Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 16 July 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:597
Date16 July 2020
Celex Number62019CC0147
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

TANCHEV

présentées le 16 juillet 2020 (1)

Affaire C147/19

Atresmedia Corporación de Medios de Comunicación S.A.

contre

Asociación de Gestión de Derechos Intelectuales (AGEDI),

Artistas Intérpretes o Ejecutantes, Sociedad de Gestión de España (AIE)

[Demande de décision préjudicielle présentée par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne)]

« Demande de décision préjudicielle — Droit de location et de prêt et droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle – Communication au public de phonogrammes publiés à des fins de commerce — Demande de compensation — Rémunération équitable et unique »






1. Le présent renvoi préjudiciel, introduit par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115/CE (2) et de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 92/100/CEE (3), libellés de façon similaire 115 (ci‑après, conjointement, les « directives location et prêt »). Plus précisément, le juge de renvoi s’interroge sur la portée de cette disposition dans le cadre de la « communication au public » d’œuvres audiovisuelles dans lesquelles ont été incorporés des phonogrammes publiés et préexistants.

2. L’affaire au principal concerne des demandes de rémunération formées, pour des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes, par deux sociétés de gestion collective en Espagne, en vertu de la législation espagnole qui a transposé la directive 92/100 et la directive 2006/ pour des actes d’une chaîne de télévision qu’elles qualifient d’actes de communication au public de phonogrammes. La société de télévision estime que ces « communications au public » ne sont pas des communications de « phonogrammes » ou des « reproductions de ceux‑ci », mais des communications d’« œuvres audiovisuelles » et que la rémunération demandée n’est pas due pour un tel contenu, même si les œuvres audiovisuelles en question incorporent des phonogrammes préexistants qui ont été publiés à des fins de commerce en tant que (partie de) leur colonne sonore.

3. Pour répondre aux questions du juge de renvoi, il sera nécessaire d’analyser non seulement les directives européennes pertinentes, mais aussi des dispositions de droit international, plus précisément la convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion (ci‑après la « convention de Rome »). (4) et le traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (ci‑après le « traité WPPT ») (5).

I. Le cadre juridique

A. La convention de Rome

4. La convention de Rome a été conclue à Rome le 26 octobre.

5. Bien que la convention de Rome ne fasse en tant que telle pas partie de l’ordre juridique de l’Union, elle produit néanmoins des effets indirects au sein de l’Union (6).

6. L’article 3 de la convention de Rome donne la définition de certains termes qui sont définis aussi, mais avec quelques différences, dans le traité WPPT, et qui sont utilisés dans les directives location et prêt. Aux fins de la Convention, l’article 3 contient les définitions suivantes :

« […] on entend par : [...]

(b) “Phonogramme”, toute fixation exclusivement sonore des sons provenant d’une exécution ou d’autres sons

[...]

(d) “Publication”, la mise à la disposition du public d’exemplaires d’un phonogramme en quantité suffisante ;

(e) “Reproduction”, la réalisation d’un exemplaire ou de plusieurs exemplaires d’une fixation ;

[...] ».

7. L’article 7, paragraphe 1, de la convention de Rome dispose :

« La protection prévue par la présente Convention en faveur des artistes interprètes ou exécutants devra permettre de mettre obstacle :

[...]

(c) À la reproduction sans leur consentement d’une fixation de leur exécution :

(i) Lorsque la première fixation a elle‑même été faite sans leur consentement ;

(ii) Lorsque la reproduction est faite à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont donné leur consentement ;

(iii) Lorsque la première fixation a été faite en vertu des dispositions de l’article 15 et a été reproduite à des fins autres que celles visées par ces dispositions ».

8. Aux termes de l’article 12, « [l]orsqu’un phonogramme publié à des fins de commerce, ou une reproduction de ce phonogramme, est utilisé directement pour la radiodiffusion ou pour une communication quelconque au public, une rémunération équitable et unique sera versée par l’utilisateur aux artistes interprètes ou exécutants, ou aux producteurs de phonogrammes ou aux deux. [...] ». La notion de « rémunération équitable et unique » revient tant dans le traité WPPT que dans les directives location et prêt.

9. L’article 19 de la convention de Rome est formulé comme suit :

« Nonobstant toutes autres dispositions de la présente Convention, l’article 7 cessera d’être applicable dès qu’un artiste interprète ou exécutant aura donné son consentement à l’inclusion de son exécution dans une fixation d’images ou d’images et de sons ».

B. Le traité WPPT

10. Le traité WPPT a été adopté à Genève le 20 décembre 1996. Par décision 2000/278/CE du 16 mars 2000(7), le Conseil a « approuvé » le traité WPPT et autorisé le dépôt d’instruments de conclusion. Le traité WPPT a été ratifié par l’Union européenne le 14 décembre 2009 et est entré en vigueur à l’égard de l’Union européenne le 14 mars 2010. Ce traité fait donc partie de l’ordre juridique de l’Union européenne.

11. L’article 2 du traité WPPT dispose :

« Aux fins du présent traité, on entend par :

[...]

(b) “phonogramme” la fixation des sons provenant d’une interprétation ou exécution ou d’autres sons, ou d’une représentation de sons autre que sous la forme d’une fixation incorporée dans une œuvre cinématographique ou une autre œuvre audiovisuelle ;

(c) “fixation” l’incorporation de sons, ou des représentations de ceux‑ci, dans un support qui permette de les percevoir, de les reproduire ou de les communiquer à l’aide d’un dispositif ;

[...]

(g) “communication au public” d’une interprétation ou exécution ou d’un phonogramme la transmission au public, par tout moyen autre que la radiodiffusion, des sons provenant d’une interprétation ou exécution ou des sons ou représentations de sons fixés sur un phonogramme. Aux fins de l’article 15, le terme “communication au public” comprend aussi le fait de rendre audibles par le public les sons ou représentations de sons fixés sur un phonogramme ».

12. La conférence diplomatique (8) a adopté un certain nombre de « déclarations communes » concernant le traité WPPT (9). La déclaration commune concernant l’article 2.b) énonce ce qui suit :

« Il est entendu que la définition du phonogramme contenue à l’article 2.b) n’implique pas que l’incorporation dans une œuvre cinématographique ou une autre œuvre audiovisuelle ait une quelconque incidence sur les droits sur le phonogramme ».

13. L’article 15 du traité WPPT, intitulé « Droit à rémunération au titre de la radiodiffusion et de la communication au public », est formulé comme suit :

« (1) Les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes ont droit à une rémunération équitable et unique lorsque des phonogrammes publiés à des fins de commerce sont utilisés directement ou indirectement pour la radiodiffusion ou pour une communication quelconque au public.

(2) Les Parties contractantes peuvent prévoir dans leur législation nationale que la rémunération équitable unique doit être réclamée à l’utilisateur par l’artiste interprète ou exécutant ou par le producteur du phonogramme, ou par les deux. Les Parties contractantes peuvent adopter des dispositions législatives fixant les conditions de répartition de la rémunération équitable unique entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes faute d’accord entre les intéressés.

.[...] ».

14. Le 20 décembre 1996, la conférence diplomatique a adopté une « résolution concernant les interprétations et exécutions audiovisuelles », dans laquelle les délégations regrettent que « [le traité WPPT] ne couvre pas les droits des artistes interprètes ou exécutants sur les fixations audiovisuelles de leurs interprétations ou exécutions » et appellent à accomplir des travaux préparatoires en vue d’adopter un protocole relatif à celles‑ci au plus tard en 1998. Aucun protocole n’a ensuite été adopté en ce sens et la question n’a pas été résolue sous l’empire du traité WPPT, mais l’a finalement été dans un traité distinct, le traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles, adopté le 24 juin 2012.

C. La directive 92/100

15. La directive 92/100 a été adoptée le 19 novembre 1992 et, après que plusieurs modifications ont été apportées à différentes dispositions, elle a été remplacée par la directive 2006/115 qui constitue une codification de la directive à la suite de ces modifications.

16. L’article 7 (Droit de reproduction) de la directive 92/100 dans sa version d’origine disposait :

« 1. Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte :

pour les artistes interprètes ou exécutants, des fixations de leurs exécutions ;

pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes,

[...]

2. Le droit de reproduction prévu au paragraphe 1 peut être transféré, cédé ou donné en licence contractuelle ».

17. L’article 8 de la directive 92/100 est resté en substance inchangé depuis son adoption et est reproduit au point 20 ci‑dessous tel qu’il figure à la directive 2006/115.

D. La directive 2001/29

18. L’article 7 de la directive 92/100 a été modifié et remplacé par l’article 2 (Droit de reproduction) de la directive 2001/29/CE (10). Il dispose ce qui suit :

« Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en...

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