Opinion of Advocate General Hogan delivered on 19 March 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:225
Date19 March 2020
Celex Number62017CC0517
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 19 mars 2020(1)

Affaire C517/17

Milkiyas Addis

contre

Bundesrepublik Deutschland

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel — Espace de liberté, de sécurité et de justice — Politique d’asile — Directive 2013/32/UE – Procédures communes pour l’octroi et le refus de la protection internationale — Article 33 — Demandes irrecevables — Article 33, paragraphe 2, sous a) — Rejet d’une demande d’asile à la suite de l’octroi de la protection internationale dans un autre État membre — Articles 14 et 34 — Absence d’entretien personnel — Conséquences —Procédures de recours — Article 46 — Droit à un recours effectif — Examen complet et ex nunc — Possibilité ou non pour une juridiction de réparer la carence d’une autorité responsable de la détermination qui n’a pas mené un entretien personnel »






I. Introduction

1. Sous sa forme actuelle, la présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (2), de même que celle de la disposition qui l’a précédé, à savoir, l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (3). L’article 14, paragraphe 1, de la directive 2013/32 prévoit qu’un demandeur de protection internationale ou d’octroi du statut de réfugié doit se voir accorder un entretien personnel avant que l’autorité responsable de la détermination ne prenne une décision.

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure devant le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne), qui oppose M. Milkiyas Addis à la République fédérale d’Allemagne concernant, entre autres, une décision du Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral de la migration et des réfugiés, Allemagne, ci‑après l’« Office fédéral »), prise au mois de février 2013, qui rejette la demande de M. Addis visant à obtenir le statut de réfugié.

3. L’Office fédéral a rejeté la demande d’octroi du statut de réfugié que M. Addis a formée en Allemagne comme étant irrecevable, au motif que celui‑ci avait déjà obtenu le statut de réfugié en Italie. Toutefois, il est constant que la décision de l’Office fédéral a été prise en méconnaissance du droit de M. Addis à un entretien personnel que, tant en droit allemand qu’en droit de l’Union, l’autorité responsable de la détermination, en l’occurrence l’Office fédéral, doit mener sur la recevabilité de sa demande. Comme nous le verrons, la question fondamentale que soulève la demande de décision préjudicielle porte sur les conséquences de cette inobservation d’une disposition expresse et impérative de la directive procédures.

4. C’est dans ce cadre que la juridiction de renvoi demande à la Cour si les exceptions que la directive procédures prévoit quant à l’exigence d’un entretien personnel sont exhaustives et si, en particulier, l’absence de cet entretien doit entraîner l’annulation de la décision qui a rejeté comme irrecevable la demande d’octroi du statut de réfugié que M. Addis avait formée. De plus, la juridiction de renvoi demande si – et, dans l’affirmative, à quelles conditions – l’omission de l’entretien personnel par l’Office fédéral peut être réparée au cours de la procédure de recours que M. Addis a intentée pour contester la légalité de la décision rejetant comme irrecevable sa demande d’octroi du statut de réfugié.

5. Le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) demande également s’il faut annuler la décision d’irrecevabilité de l’Office fédéral lorsqu’un demandeur du statut de réfugié a eu la possibilité, au cours de la procédure de recours subséquente, de soulever tous moyens ou arguments pouvant s’élever contre cette décision d’irrecevabilité et que, même pris en considération, ces moyens ou arguments ne conduiraient pas à l’adoption d’une décision différente.

6. Avant d’exposer les dispositions juridiques applicables et les faits du litige au principal, j’aborderai brièvement le déroulement procédural quelque peu complexe que cette affaire a connu devant la Cour du fait que les questions préjudicielles soulevées en l’espèce par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale), sans pleinement coïncider avec celles posées dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 19 mars 2019, Ibrahim e.a. (4), les recoupaient toutefois dans une bonne mesure.

II. La procédure devant la Cour

7. La demande de décision préjudicielle dans la présente affaire, qui comportait initialement trois questions, a été déposée au greffe de la Cour le 28 août 2017. Par décision du 29 septembre 2017, le président de la Cour a joint la présente affaire C‑517/17 et les affaires C‑540/17 et C‑541/17. Le 4 avril 2018, il a été décidé de suspendre les affaires jointes C‑517/17, C‑540/17 et C‑541/17 jusqu’à ce qu’il soit statué dans les affaires jointes C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17.

8. L’arrêt du 19 mars 2019, Ibrahim e.a. (5) a été notifié à la juridiction de renvoi le 26 mars 2019. Le 26 avril 2019, cette dernière a retiré partiellement les questions préjudicielles posées dans les affaires jointes C‑517/17, C‑540/17 et C‑541/17.

9. Pour ce qui concerne plus spécifiquement la présente affaire C‑517/17, la juridiction de renvoi a retiré les deux premières questions qu’elle avait initialement posées à la Cour. Ces questions concernaient la mesure dans laquelle un État membre est dans l’impossibilité de rejeter comme irrecevable une demande de protection internationale au motif que le demandeur s’est déjà vu accorder le statut de réfugié par un autre État membre lorsque les conditions de vie dans cet autre État membre, tout en n’étant pas d’un ordre tel qu’elles méconnaissent l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), ne satisfont pas aux dispositions des articles 20 et suivants de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (6).

10. La juridiction de renvoi a considéré que l’arrêt du 19 mars 2019, Ibrahim e.a. (C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, EU:C:2019:219) avait donné une réponse à ses deux premières questions initiales(7).

11. Par lettre transmise au greffe de la Cour le 2 mai 2019, le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) a toutefois considéré que l’arrêt précité n’avait pas répondu à la troisième question préjudicielle qu’il avait posée dans l’affaire qui nous occupe.

12. Par décision du président de la Cour du 16 mai 2019, la présente affaire a été disjointe des affaires jointes C‑540/17 et C‑541/17 et la suspension a été levée dans chacune de ces affaires. Les affaires jointes C‑540/17 et C‑541/17 ont été tranchées par l’ordonnance du 13 novembre 2019, Hamed et Omar (8).

13. Quant à la présente affaire C‑517/17, à la suite d’une décision de la Cour du 1er octobre 2019, une demande de clarification a été adressée à la juridiction de renvoi le 4 octobre 2019. La Cour a reçu une réponse à cette demande le 6 novembre 2019 (9).

14. Avant la suspension de la présente affaire C‑517/17, des observations écrites sur la troisième question préjudicielle du Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) avaient été déposées par les gouvernements allemand, français, hongrois et néerlandais, ainsi que par la Commission européenne. Les gouvernements allemand, hongrois et néerlandais, ainsi que la Commission, considèrent que l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2013/32 ne fait pas obstacle à l’application d’une disposition nationale qui prévoit que, lorsque l’autorité responsable de la détermination rejette la demande d’asile comme irrecevable en application de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, l’omission d’un entretien personnel avec le demandeur n’entraîne pas l’annulation de cette décision du fait de cette omission si, dans la procédure de recours, le demandeur a la possibilité de faire valoir toutes les circonstances s’élevant contre une décision d’irrecevabilité et que, même en les prenant en considération, ces éléments ne permettent pas de prendre une autre décision sur le fond.

15. En revanche, le gouvernement français considère, en substance, que l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2013/32, lu au regard du principe général du droit d’être entendu, droit faisant partie intégrante des droits de la défense, fait obstacle à une règle nationale en vertu de laquelle la violation, lors de la procédure en première instance devant l’autorité responsable de la détermination, du droit d’être entendu avant l’adoption d’une décision d’irrecevabilité prise en application de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive précitée n’entraîne pas l’annulation de cette décision dès lors que le demandeur a la possibilité de faire valoir ses observations au cours de la procédure de recours.

16. Une audience s’est tenue devant la Cour le 15 janvier 2020 et M. Addis, l’Office fédéral, le gouvernement allemand ainsi que la Commission y ont assisté.

III. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 2013/32

17. Les considérants 18 et 22 de la directive 2013/32 précisent ce qui suit :

« (18) Il est dans l’intérêt à la fois des États membres et des demandeurs d’une protection internationale que les...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Opinion of Advocate General Hogan delivered on 11 February 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 February 2021
    ...de 25 de julio de 2018, A (C‑404/17, EU:C:2018:588), apartado 30, así como mis conclusiones presentadas en el asunto Addis (C‑517/17, EU:C:2020:225), punto 74. 12 Véanse, en relación con otras directivas pertenecientes al sistema europeo común de asilo, las sentencias de 21 de diciembre de ......
1 cases
  • Opinion of Advocate General Hogan delivered on 11 February 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 February 2021
    ...de 25 de julio de 2018, A (C‑404/17, EU:C:2018:588), apartado 30, así como mis conclusiones presentadas en el asunto Addis (C‑517/17, EU:C:2020:225), punto 74. 12 Véanse, en relación con otras directivas pertenecientes al sistema europeo común de asilo, las sentencias de 21 de diciembre de ......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT