Conclusiones del Abogado General Sr. M. Campos Sánchez-Bordona, presentadas el 24 de septiembre de 2020.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
ECLIECLI:EU:C:2020:750
Celex Number62019CC0434
Date24 September 2020

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 24 septembre 2020 (1)

Affaires jointes C434/19 et C435/19

Poste Italiane SpA

contre

Riscossione Sicilia SpA agente riscossione per la provincia di Palermo e delle altre provincie siciliane (C434/19)

et

Agenzia delle entrate - Riscossione

contre

Poste Italiane SpA (C435/19),

avec l’intervention de :

Poste italiane SpA - Bancoposta

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie)]

« Demande de décision préjudicielle — Concurrence — Aide d’État — Abus de position dominante — Entreprise bénéficiaire de droits spéciaux ou exclusifs accordés par les États membres — Services d’intérêt économique général (SIEG) — Gestion du service lié au compte courant postal affecté à la perception de la taxe foncière communale — Commissions fixées unilatéralement par l’entreprise bénéficiaire »






1. En Italie, de 1992 à 2011, les contribuables assujettis à la taxe foncière communale (ci‑après l’« ICI ») la payaient à des concessionnaires chargés de leur recouvrement (ci‑après les « concessionnaires »), qui, avant octobre 2006, étaient des organismes privés (2).

2. Le paiement devait être effectué soit en espèces, soit par dépôt sur un compte courant postal que les concessionnaires devaient obligatoirement ouvrir dans l’une des agences de Poste Italiane SpA (3). Cette société facturait aux titulaires du compte une commission pour chaque opération de versement.

3. La Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) demande si le régime de « monopole légal » institué en faveur de Poste Italiane pour gérer le service de compte courant postal sur lequel était versé l’ICI est une aide d’État contraire aux articles 106 et 107 TFUE. Elle souhaite également savoir si ce régime est compatible avec l’article 102 TFUE.

I. Cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4. L’article 14 TFUE dispose ce qui suit :

« Sans préjudice de l’article 4 du traité sur l’Union européenne et des articles 93, 106 et 107 du présent traité, et eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique général parmi les valeurs communes de l’Union ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l’Union, l’Union et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application des traités, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions. Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, établissent ces principes et fixent ces conditions, sans préjudice de la compétence qu’ont les États membres, dans le respect des traités, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services ».

5. L’article 102 TFUE est libellé comme suit :

« Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui‑ci.

Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à :

a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables,

b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs,

c) appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

d) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats ».

6. L’article 106, paragraphes 1 et 2, TFUE énonce ce qui suit :

« 1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus.

2. Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union ».

7. L’article 107, paragraphe 1, TFUE dispose comme suit :

« Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

8. Conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE :

« La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l’article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ».

B. Le droit national

1. Réglementation applicable aux comptes courants postaux

a) Loi no 662 de 1996 (4)

9. Aux termes de son article 2 :

« 18. […] À compter du 1er janvier 1997, […] Poste Italiane peut fixer des commissions à charge des titulaires de comptes postaux. […]

19. Les services postaux et de paiement pour lesquels un régime de monopole légal n’est pas expressément prévu par la réglementation en vigueur sont fournis par l’entreprise Poste Italiane et les autres opérateurs opérant en régime de libre concurrence. […] Il est fait obligation à l’entreprise Poste Italiane de tenir un registre comptable séparé, en distinguant en particulier entre les coûts et recettes liés aux prestations de service fournies dans le cadre d’un régime de monopole légal et ceux liés aux prestations fournies dans le cadre d’un régime de libre concurrence.

20. À compter du 1er avril 1997, les prix des services visés au paragraphe 19 sont fixés, y compris par voie conventionnelle, par l’entreprise Poste Italiane, en tenant compte des exigences de la clientèle et des caractéristiques de la demande, ainsi que de l’exigence de préserver et de développer les volumes de trafic […] ».

b) Décret no 144 du président de la République de 2001 (5)

10. Conformément à son article 3, paragraphe 1, « les rapports avec la clientèle, ainsi que le compte courant postal, sont régis – sauf disposition contraire du présent règlement – par voie contractuelle, dans le respect des règles du code civil et des lois spéciales ».

c) Décision no 57/1996 du conseil d’administration de poste Italiane

11. Par cette décision, il a été prévu de prélever une commission sur chaque opération de gestion du compte courant postal des concessionnaires du service de perception de taxes. Son montant a été fixé à 0,05 euros entre le 1er avril 1997 et le 31 mai 2001, et à 0,23 euros entre le 1er juin 2001 et le 31 décembre 2003.

2. Réglementation applicable aux taxes des collectivités territoriales

a) Décret législatif no 504 de 1992 (6)

12. Aux termes de l’article 10, paragraphe 3 :

« L’impôt dû en vertu du paragraphe 2 doit être acquitté par versement direct au concessionnaire en charge de la perception dans la circonscription à laquelle appartient la commune visée à l’article 4 ou sur un compte courant postal établi à cet effet au nom du concessionnaire susmentionné […]. La commission due au concessionnaire est à la charge de la commune taxatrice et est fixée à 1 % des sommes perçues, avec un minimum de [1,75 euros] et un maximum de [50 euros] pour chaque versement effectué par le contribuable ».

b) Arrêté no 567 du ministère des finances de 1993 (7)

13. Les articles 5 à 7 permettent aux titulaires d’un compte fiscal de verser directement aux guichets du concessionnaire ou auprès d’un établissement de crédit, par la voie d’un mandat irrévocable de paiement au concessionnaire, les montants relatifs à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, l’impôt sur le revenu des personnes morales, même dus en qualité de tiers-payeur, l’impôt local sur les revenus, les impôts de substitution aux impôts susmentionnés et la taxe sur la valeur ajoutée.

c) Décret législatif no 446 de 1997 (8)

14. L’article 59, paragraphe 1, réserve aux communes l’adoption de la réglementation en matière de perception des contributions locales, avec pour objectif de rationaliser les modalités d’exécution des paiements, en prévoyant, outre le paiement au concessionnaire, le paiement sur le compte courant postal établi au nom de l’administration fiscale de la commune, le paiement direct auprès de cette dernière et le paiement par la voie du système bancaire.

d) Décret-loi no 70 de 2011 (9)

15. Aux termes de l’article 7, paragraphe 2, sous gg-septiès) (10) :

« Dans le cas où la perception des recettes est confiée aux [concessionnaires], celle-ci est effectuée au moyen de l’ouverture d’un ou plusieurs comptes courants de perception, postaux ou bancaires, au nom de l’attributaire et affectés au recouvrement des recettes du pouvoir adjudicateur, sur lesquels doivent être versées l’ensemble des sommes perçues ».

II. Les faits (selon les décisions de renvoi), les litiges au principal et les questions préjudicielles

16. Les activités de Poste...

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