Opinion of Advocate General Kokott delivered on 30 April 2020.

JurisdictionEuropean Union
Date30 April 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 30 avril 2020 (1)

Affaire C254/19

Friends of Irish Environment Limited

contre

An Bord Pleanála,

en présence de :

Shannon LNG Limited

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court (Haute Cour, Irlande)]

« Demande de décision préjudicielle – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Évaluation appropriée des incidences des plans et projets – Champ d’application – Prorogation de l’autorisation de construction d’un terminal de regazéification de gaz naturel liquéfié – Opération unique »






I. Introduction

1. L’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43/CEE (2) exige que tout plan ou projet susceptible d’affecter une zone de conservation de manière significative soit soumis à une évaluation ex ante de ses incidences eu égard aux objectifs de conservation. Toutefois, la prorogation pour une nouvelle période de cinq ans d’une autorisation de construire limitée à une durée de dix ans constitue-t-elle un plan ou projet au sens de cette disposition ? Ou bien l’autorisation initiale et la prorogation doivent-elles être considérées comme une opération unique, de sorte qu’il n’y a pas lieu de procéder à une évaluation plus poussée ? C’est cette question qui doit être éclaircie dans le cadre de la présente procédure préjudicielle de la High Court (Irlande).

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

2. L’autorisation d’un plan ou projet susceptible d’affecter de manière significative un site protégé par la directive « habitats » ou par la directive 2009/147/CE (3) est régie comme suit à l’article 6, paragraphes 2 et 3, de la directive « habitats » :

« 2. Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

3. Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public ».

B. Le droit irlandais

3. Selon la décision de renvoi, les dispositions suivantes du Planning and Development Act 2000 (nº 30 de 2000) (loi de 2000 sur l’aménagement du territoire et le développement, ci‑après la « PDA 2000 ») sont pertinentes.

4. L’article 40, paragraphe 1, de la PDA prévoit que, après l’expiration de la phase de construction d’une autorisation d’aménagement, cette autorisation cesse de produire ses effets.

« 40.—(1) Sous réserve du paragraphe 2, une autorisation accordée en vertu de la présente partie cesse de produire ses effets à l’expiration du délai approprié (mais sans préjudice de la validité de tout acte effectué en vertu de ce paragraphe avant l’expiration de ce délai) en ce qui concerne—

a) dans le cas où l’aménagement auquel l’autorisation se rapporte n’a pas débuté au cours de ce délai, l’intégralité de l’aménagement, et

b) dans le cas où l’aménagement a débuté au cours de ce délai, la partie de l’aménagement qui n’a pas été achevée au cours de ce délai. »

5. L’article 42 de la PDA 2000 régit la prorogation d’une autorisation d’aménagement. En résumé, il prévoit, en substance, deux hypothèses dans lesquelles une prorogation peut être demandée. Premièrement, il s’agit de l’hypothèse dans laquelle des travaux importants sont réalisés en vertu de l’autorisation d’aménagement au cours de la période dont la prorogation est demandée, dès lors que le projet sera achevé dans un délai raisonnable. Deuxièmement, il s’agit de l’hypothèse dans laquelle des considérations commerciales, économiques ou techniques qui échappent au contrôle d’un demandeur font obstacle de manière substantielle soit au commencement du projet, soit à la réalisation de travaux importants en vertu de l’autorisation d’aménagement.

6. Dans la seconde hypothèse, à savoir celle relative à des considérations commerciales, économiques ou techniques, un certain nombre de garanties sont prévues à l’article 42 afin de veiller à ce que des autorisations d’aménagement caduques ne portent pas atteinte à l’évolution de l’aménagement. Par exemple, une prorogation ne peut pas être accordée si, depuis la date de l’autorisation, les objectifs d’aménagement ont été modifiés de manière significative à un point tel que le projet ne serait plus conforme à l’exigence d’aménagement adéquat et de développement durable de la zone. Il est également nécessaire que le projet ne soit pas incompatible avec les lignes directrices ministérielles.

7. Mais surtout, une autre garantie est prévue afin d’assurer le respect tant de la directive 2011/92/UE (4) que de la directive « habitats ». En particulier, dans la mesure où le projet n’a pas débuté, l’autorité locale d’aménagement doit s’assurer que, si nécessaire, une évaluation des incidences sur l’environnement ou une évaluation appropriée, ou les deux, ont été réalisées avant que l’autorisation d’aménagement ait été accordée [article 42, paragraphe 1, sous a), ii), point (IV), de la PDA 2000].

8. L’article 42 de la PDA 2000 contient une garantie supplémentaire en ce qui concerne la durée pour laquelle une prorogation peut être accordée. Il est explicitement prévu que la période supplémentaire ne peut excéder cinq ans. En outre, une demande de prorogation ne peut être présentée qu’une seule fois.

9. Les articles 146B et 146C de la PDA 2000 prévoient une procédure permettant de modifier un type particulier d’autorisation d’aménagement, dans le cas de projets d’infrastructures stratégiques. Aucune disposition expresse n’est prévue au titre de ces articles pour la réalisation d’évaluations préalables ou d’évaluations des incidences au sens de la directive « habitats ».

10. L’article 50 de la PDA 2000 prévoit que la validité d’une décision d’aménagement ne peut être contestée que dans le cadre d’une demande de contrôle juridictionnel. Une telle demande doit être formée dans un délai de huit semaines. La High Court (Haute Cour) dispose d’un pouvoir d’appréciation pour prolonger le délai dans certaines circonstances déterminées.

11. L’existence de ce délai est interprétée par les juridictions nationales comme s’opposant à ce qu’un requérant présente, dans le cadre d’une procédure de contrôle juridictionnel dirigée contre une décision d’aménagement ultérieure, des moyens visant, en substance, une décision d’aménagement antérieure au titre de laquelle le délai a expiré depuis longtemps. C’est au regard de la motivation de la demande que le Tribunal constate si tel est le cas, et non sur la base des conclusions formelles de la requête.

III. Les faits et la demande de décision préjudicielle

12. La demande de décision préjudicielle fait ressortir les faits exposés ci‑après.

13. Le 31 mars 2008, An Bord Pleanála, l’autorité irlandaise d’aménagement, a autorisé un terminal gazier, plus précisément un terminal de regazéification de gaz naturel liquéfié.

14. Le projet envisagé doit se situer en limite de deux sites qui sont à présent des sites Natura 2000, à savoir la zone spéciale de conservation du « Lower River Shannon » (cours inférieur de la rivière Shannon, code du site IE0002165) au titre de la directive « habitats » et la zone de protection spéciale « River Shannon and River Fergus Estuaries » (estuaires de la rivière Shannon et de la rivière Fergus, code du site IE0004077) au titre de la directive « oiseaux ».

15. Cette autorisation a été délivrée en vertu d’une réglementation nationale qui n’a pas transposé correctement la directive « habitats ». Ainsi, la décision formelle d’octroi de l’autorisation d’aménagement ne fait référence ni à la directive « habitats » ni aux deux sites de protection européens. Partant, en vertu de la demande de décision préjudicielle, la décision ne saurait être considérée comme contenant des « constatations et de[s] conclusions complètes, précises et définitives, de nature à dissiper tout doute scientifique raisonnable quant aux effets des travaux qui étaient envisagés […] » (5).

16. Cette autorisation prévoyait un délai de dix ans pour réaliser et achever les travaux envisagés sur le projet (ci‑après la « phase de construction »). Aucun délai n’existait pour l’exploitation ultérieure du terminal gazier (ci‑après la « phase opérationnelle »).

17. En l’espèce, les travaux sur le projet n’ont jamais débuté au cours de ce délai de dix ans. Le maître d’ouvrage attribue les retards notamment à des changements dans le cadre de la réglementation irlandaise en matière d’accès au réseau national de transport de gaz et, plus généralement, à la situation économique depuis 2008.

18. En septembre 2017, le maître d’ouvrage a présenté une demande de modification des conditions du projet aux fins de proroger la phase de construction de cinq années supplémentaires. L’autorité d’aménagement a adopté une décision accueillant cette demande, de sorte que la phase de construction expirera désormais le 31 mars 2023.

19. Friends of the Irish Environment a contesté la prorogation de la phase de construction dans le cadre d’une procédure de contrôle juridictionnel devant la High Court (Haute Cour).

20. La High Court (Haute Cour) a donc saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes

« 1) Une...

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