Opinion of Advocate General Rantos delivered on 17 November 2022.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62021CC0628 |
ECLI | ECLI:EU:C:2022:905 |
Date | 17 November 2022 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. ATHANASIOS RANTOS
présentées le 17 novembre 2022 (1)
Affaire C‑628/21
TB
en présence de :
Castorama Polska Sp. z o.o.,
« Knor » Sp. z o.o.
[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie, Pologne)]
« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Directive 2004/48/CE – Respect des droits de propriété intellectuelle – Article 4 – Personnes ayant qualité pour demander l’application des mesures, des procédures et des réparations – Article 8, paragraphe 1 – Action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle – Vente de marchandises contrefaisantes – Droit d’auteur et droits voisins – Droit d’information du requérant sur l’origine et les réseaux de distribution des marchandises – Nécessité ou non pour le requérant de démontrer qu’il est titulaire du droit de propriété intellectuelle »
I. Introduction
1. Une entreprise commercialise des reproductions de représentations graphiques sans le consentement de la personne se présentant comme la créatrice de ces représentations. Celle-ci introduit une action judiciaire relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2004/48/CE (2), qui établit un droit instrumental destiné à garantir la protection effective de la propriété intellectuelle (3). Cette personne doit-elle démontrer qu’elle est titulaire du droit de propriété intellectuelle en cause ou simplement rendre vraisemblable qu’elle est titulaire de ce droit ? Telle est, en substance, la question posée par le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie, Pologne).
2. La présente affaire amènera la Cour à examiner, à la lumière de sa jurisprudence, le niveau de preuve requis dans le cadre d’une demande d’informations sur l’origine et les réseaux de distribution des marchandises ou des services au titre du droit d’information prévu à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2004/48. En vue de répondre à la question posée, il conviendra de mettre en balance, d’une part, le droit d’information des titulaires de propriété intellectuelle et, d’autre part, la protection du défendeur contre un usage abusif de ce droit.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
3. Aux termes des considérants 10 et 17 de la directive 2004/48 :
(10) L’objectif de la présente directive est de rapprocher [l]es législations [des États membres] afin d’assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur.
[...]
(17) Les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive devraient être déterminées dans chaque cas de manière à tenir dûment compte des caractéristiques spécifiques de ce cas, notamment des caractéristiques spécifiques de chaque droit de propriété intellectuelle et, lorsqu’il y a lieu, du caractère intentionnel ou non intentionnel de l’atteinte commise. »
4. L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », énonce :
« La présente directive concerne les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle. [...] »
5. Le chapitre II de ladite directive, intitulé « Mesures, procédures et réparations », comprend les articles 3 à 15. L’article 3 de la même directive, intitulé « Obligation générale », dispose :
« 1. Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés.
2. Les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d’obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif. »
6. L’article 4 de la directive 2004/48, intitulé « Personnes ayant qualité pour demander l’application des mesures, procédures et réparations », prévoit :
« Les États membres reconnaissent qu’ont qualité pour demander l’application des mesures, procédures et réparations visées au présent chapitre :
a) les titulaires de droits de propriété intellectuelle, conformément aux dispositions de la législation applicable ;
b) toutes les autres personnes autorisées à utiliser ces droits, en particulier les licenciés, dans la mesure où la législation applicable le permet et conformément à celle-ci ;
c) les organismes de gestion collective des droits de propriété intellectuelle régulièrement reconnus comme ayant qualité pour représenter des titulaires de droits de propriété intellectuelle, dans la mesure où les dispositions de la législation applicable le permettent et conformément à celles-ci ;
d) les organismes de défense professionnels régulièrement reconnus comme ayant qualité pour représenter des titulaires de droits de propriété intellectuelle, dans la mesure où les dispositions de la législation applicable le permettent et conformément à celles-ci. »
7. L’article 8 de cette directive, intitulé « Droit d’information », est libellé comme suit, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Les États membres veillent à ce que, dans le cadre d’une action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle et en réponse à une demande justifiée et proportionnée du requérant, les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner que des informations sur l’origine et les réseaux de distribution des marchandises ou des services qui portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle soient fournies par le contrevenant et/ou toute autre personne qui :
a) a été trouvée en possession des marchandises contrefaisantes à l’échelle commerciale ;
b) a été trouvée en train d’utiliser des services contrefaisants à l’échelle commerciale ;
c) a été trouvée en train de fournir, à l’échelle commerciale, des services utilisés dans des activités contrefaisantes,
ou
d) a été signalée, par la personne visée aux points a), b) ou c), comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution des marchandises ou la fourniture des services.
2. Les informations visées au paragraphe 1 comprennent, selon les cas :
a) les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des marchandises ou des services, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ;
b) des renseignements sur les quantités produites, fabriquées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises ou services en question. »
B. Le droit polonais
8. L’article 278 de l’ustawa – Kodeks postępowania cywilnego (loi portant introduction du code de procédure civile), du 17 novembre 1964, dans sa version applicable au litige au principal (4) (ci-après le « code de procédure civile »), énonce, à son paragraphe 1 :
« Dans les cas nécessitant des connaissances spéciales, le tribunal, après avoir entendu les demandes des parties sur le nombre et le choix des experts, peut solliciter l’avis d’un ou de plusieurs experts. »
9. L’article 47989 de ce code prévoit :
« 1. Les dispositions de la présente section s’appliquent aux affaires relatives à la protection du droit d’auteur et des droits voisins, à la protection des droits de propriété industrielle et à la protection des autres droits concernant des biens incorporels (affaires de propriété intellectuelle).
2. Sont également considérées comme des affaires de propriété intellectuelle au sens de la présente section les affaires relatives à :
1) la prévention de la concurrence déloyale et la lutte contre celle-ci ;
[...] »
10. L’article 479112 dudit code dispose :
« Les dispositions concernant le débiteur de l’information s’appliquent à toute personne, y compris le défendeur, qui dispose des informations visées à l’article 479113 ou qui a accès à celles-ci. »
11. L’article 479113 du même code est libellé comme suit, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Sur demande du titulaire du droit, si celui-ci démontre de manière plausible l’existence de circonstances caractérisant une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, le tribunal peut, avant l’introduction d’une procédure relative à cette atteinte au droit de propriété intellectuelle ou au cours d’une telle procédure jusqu’à la clôture de l’audience en première instance, inviter le contrevenant à fournir des informations sur l’origine et les réseaux de distribution des marchandises ou des services, lorsque cela est nécessaire pour les besoins de l’action du titulaire.
2. Lorsque la demande d’informations du tribunal est antérieure à la procédure relative à l’atteinte au droit de propriété intellectuelle, cette procédure doit être introduite au plus tard un mois à compter de la date d’exécution de l’ordonnance relative à la demande d’information. »
III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
12. TB est une personne physique qui commercialise, par l’intermédiaire de ses boutiques en ligne, des articles de décoration. Dans le cadre de son activité économique, elle vend des reproductions, réalisées mécaniquement par ses soins, présentant un graphisme simple, constitué d’un nombre restreint de couleurs et de figures géométriques ainsi que de phrases courtes. À cet égard, les images A, B et C (ci-après les « reproductions en cause ») contiennent respectivement les phrases suivantes : « Mój dom moje zasady » (« Chez moi, c’est moi qui fixe les règles ») ; « Nie ma ludzi idealnych a jednak jestem » (« Les personnes parfaites n’existent pas et pourtant j’en suis une ») et « W naszym domu rano słychać tupot małych stopek. Zawsze pachnie pysznym ciastem. Mamy dużo obowiązków, mnóstwo zabawy i miłości » (« Chez nous, le matin, on entend le bruit...
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