Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 12 de mayo de 2021.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2021:387
Celex Number62020CC0100
Date12 May 2021
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 12 mai 2021 (1)

Affaire C100/20

XY

contre

Hauptzollamt B

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Taxes – Cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité – Directive 2003/96 – Article 5 – Taux de taxation différenciés – Article 17, paragraphe 1, sous a) – Réductions fiscales sur la consommation de produits énergétiques et d’électricité en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie – Article 21, paragraphe 5 – Taxation de l’électricité au moment de la fourniture par le distributeur ou le redistributeur – Charge d’accumulateurs – Modalités de remboursement de taxes perçues en violation du droit de l’Union – Exonérations et réductions d’impôts facultatives – Versement d’intérêts »






Introduction

1. La question préjudicielle posée en l’espèce par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne) porte sur une question assez inhabituelle, relative aux droits d’un contribuable qui s’est vu appliquer indûment une taxe régie par le droit de l’Union, lorsque l’illégalité de la taxation résulte non pas d’une violation de règles impératives du droit de l’Union, mais seulement de la violation de dispositions nationales adoptées par un État membre sur le fondement d’une faculté prévue par le droit de l’Union.

2. Cette situation n’est pas dépourvue d’ambiguïté car, d’une part, il n’y a pas eu violation de règles claires et inconditionnelles du droit de l’Union et, d’autre part, l’acte illicite a néanmoins eu lieu dans le cadre de l’application de ce droit par un État membre. Comme je l’expliquerai dans les présentes conclusions, il est également difficile d’apporter une réponse claire à cette question.

3. Cependant, la présente affaire soulève encore une autre question, non moins intéressante. Il s’agit de savoir comment il convient de traiter, sous l’angle du droit d’accise sur l’électricité, le stockage de cette électricité dans des accumulateurs en vue de sa fourniture ultérieure aux utilisateurs finaux. Bien que la juridiction de renvoi, se fondant sur sa propre interprétation, ne pose pas cette question, il me semble que la Cour devrait à tout le moins indiquer dans son arrêt que le fait de répondre à la question préjudicielle ne constitue pas une confirmation de l’interprétation de la juridiction de renvoi.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

4. L’article 1er de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (2) dispose :

« Les États membres taxent les produits énergétiques et l’électricité conformément à la présente directive. »

5. Aux termes de l’article 5, quatrième tiret, de cette directive :

« À condition qu’ils respectent les niveaux minima de taxation prévus par la présente directive et soient conformes au droit [de l’Union], des taux de taxation différenciés peuvent être appliqués sous contrôle fiscal par les États membres dans les cas suivants :

[...]

– entre la consommation professionnelle et non professionnelle des produits énergétiques et de l’électricité visés aux articles 9 et 10. »

6. L’article 17, paragraphe 1, sous a), de ladite directive prévoit :

« Pour autant que les niveaux minima communautaires de taxation prévus par la présente directive soient respectés en moyenne pour chaque entreprise, les États membres pourront appliquer des réductions fiscales sur [...] [l]’électricité dans les cas suivants :

a) en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie.

[...] »

7. Enfin, aux termes de l’article 21, paragraphe 5, premier alinéa, de la même directive :

« Pour l’application des articles 5 et 6 de la directive 92/12/CEE [(3)], l’électricité et le gaz naturel sont soumis à taxation et la taxe devient exigible au moment de leur fourniture par le distributeur ou le redistributeur. [...] »

Le droit allemand

8. En ce qui concerne la taxation de l’électricité, la directive 2003/96 a été transposée en droit allemand par les dispositions du Stromsteuergesetz (loi relative à la taxe sur l’électricité, ci‑après le « StromStG ») (4). L’article 3 de cette loi, dans sa version applicable à partir du 19 décembre 2008, dispose :

« La taxe s’élève à 20,50 euros par mégawattheure. »

9. Conformément à l’article 9, paragraphe 3, du StromStG :

« L’électricité est soumise [...] à un taux de taxe réduit de 12,30 euros par mégawattheure si elle est consommée, aux fins de leur exploitation, par des entreprises manufacturières ou des entreprises agricoles et sylvicoles et si elle n’est pas exonérée de taxe en vertu du paragraphe 1. »

Les faits, la procédure et la question préjudicielle

10. XY est une société de droit allemand. Dans le cadre de ses activités qui, selon la juridiction de renvoi, relèvent du secteur manufacturier (« Produzierende Gewerbe ») au sens de l’article 9, paragraphe 1, du StromStG, elle prélève l’électricité sous la forme de courant alternatif du réseau de distribution et, après l’avoir convertie en courant continu, la stocke dans des accumulateurs. Ensuite, elle fournit à ses clients, des entreprises du secteur des télécommunications, un service complexe consistant à les approvisionner en électricité, y compris l’alimentation de secours ainsi que la climatisation (« fourniture de froid ») des équipements d’infrastructure de télécommunications (5).

11. Dans sa déclaration pour l’exercice fiscal 2010, XY a indiqué que l’électricité prélevée avait été utilisée pour les besoins de son activité et a appliqué un taux réduit de taxe sur l’électricité, conformément à l’article 9, paragraphe 3, du StromStG. L’administration fiscale a toutefois émis un avis d’imposition, en estimant que le taux de taxe normal devait s’appliquer.

12. Dans une procédure distincte concernant l’exercice fiscal 2006, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) avait jugé que XY avait le droit d’appliquer un taux de taxe réduit sur l’électricité. Sur cette base, l’administration fiscale a modifié l’avis relatif à l’exercice fiscal 2010 et a procédé au remboursement du trop-perçu de taxe. En 2014, XY a demandé le versement d’intérêts sur ce trop-perçu, ce que l’administration fiscale a refusé. Le recours de XY devant la juridiction de première instance a été rejeté. En effet, cette juridiction a considéré, notamment, que la réduction du taux de taxation, prévue à l’article 9, paragraphe 3, du StromStG, était facultative sous l’angle du droit de l’Union, de sorte que la perception de la taxe correspondant au taux normal, même si elle était incompatible avec le droit national, ne violait pas le droit de l’Union. Selon cette juridiction, l’obligation de remboursement du trop-perçu de taxe, avec intérêts, qui résulte de la jurisprudence de la Cour, n’était donc pas applicable. XY s’est pourvue en « Revision » contre ce jugement devant la juridiction de renvoi.

13. C’est dans ces conditions que le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Un droit au remboursement de la taxe sur l’électricité fixée à tort doit‑il, en vertu du droit de l’Union, être majoré d’intérêts, lorsque la fixation d’une taxe sur l’électricité inférieure était fondée sur la réduction de taxe facultative prévue à l’article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96 et que la fixation d’une taxe trop élevée était due exclusivement à une erreur commise lors de l’application au cas d’espèce de la disposition nationale adoptée pour transposer l’article 17, paragraphe 1, sous a), de cette directive ? »

14. Cette demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 26 février 2020. XY, le gouvernement allemand ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Ces parties ainsi que le Hauptzollamt B (bureau principal des douanes de B, Allemagne) ont également répondu par écrit aux questions posées par la Cour.

Analyse

15. La question préjudicielle dans la présente affaire repose sur l’hypothèse que l’électricité prélevée par XY du réseau de distribution était imposable au moment de ce prélèvement, le taux réduit de la taxe sur l’électricité devant s’appliquer en vertu des dispositions du droit allemand. Dans ses observations, le gouvernement allemand conteste toutefois cette hypothèse, en soutenant qu’elle résulte d’une qualification incompatible avec la directive 2003/96 de l’activité de XY, à laquelle le taux réduit de cette taxe ne devrait pas être appliqué. L’adhésion à la thèse du gouvernement allemand pourrait avoir pour conséquence de remettre en cause la recevabilité même de la demande de décision préjudicielle dans la présente affaire, dès lors que la question figurant dans cette demande serait de nature hypothétique.

16. La Cour a posé des questions supplémentaires aux parties sur ce point. Avant d’aborder le problème juridique soulevé par la question préjudicielle, je consacrerai donc un peu de temps à l’analyse de l’interprétation correcte des dispositions de la directive 2003/96 dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal.

Sur la qualification du stockage de l’électricité dans des accumulateurs à la lumière des dispositions de la directive 2003/96

La fourniture d’électricité à partir d’accumulateurs en tant que (re)distribution (6)

17. En soulevant la présente question préjudicielle, la juridiction de renvoi s’appuie sur la solution qu’elle avait antérieurement adoptée, notamment dans son arrêt concernant la taxation de l’électricité utilisée par XY au cours de l’exercice fiscal 2006 (7). Conformément à cette solution, XY consomme de l’électricité prélevée du réseau de distribution en la transformant en énergie chimique dans des accumulateurs (8). Cette consommation a lieu aux fins de l’activité de XY, dans la mesure où...

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