Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 3 de septiembre de 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:645
Date03 September 2020
Celex Number62019CC0485
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 3 septembre 2020 (1)

Affaire C485/19

LH

contre

PROFI CREDIT Slovakia s.r.o.

[demande de décision préjudicielle formée par le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov, Slovaquie)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 93/13/CEEDirective 2008/48/CE – Protection des consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Enrichissement sans cause du prêteur en raison d’un paiement sur la base d’une clause illicite – Obligation de prouver le caractère délibéré de l’enrichissement injustifié du prêteur – Charge de la preuve pesant sur le consommateur – Exigences quant aux informations à mentionner dans le contrat – Suppression de certaines exigences sur le fondement de la jurisprudence de la Cour – Obligation du juge national d’interpréter l’ancienne version de la législation nationale en conformité avec la jurisprudence de la Cour »






I. Introduction

1. La Cour a récemment été saisie de plusieurs renvois préjudiciels concernant la limitation dans le temps de la protection garantie aux consommateurs par le droit de l’Union (2). Ayant clarifié un certain nombre d’aspects relatifs à la constatation d’une violation des droits des consommateurs et aux conséquences à en tirer, la Cour est maintenant appelée à se prononcer sur des questions relatives à l’exercice des recours ayant pour objet d’effacer les conséquences d’une violation de ces droits.

2. Le présent renvoi préjudiciel s’inscrit dans cette ligne jurisprudentielle. En effet, par quatre de ses six questions préjudicielles, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’apporter des clarifications afin de lui permettre de statuer sur la conformité avec le droit de l’Union du régime de prescription applicable, en vertu du droit slovaque, aux recours des consommateurs.

3. Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se limiteront à l’analyse des deux premières questions préjudicielles. Par ces questions, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité avec le droit de l’Union des dispositions nationales qui prévoient, en premier lieu, un délai de prescription de trois ans, calculé à compter du moment d’un enrichissement sans cause et, en second lieu, un délai de prescription de dix ans, qui ne s’applique toutefois que si le consommateur prouve le caractère intentionnel de l’enrichissement sans cause.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 93/13/CEE

4. Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE (3) :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

2. La directive 2008/48/CE

5. La directive 2008/48/CE (4) a pour objet, aux termes de l’article 1er, d’harmoniser certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de contrats de crédit aux consommateurs.

6. L’article 3, sous i), de la directive 2008/48 définit la notion de « taux annuel effectif global » (TAEG) comme le « coût total du crédit pour le consommateur, exprimé en pourcentage annuel du montant total du crédit, en tenant compte, le cas échéant, des frais visés à l’article 19, paragraphe 2 ».

7. Intitulé « Information à mentionner dans les contrats de crédit », l’article 10 de la directive 2008/48 dispose à son paragraphe 2 :

« Le contrat de crédit mentionne, de façon claire et concise :

[…]

g) le [TAEG] et le montant total dû par le consommateur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit ; toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées ;

h) le montant, le nombre et la périodicité des paiements à effectuer par le consommateur et, le cas échéant, l’ordre dans lequel les paiements seront affectés aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement ;

i) en cas d’amortissement du capital d’un contrat de crédit à durée fixe, le droit du consommateur de recevoir, à sa demande et sans frais, à tout moment durant toute la durée du contrat, un relevé, sous la forme d’un tableau d’amortissement.

Le tableau d’amortissement indique les paiements dus ainsi que les périodes et conditions de paiement de ces montants ; ce tableau indique la ventilation de chaque remboursement entre l’amortissement du capital, les intérêts calculés sur la base du taux débiteur et, le cas échéant, les coûts additionnels ; si le taux d’intérêt n’est pas fixe ou si les coûts additionnels peuvent être modifiés en vertu du contrat de crédit, le tableau d’amortissement indique de manière claire et concise que les données mentionnées dans le tableau ne seront valables que jusqu’à la modification suivante du taux débiteur ou des coûts additionnels conformément au contrat de crédit ;

[…] »

B. Le droit slovaque

8. Aux termes de l’article 53, paragraphe 1, de l’Občiansky zákonník (code civil), les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur sont dénuées de validité.

9. Aux termes de l’article 107 de ce code :

« 1) Le droit à restitution au motif d’un enrichissement sans cause se prescrit dans un délai de deux ans à dater du moment où l’intéressé prend connaissance d’un enrichissement sans cause et découvre qui s’est enrichi à son détriment.

2) Le droit à restitution au motif d’un enrichissement sans cause se prescrit au plus tard dans un délai de trois ans, et dans un délai de dix ans en cas d’enrichissement sans cause intentionnel, à dater du jour où l’enrichissement sans cause est intervenu.

[…] »

10. L’article 451, paragraphe 2, dudit code définit l’« enrichissement sans cause » comme étant « un avantage pécuniaire obtenu au moyen d’une prestation dénuée de fondement juridique, d’une prestation reposant sur un acte juridique nul ou d’une prestation fondée sur un motif juridique qui a cessé d’exister, de même qu’un avantage pécuniaire provenant de sources malhonnêtes ».

11. Le zákon č. 129/2010 Z. z. o spotrebiteľských úveroch a o iných úveroch a pôžičkách pre spotrebiteľov a o zmene a doplnení niektorých zákonov (loi nº 129/2010 relative aux crédits à la consommation et aux autres crédits et prêts consentis aux consommateurs et modifiant certaines autres lois, ci-après la « loi nº 129/2010 »), dans sa version applicable au litige au principal, vise à transposer en droit slovaque la directive 2008/48.

12. Aux termes de l’article 11, paragraphe 1, de la loi nº 129/2010, le crédit à la consommation est « réputé exempt d’intérêts et de frais » si le contrat y afférent ne contient pas les éléments requis, notamment, à l’article 9, paragraphe 2, sous a) à k), de cette loi, ou n’indique pas correctement le TAEG au détriment du consommateur.

III. Les faits de l’affaire au principal, la procédure devant la Cour et les questions préjudicielles

13. Au cours de l’année 2011, le requérant au principal et l’établissement de crédit PROFI CREDIT Slovakia s.r.o. ont conclu un contrat de crédit à la consommation d’un montant de 1 500 euros.

14. Après avoir remboursé l’intégralité du crédit, à savoir 3 698,40 euros, le requérant au principal a été informé par un juriste, au mois de février 2017, que la clause du contrat relative aux frais de report revêtait un caractère abusif et que les indications relatives au TAEG qui lui avaient été fournies étaient erronées.

15. Au mois de mai 2017, le requérant au principal a introduit un recours aux fins de la restitution des frais selon lui indûment perçus. Pour sa défense, PROFI CREDIT Slovakia a invoqué la prescription du droit à agir de l’intéressé.

16. Saisie d’un appel (5), la juridiction de renvoi estime que certaines circonstances indiquent que le contrat de crédit en cause peut, à diverses égards, être contraire aux règles du droit de l’Union applicables en matière de crédit aux consommateurs (6).

17. La première circonstance est que, aux termes du contrat litigieux, PROFI CREDIT Slovakia pouvait, dès le premier jour de la relation contractuelle, percevoir des frais, à hauteur de 367,49 euros, en contrepartie de la possibilité laissée au consommateur d’obtenir à l’avenir un report du remboursement du crédit. En raison de l’application de ces frais, le requérant au principal a reçu non pas le montant convenu de 1 500 euros, mais un montant résiduel de 1 132,51 euros, soit une diminution de 24 %, alors même qu’il n’était pas certain que ce consommateur allait faire usage de la possibilité payante de différer le remboursement. La juridiction de renvoi indique que lesdits frais étaient abusifs et semble considérer que ceux-ci étaient perçus par le prêteur sur la base d’une clause abusive. Elle fait en outre référence à l’arrêt Radlinger et Radlingerová (7) dans lequel la Cour a jugé que l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens que le montant total du crédit et le montant du prélèvement du crédit désignent l’ensemble des sommes mises à la disposition du consommateur. La Cour a précisé qu’il convient d’en exclure les montants affectés par le prêteur au paiement des coûts liés au crédit concerné et qui ne sont pas effectivement versés à ce consommateur.

18. La seconde circonstance est que le TAEG mentionné dans le contrat (66,31 %) est inférieur au taux d’intérêt (70 %), ce qui pourrait être lié au fait que le TAEG n’a pas été calculé sur la base du montant effectivement versé par PROFI CREDIT Slovakia. La juridiction de renvoi précise que, en droit slovaque, l’indication erronée du TAEG est sanctionnée par la perte, pour le prêteur, du droit au paiement des intérêts et des frais relatifs au crédit.

19. La juridiction de renvoi indique également que la législation slovaque prévoit pour les recours introduits par des consommateurs...

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