve son origine dans la décision du Conseil des ministres de l’Union de l’Europe occidentale (ci‑après l’« UEO ») du 27 juin 1991 portant création d’un centre d’exploitation de données satellites et adoptée sur le fondement de la décision dudit Conseil du 10 décembre 1990 relative à la coopération spatiale au sein de l’UEO (3).

5. Le CSUE a été institué en tant qu’agence de l’Union européenne par l’action commune 2001/555/PESC du Conseil du 20 juillet 2001 relative à la création d’un centre satellitaire de l’Union européenne (4), incorporant les structures du centre d’exploitation de données satellites de l’UEO. Le CSUE est devenu opérationnel le 1er janvier 2002.

6. Par la suite, le Conseil a adopté la décision 2014/401/PESC du 26 juin 2014 relative au Centre satellitaire de l’Union européenne et abrogeant l’action commune 2001/555 (5), laquelle constitue désormais le cadre juridique applicable au CSUE. Il résulte du considérant 2 et de l’article 5 de cette décision que le CSUE fonctionne en tant que « capacité autonome européenne » et qu’il est doté de la personnalité juridique nécessaire pour remplir ses fonctions et atteindre ses objectifs. Suivant son article 2, paragraphes 1 et 3, les principales missions du CSUE sont le soutien au processus de prise de décision et des actions de l’Union dans le domaine de la PESC, et notamment de la politique de sécurité et de défense commune, en fournissant, à la demande du Conseil ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci‑après le « haut représentant »), des produits et des services résultant de l’exploitation des moyens spatiaux pertinents et des données collatérales, y compris l’imagerie satellitaire et aérienne, et des services connexes.

7. Aux termes de l’article 7, paragraphes 3, 4 et 6, sous e), de la décision 2014/401, le directeur du CSUE en est le représentant légal, chargé, premièrement, de recruter tous les autres membres de son personnel et, deuxièmement, de toutes les questions concernant le personnel.

8. S’agissant du personnel du CSUE, celui‑ci est, aux termes de l’article 8, paragraphes 1 et 3, de la décision 2014/401, composé d’agents contractuels, nommés par le directeur du CSUE, ainsi que d’experts détachés. Sur la base de l’article 8, paragraphe 5, de cette même décision et dans le cadre de l’action commune 2001/555, le Conseil a adopté la décision 2009/747/PESC du 14 septembre 2009 concernant le règlement du personnel du [CSUE] (ci‑après le « règlement du personnel du CSUE ») (6).

9. En ce qui concerne les litiges entre le CSUE et ses agents pour des questions relevant du règlement du personnel du CSUE, l’article 28, paragraphe 5, du règlement du personnel du CSUE prévoit ce qui suit :

« Après épuisement de la première voie de recours (recours gracieux), un agent a la liberté de former un recours contentieux devant la commission de recours du [CSUE].

La composition, le fonctionnement et la procédure propres à cette instance sont décrits dans l’annexe X. »

10. L’article 28, paragraphe 6, du règlement du personnel du CSUE dispose :

« Les décisions de la commission de recours sont exécutoires pour les deux parties. Elles sont sans appel. La commission de recours peut :

a) annuler la décision contestée ou la confirmer ;

b) à titre accessoire, condamner le [CSUE] à réparer les préjudices matériels subis par l’agent depuis le jour où la décision annulée a commencé à produire des effets ;

c) décider, en outre, que le [CSUE] remboursera, dans une limite fixée par la commission de recours, les frais justifiés exposés par le requérant [...]. »

11. L’article 1er de l’annexe X du règlement du personnel du CSUE énonce :

« [...] La commission de recours est compétente pour trancher les litiges auxquels pourrait donner lieu la violation du présent règlement du personnel ou des contrats prévus à l’article 7 du règlement du personnel. À cette fin, elle connaît des recours présentés par les agents ou anciens agents, ou par leurs ayants droit et/ou leurs représentants, contre une décision du directeur. »

B. Les faits à l’origine du litige et les décisions attaquées

12. La défenderesse au pourvoi a été recrutée par le CSUE en tant qu’agent contractuel à compter du 1er août 2009, pour une période de trois ans, en vue d’occuper les fonctions de chef de la division administrative. À l’issue de sa période probatoire, le 31 janvier 2010, elle a été confirmée dans ses fonctions par le directeur du CSUE, qui relevait à cet égard qu’elle « travail[lait] avec tact et diplomatie, tout en faisant néanmoins usage de fermeté dans la communication de ses décisions ».

13. Dans le cadre de l’évaluation annuelle au titre de l’année 2010, la défenderesse au pourvoi a fait l’objet, le 28 mars 2011, d’un rapport d’évaluation par le directeur adjoint du CSUE, aux termes duquel sa performance globale a été jugée insuffisante. La note la plus basse lui a été attribuée. Elle a contesté ces conclusions et la façon dont l’évaluation a été conduite.

14. Le 27 mars 2012, dans le cadre de l’évaluation annuelle au titre de l’année 2011, le directeur adjoint du CSUE a relevé une évolution positive de la défenderesse au pourvoi par rapport à l’année précédente, et a considéré que sa performance globale était bonne, compte tenu des efforts qu’elle avait entrepris. Le 24 mai 2012, la défenderesse au pourvoi a vu son contrat prolongé pour une durée de quatre années, jusqu’au 31 juillet 2016.

15. Dans le cadre de l’évaluation annuelle au titre de l’année 2012, le directeur du CSUE a, par note interne du 17 octobre 2012, chargé le directeur adjoint de recueillir des informations auprès du personnel concernant la correction et les rapports humains au sein du CSUE, spécifiant qu’une attention particulière devait être accordée à la situation des agents ayant des responsabilités de gestion, notamment les chefs de division, en identifiant, le cas échéant, des situations potentielles de pression psychologique ou de harcèlement, pouvant conduire, parmi leurs subordonnés, à de l’anxiété, à une perte d’estime de soi, à une perte de motivation et même à des pleurs

16. Le 14 novembre 2012, douze agents du CSUE ont adressé une plainte au directeur et au directeur adjoint, visant à dénoncer « la situation difficile à laquelle [ils] [étaient] confrontés depuis plus de trois ans pour accomplir [leur] activité professionnelle d’une façon normale », en précisant que cette situation « découl[ait] du comportement et de la conduite du chef de la division administrative [la défenderesse au pourvoi] ».

17. Au début de l’année 2013, le directeur adjoint du CSUE a donné suite à la note interne susmentionnée en adressant à 40 agents du CSUE, relevant de plusieurs divisions, un questionnaire leur demandant, au moyen de questions à choix multiple, d’évaluer les relations humaines avec leur chef de division. Par note interne du 7 mars 2013, le directeur adjoint du CSUE a informé le directeur du CSUE que, au vu des réponses à ce questionnaire, « il apparai[ssai]t clairement qu’il exist[ait] un réel problème de rapports humains avec le chef de la division administrative [la défenderesse au pourvoi], eu égard aux réponses négatives générales du personnel de la division administrative ».

18. Par note interne datée du 8 mars 2013, le directeur du CSUE a demandé au directeur adjoint du CSUE, sur le fondement de l’article 27 du règlement du personnel du CSUE, d’ouvrir une enquête administrative à l’encontre de la défenderesse au pourvoi.

19. L’enquête administrative a consisté à envoyer, le 12 juin 2013, un questionnaire à choix multiple à 24 agents du CSUE, visant à déterminer s’ils avaient ou non été confrontés à certains types de comportements de la part de la défenderesse au pourvoi et s’ils avaient constaté certaines conséquences sur eux‑mêmes ou d’autres agents, résultant des comportements en cause. Les questionnaires invitaient également les agents à apporter tout témoignage ou tout...

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