Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 25 de mayo de 2023.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62022CC0249 |
ECLI | ECLI:EU:C:2023:438 |
Date | 25 May 2023 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 25 mai 2023 (1)
Affaire C‑249/22
BM
contre
Gebühren Info Service GmbH (GIS),
avec la participation du :
Bundesministerium der Finanzen,
sterreichischerRundfunk,
[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche)]
« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Article 2, paragraphe 1, sous c) – Prestations de services à titre onéreux – Notion – Activités d’un organisme public de radiotélévision financées par une redevance obligatoire versée par les détenteurs d’un récepteur de radio et de télévision se trouvant dans la zone de diffusion terrestre – Article 378, paragraphe 1, et annexe X, partie A, point 2 – Acte d’adhésion de l’Autriche – Article 151, paragraphe 1, et annexe XV, partie IX, point 2, sous h) – Dérogation – Champ d’application »
Introduction
1. Dans l’arrêt du 22 juin 2016, Český rozhlas (C‑11/15, ci-après l’« arrêt Český rozhlas », EU:C:2016:470,), la Cour a jugé que les activités des organismes publics de radiodiffusion financées par des redevances obligatoires perçues de plein droit auprès des personnes détenant des postes de radio ne constitue pas une prestation de services effectuée à titre onéreux et ne relève pas du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la « TVA »).
2. À la suite de cet arrêt, dans certains États membres où des redevances de ce type étaient soumises à la TVA, les redevables de celles-ci ont demandé le remboursement de cette taxe au motif qu’elle était perçue en violation du droit de l’Union. Cela a donné lieu, en Autriche, à une action collective dont un élément est le litige au principal dans la présente affaire. Une procédure similaire est également en cours au Danemark (2).
3. Dans ce contexte, les parties intéressées, tout comme (/ainsi que) la Commission européenne, font observer que les dispositions du droit de l’Union relatives à la TVA prévoient une dérogation pour certains États membres leur permettant de taxer les activités des organismes publics de radiotélévision. Se pose donc la question de savoir si cette dérogation modifie les conclusions découlant de l’arrêt Český rozhlas.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
4. En vertu de l’article 151 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion du Royaume de Norvège, de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne, du 26 juillet 1994 (ci-après l’« acte d’adhésion de 1994 ») (3), lu en combinaison avec l’annexe XV, partie IX, point 2, sous h) (4), de cet acte, la République d’Autriche peut, par dérogation aux dispositions du droit de l’Union en matière de TVA, taxer, notamment, les activités des organismes publics de radiotélévision (5). Cette taxation ne peut pas avoir d’incidence sur les ressources propres de l’Union dont l’assiette devra être reconstituée conformément au règlement (CEE, Euratom) nº 1553/89 (6).
5. Aux termes l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (7) :
« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :
[...]
c) les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ; [...] ».
6. L’article 132, paragraphe 1, sous q), de cette directive dispose :
« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :
[...]
q) les activités des organismes publics de radiotélévision autres que celles ayant un caractère commercial. »
7. Aux termes de l’article 378, paragraphe 1, de la directive 2006/112 :
« L’Autriche peut continuer à taxer les opérations figurant à l’annexe X, partie A, point 2). »
8. L’annexe X de la même directive mentionne, au point 2 de sa partie A, les « activités des organismes publics de radiotélévision autres que des activités commerciales ».
Le droit autrichien
9. L’article 2, paragraphe 1 du Rundfunkgebührengesetz (loi sur la redevance de radiotélévision) (8) (ci-après le « RGG ») impose à toute personne qui utilise à l’intérieur des bâtiments un équipement récepteur de radiotélévision une « redevance de radiotélévision ». Le fait de disposer d’un tel équipement récepteur est assimilé à son utilisation. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, du RGG, la société GIS Gebühren Info Service GmbH (ci-après « GIS ») est habilitée à percevoir cette redevance et toutes les taxes afférentes.
10. Pour sa part, la Bundesgesetz über den Östereichischen Rundfunk (loi fédérale relative à l’Östereichischer Rundfunk) (9) (ci‑après l’« ORF-G ») institue, à son article 1er, paragraphe 1, une fondation de droit public dénommée « Österreichischer Rundfunk » (ci‑après l’« ORF »).
11. L’article 31 de l’ORF-G prévoit une « redevance de programme » dont le montant est fixé par le conseil de ladite fondation. Est redevable de la redevance de programme tout détenteur d’un récepteur de radiotélévision se trouvant dans la zone de diffusion terrestre (en technologie analogique ou numérique) des programmes de l’ORF. La perception de la redevance de programme s’effectue en même temps que la perception de la redevance de radiotélévision et selon les mêmes modalités.
12. Enfin, l’article 10 de l’Umsatzsteuergesetz 1994 (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires de 1994) (10) soumet à un taux réduit d’imposition, notamment, les services diffuseurs faisant l’objet d’une redevance obligatoire de radiotélévision.
Les faits, la procédure et les questions préjudicielles
13. BM, la requérante au principal, est le destinataire de programmes de radio et de télévision soumis au paiement d’une redevance de programme. Au cours de la période allant du 1er octobre 2013 au 31 octobre 2018, elle a notamment acquitté la somme de 100,57 euros au titre de la TVA due par elle sur la redevance de programme. Le 23 octobre 2018, elle a demandé à GIS le remboursement de cette somme au motif qu’elle avait été perçue en violation du droit de l’Union. En effet, eu égard, notamment, à l’arrêt Český rozhlas, les activités des organismes publics de radiotélévision financées par une redevance telle que la redevance de programme autrichienne ne sont pas soumises, selon la requérante, à la TVA.
14. GIS a refusé de rembourser cette taxe, ce que BM a contesté devant le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche). Ce dernier a toutefois rejeté son recours, estimant que l’interprétation résultant de l’arrêt Český rozhlas n’était pas applicable à la redevance de programme autrichienne. BM a formé un recours en « Revision » contre le jugement de cette juridiction devant la juridiction de renvoi.
15. Dans ces circonstances, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Une redevance telle que la redevance de programme de l’ORF autrichien, qui est fixée par l’organisme de radiodiffusion public lui‑même afin de financer son fonctionnement, doit-elle être considérée, compte tenu de la disposition de droit primaire de l’article 151, paragraphe 1, lue en combinaison avec l’annexe XV, partie IX, point 2, sous h), premier alinéa, second tiret, de l’acte [d’adhésion de 1994] comme étant la rémunération d’un service au sens des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 378, point 1, de la [directive 2006/112] ?
2) Si la réponse à cette première question est affirmative, la redevance de programme de l’ORF susmentionnée doit-elle également être considérée comme étant la rémunération d’un service, au sens de la [directive 2006/112], lorsqu’elle doit être acquittée par des personnes qui, certes, utilisent un appareil récepteur de radiodiffusion à l’intérieur d’un bâtiment qui se trouve dans une zone de réception de la radiodiffusion télévisuelle terrestre de l’ORF, mais qui, ne disposant pas du module de réception nécessaire à cet effet, ne peuvent pas recevoir les programmes en question ? »
16. La demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 11 avril 2022. Des observations écrites ont été déposées par les parties au principal, l’ORF, les gouvernements autrichien et danois ainsi que par la Commission. Les mêmes parties, ainsi que le gouvernement français, ont été représentés lors de l’audience qui s’est tenue le 15 février 2023.
Analyse
17. La requérante au principal demande le remboursement de la TVA qui a été ajoutée à la redevance de programme qu’elle verse. En effet, selon elle, à la lumière de l’arrêt Český rozhlas, cette taxe a été perçue en violation du droit de l’Union. Par ses questions préjudicielles dans la présente affaire, que je propose d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande donc, en substance, si l’article 2, paragraphe 2, sous c), de la directive 2006/112, lu en combinaison avec l’article 378, paragraphe 1, de cette directive ainsi que l’article 151, paragraphe 1, de l’acte d’adhésion de 1994 et l’annexe XV de celui-ci, partie IX, point 2, sous h), doivent être interprétés en ce sens que la République d’Autriche est en droit de percevoir la TVA sur la redevance de programme au sens de l’article 31 de l’ORF-G.
18. La réponse à cette question nécessite, dans un premier temps, d’analyser la nature de la redevance de programme au regard de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112, puis d’examiner l’incidence éventuelle sur cette question juridique de l’article 378, paragraphe 1, de cette directive et de l’article 151, paragraphe 1, de l’acte d’adhésion de 1994 – qui en constitue le fondement – ainsi que du point applicable de l’annexe XV de cet acte.
Sur la nature de la redevance de programme
19. Tant la juridiction de renvoi, dans sa décision, que GIS, l’ORF et le gouvernement autrichien, dans leurs...
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