Conclusiones del Abogado General Sr. M. Campos Sánchez-Bordona, presentadas el 10 de septiembre de 2020.

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62019CC0407
ECLIECLI:EU:C:2020:707
Date10 September 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 10 septembre 2020(1)

Affaires jointes C407/19 et C471/19

Katoen Natie Bulk Terminals NV,

General Services Antwerp NV

contre

État belge

demande de décision préjudicielle formée par le Raad van State (Conseil d’État, Belgique)

et

Middlegate Europe NV

contre

Conseil des ministres,

en présence de :

Katoen Natie Bulk Terminals NV,

General Services Antwerp NV,

Koninklijk Verbond der Beheerders van Goederenstromen (KVBG) CVBA,

MVH Logistics en Stuwadoring BV

demande de décision préjudicielle formée par la Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique)

« Renvoi préjudiciel — Article 49 TFUE — Liberté d’établissement — Exercice d’activités portuaires — Ouvriers portuaires (dockers) — Accès à la profession et recrutement — Modalités de reconnaissance des ouvriers portuaires — Ouvriers portuaires faisant partie du contingent (pool) — Engagement direct des ouvriers portuaires — Limitation de la durée du contrat de travail — Mobilité des ouvriers portuaires entre différentes zones portuaires —Travailleurs logistiques — Application provisoire d’une règle nationale incompatible avec le droit de l’Union »






1. Le chargement et le déchargement des navires dans les ports ont été assurés par des ouvriers portuaires qui travaillaient généralement de manière intermittente et dans des conditions difficiles. Leur lutte en vue d’améliorer ces conditions, menée avec l’appui de syndicats bien organisés, a conduit de nombreux États à adopter des normes spécifiques pour réglementer cette relation de travail.

2. Les différentes réglementations étatiques ont coïncidé en ce qu’elles réservaient ces tâches de manière exclusive aux ouvriers portuaires faisant partie d’un contingent, ou pool, bien délimité (ces ouvriers étant dits « reconnus » selon la terminologie prévalant dans les présentes affaires). Les entreprises fournissant des services portuaires devaient nécessairement avoir recours à ces derniers.

3. L’arrimage et les autres tâches portuaires ont connu des changements avec le développement technologique, mais certains États membres appliquent encore, dans une plus ou moins large mesure, ces réglementations en matière d’emploi qui, selon différentes formules, favorisaient le « monopole » des ouvriers portuaires reconnus (2).

4. Au cours de l’année 2014, la Cour a jugé que la législation espagnole sur l’arrimage portuaire, qui était conforme aux critères traditionnels en la matière, était incompatible avec la liberté d’établissement établie à l’article 49 TFUE (3).

5. Malgré les tentatives de la Commission, le législateur de l’Union n’est pas parvenu à harmoniser le volet du régime de la fourniture de services portuaires relatif aux relations de travail et aux conditions sociales des ouvriers portuaires, et ce tant avant qu’après cet arrêt (4).

6. Ces deux renvois préjudiciels permettront à la Cour de déterminer si les règles belges (qui maintiennent un régime spécial de recrutement des ouvriers portuaires) sont compatibles avec la liberté d’établissement. L’arrêt à intervenir pourra également dégager des critères supplémentaires afin de clarifier la conformité du régime des ouvriers portuaires aux exigences du droit de l’Union et, notamment, de cette liberté. Les ports ne sont pas une zone de non‑droit (5).

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

7. L’article 49 TFUE dispose :

« Dans le cadre des dispositions ci‑après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.

La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux ».

B. Le droit belge

1. Wet van 8 juni 1972 betreffende de havenarbeid

8. Les dispositions pertinentes de la Wet van 8 juni 1972 betreffende de havenarbeid (6), qui a connu plusieurs modifications, sont, actuellement, les suivantes :

« Article premier

Nul ne peut faire effectuer un travail portuaire dans les zones portuaires par des travailleurs autres que les ouvriers portuaires reconnus.

Article 2

La délimitation des zones portuaires et du travail portuaire telle qu’elle est établie par le Roi en application des articles 35 et 37 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, régit l’application de la présente loi.

Article 3

Le Roi fixe les conditions et les modalités de reconnaissance des ouvriers portuaires, sur avis de la commission paritaire compétente pour la zone portuaire concernée.

[…]

Article 3 bis

Sur avis de la commission paritaire compétente pour la zone portuaire concernée, le Roi peut obliger les employeurs, occupant des ouvriers portuaires dans cette zone, à s’affilier à une organisation d’employeurs agréée par lui et qui, en qualité de mandataire, remplit toutes les obligations qui, en vertu de la législation sur le travail individuel et collectif et de la législation sociale découlent de l’occupation d’ouvriers portuaires pour les employeurs.

Pour pouvoir être agréée, l’organisation d’employeurs, visée à l’alinéa précédent, doit déjà compter la majorité des employeurs intéressés comme membres ».

2. Koninklijk besluit van 12 januari 1973 tot oprichting en vaststelling van de benaming en van de bevoegdheid van het Paritair Comité voor het Havenbedrijf

9. L’article premier du Koninklijk besluit van 12 januari 1973 tot oprichting en vaststelling van de benaming en van de bevoegdheid van het Paritair Comité voor het Havenbedrijf (7) dispose :

« Il est institué une commission paritaire, dénommée “Commission paritaire des ports”, (compétente pour les travailleurs en général et leurs employeurs), et ce pour :

tous les travailleurs et leurs employeurs qui, dans les zones portuaires :

A. effectuent, en ordre principal ou accessoirement du travail portuaire, à savoir toutes les manipulations de marchandises qui sont transportées par des navires de mer ou des bâtiments de navigation intérieure, par des wagons de chemin de fer ou des camions, et les services accessoires qui concernent ces marchandises, que ces activités aient lieu dans les docks, sur les voies navigables, sur les quais ou dans les établissements s’occupant de l’importation, de l’exportation et du transit de marchandises, ainsi que toutes les manipulations de marchandises transportées par des navires de mer ou des bâtiments de navigation intérieure à destination ou en provenance des quais d’établissements industriels.

Il faut entendre par :

1. Toutes les manipulations de marchandises :

a) marchandises : toutes les marchandises, les containers et les moyens de transport y compris, à l’exclusion uniquement :

– du transport de pétrole en vrac, de produits pétroliers (liquides) et de matières premières liquides pour les raffineries, l’industrie chimique et les activités d’entreposage et de transformation dans les installations pétrolières ;

– du poisson amené par des bateaux de pêche ;

– des gaz liquides sous pression et en vrac.

b) manipulations : charger, décharger, arrimer, désarrimer, déplacer l’arrimage, décharger en vrac, appareiller, classer, trier, calibrer, empiler, désempiler, ainsi que composer et décomposer les chargements unitaires.

2. Les services accessoires qui concernent ces marchandises : marquer, peser, mesurer, cuber, contrôler, réceptionner, garder, (à l’exception des services de gardiennage assurés par des entreprises relevant de la compétence de la Commission paritaire pour les services de gardiennage et/ou de surveillance pour le compte d’entreprises relevant de la Commission paritaire des ports), livrer, échantillonner et sceller, accorer et désaccorer.

[…] »

3. Koninklijk besluit van 5 juli 2004 betreffende de erkenning van havenarbeiders in de havengebieden die onder het toepassingsgebied vallen van de wet van 8 juni 1972 betreffende de havenarbeid

10. Le Koninklijk besluit van 5 juli 2004 betreffende de erkenning van havenarbeiders in de havengebieden die onder het toepassingsgebied vallen van de wet van 8 juni 1972 betreffende de havenarbeid (8) prévoyait initialement une obligation de reconnaissance pour l’ensemble des ouvriers portuaires effectuant du travail portuaire au sens de l’arrêté royal de 1973. Après leur reconnaissance, ceux‑ci étaient répartis soit dans le contingent (ou pool) général, soit dans le contingent (ou pool) logistique.

11. L’arrêté royal du 5 juillet 2004 a été modifié par l’arrêté royal du 10 juillet 2016 (9), adopté à la suite de la mise en demeure adressée à la Belgique par la Commission européenne le 28 mars 2014.

12. À la suite de cette modification, l’arrêté royal du 5 juillet 2004 dispose, dans sa version applicable aux présentes affaires :

« Article premier

1. Dans chaque zone portuaire, les ouvriers portuaires sont reconnus par la commission paritairement constituée, dénommée ci‑après la “commission administrative”, instituée au sein de la sous‑commission paritaire compétente pour la zone portuaire concernée.

Cette commission administrative est composée de :

1. un président et un vice-président ;

2. quatre membres effectifs et quatre membres suppléants désignés par les organisations d’employeurs représentées au sein de la sous-commission paritaire ;

3. quatre membres effectifs et quatre membres suppléants désignés par les organisations de travailleurs représentées au sein de la sous-commission paritaire ;

4. un ou plusieurs secrétaires.

Les dispositions de l’arrêté royal...

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