Crédit mutuel Arkéa contra Banco Central Europeo (BCE).
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62018CC0152 |
ECLI | ECLI:EU:C:2019:505 |
Docket Number | C-153/18,C-152/18 |
Date | 18 June 2019 |
Procedure Type | Recurso de casación |
Court | Court of Justice (European Union) |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. GIOVANNI PITRUZZELLA
présentées le 18 juin 2019 (1)
Affaires jointes C‑152/18 P et C‑153/18 P
Crédit Mutuel Arkéa
contre
Banque centrale européenne (BCE)
« Pourvoi – Politique économique et monétaire – Article 127, paragraphe 6, TFUE – Règlement (UE) nº 1024/2013 – Article 4, paragraphe 1, sous g) – Surveillance prudentielle des établissements de crédit sur une base consolidée – Règlement (UE) nº 468/2014 – Article 2, point 21, sous c) – Règlement (UE) nº 575/2013 – Article 10 – Groupe soumis à une surveillance prudentielle – Établissements affiliés de manière permanente à un organisme central »
1. Les deux présentes affaires jointes ont trait à deux pourvois identiques introduits par le Crédit mutuel Arkéa (ci-après le « CMA »), un établissement de crédit de droit français, visant l’annulation de deux arrêts du Tribunal (2), également quasiment identiques, par lesquels celui‑ci a rejeté les recours introduits par le CMA, tendant à l’annulation de deux décisions de la Banque centrale européenne (BCE) (3), fixant les exigences prudentielles applicables au groupe Crédit mutuel, dont le CMA est un membre.
2. Ces affaires donnent à la Cour l’opportunité, d’une part, d’interpréter pour la première fois la disposition de l’article 127, paragraphe 6, TFUE qui constitue la base juridique permettant de confier à la BCE des missions de contrôle prudentiel dans le secteur bancaire et, d’autre part, de fournir des clarifications sur la portée subjective de la surveillance prudentielle sur base consolidée que la BCE exerce, dans le cadre du mécanisme de surveillance unique (MSU), sur les groupes bancaires.
I. Le cadre juridique.
A. Le droit de l’Union
3. Le règlement (UE) nº 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (4) (ci‑après le « règlement MSU ») a institué, à compter de 2014, un nouveau système de supervision des banques de la zone euro et des autres États membres participants dont la monnaie n’est pas l’euro (5), dans le cadre du MSU. Le MSU est un système de surveillance financière composé de la BCE et des autorités compétentes nationales.
4. Parmi les différentes missions de surveillance confiées à la BCE dans le cadre du MSU, l’article 4, paragraphe 1, sous g), du règlement MSU lui confie celle d’« assurer la surveillance sur base consolidée des sociétés mères des établissements de crédit établies dans l’un des États membres participants, y compris les compagnies financières holdings et les compagnies financières holdings mixtes ».
5. Le règlement MSU est complété et précisé par le règlement (UE) nº 468/2014 de la BCE, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du MSU entre la BCE, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (6) (ci-après le « règlement-cadre MSU »).
6. L’article 2, paragraphe 21, de ce règlement définit la notion de « groupe soumis à la surveillance prudentielle ». Aux termes de cette disposition, de tels groupes constituent:
« [...] selon le cas,
a) un groupe dont l’entreprise mère est un établissement de crédit ou une compagnie financière holding dont le siège se situe dans un État membre participant ;
b) un groupe dont l’entreprise mère est une compagnie financière holding mixte dont le siège se situe dans un État membre participant, sous réserve que le coordinateur du conglomérat financier [...] soit une autorité compétente pour la surveillance prudentielle des établissements de crédit et soit également le coordinateur dans sa fonction d’autorité de surveillance prudentielle des établissements de crédit; ou
c) les entités soumises à la surveillance prudentielle ayant leurs sièges dans un même État membre participant, sous réserve qu’elles soient affiliées de façon permanente à un organisme central qui exerce une surveillance prudentielle à leur égard dans les conditions décrites à l’article 10 du règlement (UE) nº 575/2013[ (7)] et qui est établi dans le même État membre participant. »
7. L’article 10 du règlement nº 575/2013, auquel se réfère l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU, est intitulé « Exemption des établissements de crédit affiliés de manière permanente à un organisme central ». Cet article prévoit, à son paragraphe 1 :
« Les autorités compétentes peuvent, conformément au droit national, exempter entièrement ou partiellement de l’application des exigences prévues aux parties deux à huit un ou plusieurs établissements de crédit situés dans le même État membre et qui sont affiliés de façon permanente à un organisme central qui les surveille et qui est établi dans le même État membre, si les conditions suivantes sont remplies :
a) les engagements de l’organisme central et des établissements qui lui sont affiliés constituent des engagements solidaires ou les engagements des établissements qui lui sont affiliés sont entièrement garantis par l’organisme central ;
b) la solvabilité et la liquidité de l’organisme central et de tous les établissements affiliés sont suivies dans leur ensemble sur la base des comptes consolidés de ces établissements ;
c) la direction de l’organisme central est habilitée à donner des instructions à la direction des établissements affiliés.
[...] »
B. Le droit français
8. Selon l’article L.511–30 du code monétaire et financier français (ci-après le « CMF »), aux fins de l’application des dispositions du CMF relatives aux établissements de crédit et aux sociétés de financement, la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) est considérée comme un organe central.
9. L’article L.511–31 du CMF prévoit, notamment, que les organes centraux représentent les établissements de crédit et les sociétés de financement qui leur sont affiliés, qu’ils sont chargés de veiller à la cohésion de leur réseau ainsi que de s’assurer du bon fonctionnement des établissements et sociétés qui leur sont affiliés et que, à cette fin, ils prennent toutes mesures nécessaires, notamment pour garantir la liquidité et la solvabilité de chacun de ces établissements et sociétés comme de l’ensemble du réseau.
II. Les antécédents du litige
10. Les antécédents du litige sont exposés dans les arrêts attaqués, auxquels je renvoie pour plus de détails (8).
11. Pour les besoins de la présente procédure, je me limite à rappeler que le Crédit mutuel est un groupe bancaire non centralisé, constitué d’un réseau de caisses locales ayant le statut de sociétés coopératives. Chaque caisse locale du Crédit mutuel doit adhérer à une fédération régionale et chaque fédération doit adhérer à la CNCM, organe central du réseau au sens des articles L.511–30 et L.511–31 du CMF.
12. Le CMA est une société anonyme coopérative de crédit à capital variable, agréée en tant qu’établissement de crédit. Il est membre du groupe Crédit mutuel.
13. Par une décision du 1er septembre 2014, la BCE a déterminé que le groupe Crédit mutuel était un groupe important soumis à la surveillance prudentielle. Dans cette décision, la BCE a, notamment, considéré que la CNCM était le niveau de consolidation le plus élevé au sein du MSU et que le CMA était une entité membre du groupe Crédit mutuel.
14. Par un courrier du 19 septembre 2014, le CMA a fait part à la BCE de son analyse de l’impossibilité d’être soumis à la surveillance prudentielle de celle-ci par l’intermédiaire de la CNCM.
15. Après différents échanges avec le CMA et la CNCM, le 17 juin 2015, la BCE a adopté une décision fixant des exigences prudentielles applicables au groupe Crédit mutuel (9). Dans cette décision, la BCE a, notamment, considéré être l’autorité de surveillance prudentielle sur une base consolidée de la CNCM et l’autorité compétente chargée de la surveillance des entités énumérées dans cette décision, y inclue le CMA.
16. Saisie par le CMA, le 14 septembre 2015, la commission administrative de réexamen (10) a rendu un avis concluant à la légalité de la décision de la BCE du 17 juin 2015. En répondant aux arguments soulevés par le CMA, cette commission a, notamment, considéré, premièrement, qu’il n’était pas imposé qu’un « organisme central », au sens de l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement-cadre MSU, et de l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 575/2013, dispose nécessairement de la qualité d’établissement de crédit. Deuxièmement, ladite commission a conclu que le groupe Crédit mutuel répondait aux conditions énoncées à l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 575/2013, auquel l’article 2, paragraphe 21, sous c), du règlement‑cadre MSU renvoie.
17. À la suite de cet avis, le 5 octobre 2015, la BCE a adopté la première décision litigieuse, laquelle a abrogé et remplacé la décision du 17 juin 2015, tout en conservant un contenu identique (11).
18. Par la suite, le 5 décembre 2015, la BCE a adopté la seconde décision litigieuse par laquelle elle a fixé de nouvelles exigences prudentielles applicables au groupe Crédit mutuel, ainsi qu’aux entités qui le composent.
III. La procédure devant le Tribunal et les arrêts attaqués
19. Par deux requêtes déposées au greffe du Tribunal le 3 décembre 2015 et le 3 février 2016, le CMA a introduit deux recours en annulation, ayant en substance un contenu identique, respectivement, contre la première décision litigieuse et contre la seconde décision litigieuse.
20. À l’appui de ses recours devant le Tribunal, le CMA a soulevé, dans chaque recours, trois moyens, dont seuls deux sont concernés par les présents pourvois. Dans ses recours, le CMA contestait, en substance, la légalité des deux décisions litigieuses, en ce qu’elles organisaient une surveillance prudentielle consolidée du groupe Crédit mutuel par l’intermédiaire de la CNCM. Par les premiers moyens de ses deux recours, le CMA faisait valoir que, puisque la CNCM ne dispose pas de la qualité d’établissement de crédit, elle ne pouvait pas être...
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