Opinion of Advocate General Hogan delivered on 30 April 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:342
Date30 April 2020
Celex Number62019CC0255
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 30 avril 2020(1)

Affaire C255/19

Secretary of State for the Home Department

contre

OA

partie intervenante :

Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR)

[demande de décision préjudicielle formée par l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile), Royaume-Uni)]]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2004/83/CE – Normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale – Réfugié – Article 2, sous c) – Acteurs de la protection – Article 7 – Cessation du statut de réfugié – Article 11 – Changement de circonstances – Article 11, paragraphe 1, sous e) – Possibilité de se réclamer de la protection du pays de sa nationalité – Critères d’appréciation »






I. Introduction

1. Le droit moderne des réfugiés trouve essentiellement son origine dans la convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951 (2). L’article 1er, section A, paragraphe 2, de cette convention prévoit que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle [...], ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

2. Eu égard aux questions précises que la juridiction de renvoi pose dans la présente demande de décision préjudicielle, il est peut-être frappant que « les critères pour l’octroi du statut de réfugié prévus à l’article 1er, section A, paragraphe 2, de la convention [de Genève] s’inscrivent clairement dans un cadre se référant à l’État et à la nationalité » (3). Pourtant cette définition n’est guère étonnante, car la protection internationale (4) est un aspect des obligations des États en droit international et, en 1951, seuls les États-nations étaient considérés comme les acteurs étatiques pertinents en droit international.

3. Toutefois, à certains égards, une évolution s’est faite dans la pensée moderne sur l’étendue de la protection de l’État en ce qui concerne les réfugiés, notamment dans le cadre du droit de l’Union. C’est ce qui ressort de l’article 7 de la directive qualification (5).

4. À son article 7, la directive qualification prévoit que la protection peut être accordée soit par l’État [article 7, paragraphe 1, sous a)], soit par « des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci » [article 7, paragraphe 1, sous b)].

5. La présente demande de décision préjudicielle a trait, entre autres, à l’interprétation adéquate qu’il convient de donner à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive qualification et, en particulier, à la question de savoir si l’existence d’acteurs privés tels qu’un réseau de clans et de familles fournissant une protection pourrait suffire pour remplir les exigences de cette disposition. Elle offre donc à la Cour l’occasion de se prononcer sur un aspect important de la directive qualification, que la Cour n’a eu la possibilité d’examiner que dans une seule affaire jusqu’à présent, et ce d’ailleurs de façon uniquement incidente (6).

6. Cette demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’une procédure devant l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile), Royaume-Uni], opposant OA au Secretary of State for the Home Department (ministre de l’Intérieur, ci-après le « SSHD ») concernant la cessation de son statut de réfugié.

7. La procédure devant la juridiction de renvoi a trait, en substance, à la cessation du statut de réfugié, en particulier la portée des termes « protection du pays dont il a la nationalité » au sens notamment de l’article 2, sous c), et de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive qualification, à la détermination des acteurs de la protection aux fins de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive et au niveau de protection à accorder conformément à l’article 7, paragraphe 2, de ladite directive.

8. La juridiction de renvoi a également fait référence à la pertinence éventuelle, en l’espèce, de la disponibilité d’un soutien financier pour une personne qui pourrait être renvoyée dans son pays d’origine. Il faut donc examiner cette question dans le cadre de la cessation du statut de réfugié.

9. Au préalable, il convient cependant, d’abord, de décrire la procédure devant la Cour et, ensuite, d’exposer les dispositions juridiques pertinentes.

II. La procédure devant la Cour

10. Des observations écrites sur les questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi ont été déposées par le gouvernement du Royaume-Uni, par les gouvernements français et hongrois, ainsi que par la Commission européenne.

11. Le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne le 31 janvier 2020, à minuit (HNEC). Conformément à l’article 86, paragraphe 2, de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (ci-après l’« accord sur le retrait ») (7), la Cour demeure compétente pour statuer à titre préjudiciel sur les demandes des juridictions du Royaume-Uni présentées avant que la période de transition définie à l’article126 de cet accord prenne fin, à savoir, en principe, le 31 décembre 2020.

12. En outre, en application de l’article 89 de l’accord de retrait, l’arrêt de la Cour qui sera prononcé à une date ultérieure a force obligatoire dans tous ses éléments pour le Royaume-Uni et au Royaume-Uni.

13. La présente demande de décision préjudicielle a été déposée au greffe de la Cour le 26 mars 2019. La Cour demeure donc compétente pour statuer sur cette demande et l’Upper Tribunal (tribunal supérieur) est lié par l’arrêt que la Cour rendra dans la présente procédure.

14. Une audience s’est tenue devant la Cour le 27 février 2020 et le gouvernement du Royaume-Uni, le gouvernement français et la Commission y ont assisté.

III. Le cadre juridique

A. Le droit international

15. L’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève prévoit :

« Cette Convention cessera, dans les cas ci-après, d’être applicable à toute personne visée par les dispositions de la section A ci-dessus :

[...]

5) Si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d’exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité ; Étant entendu, toutefois, que les dispositions du présent paragraphe ne s’appliqueront pas à tout réfugié visé au paragraphe 1 de la section A du présent article qui peut invoquer, pour refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures. »

B. Le droit de l’Union

16. L’article 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») dispose :

« Le droit d’asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne [...]. »

17. L’article 78 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose :

« 1. L’Union développe une politique commune en matière d’asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire visant à offrir un statut approprié à tout ressortissant d’un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non-refoulement. Cette politique doit être conforme à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et au protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés, ainsi qu’aux autres traités pertinents.

[...] »

La directive qualification

18. Le considérant 19 de la directive qualification précise ce qui suit :

« La protection peut être accordée non seulement par l’État, mais également par des partis ou des organisations·, y compris des organisations internationales, satisfaisant aux conditions visées par la présente directive, qui contrôlent une région ou une superficie importante du territoire de l’État. »

19. L’article 1er de la directive qualification dispose :

« La présente directive a pour objet d’établir des normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de la protection accordée. »

20. L’article 2 de la directive qualification, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

c) “réfugié”, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12 ;

d) “statut de réfugié”, la reconnaissance, par un État membre...

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