Opinion of Advocate General Medina delivered on 24 February 2022.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2022:130
Date24 February 2022
Celex Number62020CC0588
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME LAILA MEDINA

présentées le 24 février 2022 (1)

Affaire C588/20

Landkreis Northeim

contre

Daimler AG,

autres parties à la procédure :

Iveco Magirus AG,

TRATON SE, anciennement MAN SE,

MAN Truck & Bus AG,

MAN Truck & Bus Deutschland GmbH,

Schönmackers Umweltdienste GmbH & Co. KG

[demande de décision préjudicielle formée par le Landgericht Hannover (tribunal régional de Hanovre, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Concurrence – Demande d’indemnisation pour un dommage causé par une pratique considérée comme étant contraire à l’article 101 TFUE – Accords, décisions et pratiques concertées – Décision de la Commission constatant une infraction – Procédure de transaction – Produits concernés par l’infraction – Camions – Véhicules spéciaux – Camions à ordures »






1. La présente demande de décision préjudicielle du Landgericht Hannover (tribunal régional de Hanovre, Allemagne) porte sur l’interprétation de la décision de la Commission européenne du 19 juillet 2016, notifiée sous le numéro C(2016) 4673 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39824 – Camions) (ci-après la « décision ») (2). Dans cette décision, la Commission a infligé l’amende la plus élevée à ce jour par affaire dans le cadre d’une entente, d’un montant de 2,93 milliards d’euros (et, au total, de 3,81 milliards d’euros) (3), à des constructeurs de camions pour s’être concertés afin d’augmenter artificiellement les prix des camions et de répercuter les coûts de mise en conformité avec des règles plus strictes en matière d’émissions, au cours d’une période de 14 ans. La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un recours en dommages et intérêts en mode « follow-on » du Landkreis Northeim (arrondissement de Northeim, Allemagne, ci-après l’« arrondissement de Northeim ») contre Daimler AG (ci-après « Daimler »). L’arrondissement de Northeim réclame à Daimler une indemnisation pour les dommages causés par une pratique interdite par l’article 101, paragraphe 1, TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (ci-après l’« accord EEE ») en ce qui concerne les camions à ordures qu’il a achetés à Daimler.

2. La juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si la décision doit être interprétée en ce sens que les véhicules spéciaux, notamment les camions à ordures, relèvent de la notion de « produits concernés par l’infraction » aux fins de cette décision.

I. Les faits à l’origine du litige au principal et la question préjudicielle

3. Au cours des années 2006 et 2007, l’arrondissement de Northeim (organisme de droit public) a acheté à Daimler deux camions à ordures ménagères aux prix de 146 740,00 euros et de 146 586,58 euros respectivement, à la suite d’un appel d’offres pour chaque achat.

4. Le 19 juillet 2016, dans le cadre d’une procédure de transaction, la Commission a adopté la décision.

5. Par cette décision, la Commission a constaté que plusieurs constructeurs internationaux de camions, dont Daimler, MAN et Iveco Magirus, avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE. L’infraction a consisté à conclure des arrangements collusoires sur la fixation des prix et l’augmentation des prix bruts dans l’Espace économique européen (EEE) des camions pesant entre 6 et 16 tonnes (« utilitaires moyens ») ou pesant plus de 16 tonnes (« poids lourds ») ainsi qu’à répercuter des coûts afférents à l’introduction des technologies en matière d’émissions pour ces camions imposées par les normes Euro 3 à 6. L’infraction a couvert l’ensemble de l’EEE et a duré du 17 janvier 1997 au 18 janvier 2011 (ci-après l’« entente »).

6. À la suite de l’adoption de la décision, l’arrondissement de Northeim a formé un recours en indemnisation contre Daimler devant le Landgericht Hannover (tribunal régional de Hanovre). Par son recours, cet arrondissement réclame une indemnisation pour le préjudice économique qu’il a subi en raison des pratiques anticoncurrentielles de Daimler. Ce recours constitue, à l’égard de cette entreprise, une action en mode « follow-on » (une action en indemnisation introduite devant une juridiction nationale à la suite d’une décision définitive de la Commission constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE).

7. L’arrondissement de Northeim considère que les camions à ordures qu’il a acquis auprès de Daimler relèvent de la notion de « camions » figurant dans la décision. Il se fonde à cet égard sur le libellé de cette décision, qui n’exclut pas expressément les véhicules spéciaux (4).

8. Daimler soutient en revanche devant la juridiction de renvoi que ces camions à ordures ne relèvent pas de la décision, car il s’agit de véhicules spéciaux. Elle fait valoir à cet égard que, préalablement à la décision, la Commission a précisé dans une demande de renseignements du 30 juin 2015 (ci-après la « demande de renseignements de 2015 »), adressée à Daimler, l’étendue de ses investigations, en indiquant que la notion de « camions » ne couvrait pas les camions d’occasion, les véhicules spéciaux (par exemple les véhicules militaires et les véhicules des pompiers), les équipements revendus (les « add-ons »), les prestations de service après-vente ainsi que les autres prestations de services et de garantie.

9. Dans ce contexte et eu égard aux exigences de l’article 16, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1/2003 (5), aux termes duquel, lorsque les juridictions nationales statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant de l’article 101 ou 102 TFUE qui font déjà l’objet d’une décision de la Commission, elles ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l’encontre de la décision adoptée par la Commission, la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la question de savoir quels produits relèvent de l’entente en cause dans l’affaire au principal. Plus précisément, compte tenu du fait que, au niveau national, la jurisprudence relative à la question de savoir si les véhicules spéciaux relèvent de la notion de « camions » au sens de la décision n’est pas uniforme, la juridiction de renvoi se demande si les camions à ordures sont exclus des produits concernés par cette entente.

10. À cet égard, la juridiction de renvoi relève d’emblée que, au considérant 5 de la décision, la Commission a constaté, premièrement, que « [l]es produits concernés par l’infraction sont les camions pesant entre 6 et 16 tonnes (“utilitaires moyens”) ou pesant plus de 16 tonnes (“poids lourds”), qu’il s’agisse de porteurs ou de tracteurs » et, deuxièmement, que les « camions militaires » sont exclus du champ d’application de la décision.

11. Dans ces conditions, la juridiction de renvoi considère, d’une part, que la formulation utilisée par la Commission pour décrire les produits concernés par l’infraction peut être comprise comme visant, en principe, seulement les camions « normaux » – à l’exception de ceux destinés à des fins militaires – et que, à défaut d’une mention expresse, les véhicules spéciaux, y compris les camions à ordures, sont exclus de la notion de « camions » utilisée par la Commission, dès lors qu’ils relèvent de la notion d’« autre bien » (6).

12. D’autre part, selon cette juridiction, cette même formulation peut également être comprise en ce sens que la notion de « camions » couvre tout type de camions, à savoir tous types de véhicules spéciaux, à l’exception des camions militaires.

13. Ensuite, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’incidence de la demande de renseignements de 2015 sur la détermination des produits concernés par l’infraction. Elle se demande en particulier si le fait que la Commission a déclaré que, aux fins de cette demande, la notion de « camions » ne couvrait pas les camions d’occasion ou les véhicules spéciaux (notamment les véhicules militaires et les véhicules des pompiers) implique qu’il ne s’agit là que d’une énumération indiquée à titre d’exemple, et non d’une liste exhaustive des véhicules spéciaux.

14. Enfin, la juridiction de renvoi souligne que la décision a été adoptée dans le cadre d’une procédure de transaction engagée par la Commission à la suite des demandes adressées à cette institution par les parties concernées par cette procédure. Dans ce contexte, elle s’interroge sur les conséquences du fait que la portée du comportement anticoncurrentiel soit déterminée dans le cadre d’une telle procédure.

15. Dans ces conditions, le Landgericht Hannover (tribunal régional de Hanovre) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La décision de la [Commission] du 19 juillet 2016, – C (2016) 4673 final –, adoptée dans le cadre de la procédure prévue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39824 – Camions), doit-elle être interprétée en ce sens que les véhicules spéciaux, notamment les camions à ordures, relèvent, quant à eux également, des constatations de cette décision ? »

16. Des observations écrites ont été déposées par l’arrondissement de Northeim, Schönmackers Umweltdienste GmbH & Co. KG (ci-après « Schönmackers »), Daimler, TRATON SE (anciennement « MAN »), Iveco Magirus, le gouvernement autrichien et la Commission. Toutes ces parties (à l’exception du gouvernement autrichien) ont également saisi l’occasion de présenter des arguments oraux lors d’une audience devant la Cour.

II. Analyse

A. Exposé sommaire de l’argumentation des parties

17. L’arrondissement de Northeim soutient, en premier lieu, que la demande de décision préjudicielle est irrecevable au motif que Daimler n’a pas fait usage dans le délai prescrit de son droit de recours contre la décision devant le Tribunal et qu’elle ne peut donc plus mettre en cause la légalité de cette décision en formant un recours devant les juridictions internes contre les mesures nationales d’exécution de cette décision. Les...

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