Conclusions de l'avocat général M. P. Pikamäe, présentées le 3 février 2022.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2022:74
Date03 February 2022
Celex Number62021CC0121
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 3 février 2022 (1)

Affaire C121/21

République tchèque

contre

République de Pologne

« Manquement d’État – Article 259 TFUE – Prolongation d’une autorisation d’exploitation de la mine de Turów en Pologne proche de la frontière tchèque – Différend entre la République tchèque et la République de Pologne quant aux incidences sur l’environnement en République tchèque – Directive 2011/92/UE – Évaluation des incidences de certains projets sur l’environnement (EIE) – Contrariété au droit de l’Union de la législation nationale, de la décision EIE et de l’autorisation d’exploitation »






I. Introduction

1. Par sa requête déposée en vertu de l’article 259 TFUE, la République tchèque, soutenue par la Commission européenne, demande à la Cour de constater que la République de Pologne a enfreint plusieurs règles de l’Union en matière de protection de l’environnement en adoptant des mesures dans le cadre de la procédure administrative visant à prolonger la concession minière relative à la mine de lignite de Turów (Pologne) jusqu’en 2026.

2. Le litige en l’espèce a pour objet les incidences transfrontalières qui résultent des activités minières de l’opérateur polonais de la mine susmentionnée et constitue un sujet controversé entre les deux États membres. D’une part, la République tchèque affirme que ses citoyens situés près de la frontière subissent indûment les conséquences environnementales des activités minières, à savoir une baisse importante du niveau des eaux souterraines ainsi que des affaissements de terrain. D’autre part, la République de Pologne soutient que la fermeture de la mine entraînerait de lourdes pertes économiques, tant en termes d’approvisionnement énergétique que d’emplois.

3. Dans la mesure où il s’agit du premier différend interétatique relevant exclusivement du domaine du droit de l’environnement de l’Union à être porté devant la Cour, l’arrêt que celle-ci rendra dans la présente affaire est susceptible d’apporter une contribution importante à la jurisprudence des juridictions internationales (2). Dans ce contexte, il est à espérer que les constatations que fera la Cour dans cet arrêt constitueront une base sur laquelle les deux États membres pourront trouver un accord à l’amiable leur permettant de concilier leurs intérêts respectifs dans un esprit de bon voisinage, tout en assurant le plein respect du droit de l’Union.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive 2000/60/CE

4. L’article 4, paragraphes 1, 4 et 5, de la directive 2000/60/CE (3) dispose :

« 1. En rendant opérationnels les programmes de mesures prévus dans le plan de gestion du district hydrographique :

a) pour ce qui concerne les eaux de surface

[...]

ii) les États membres protègent, améliorent et restaurent toutes les masses d’eau de surface, sous réserve de l’application du point iii) en ce qui concerne les masses d’eau artificielles et fortement modifiées afin de parvenir à un bon état des eaux de surface au plus tard quinze ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive, conformément aux dispositions de l’annexe V, sous réserve de l’application des reports déterminés conformément au paragraphe 4 et de l’application des paragraphes 5, 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8 ;

[...]

b) pour ce qui concerne les eaux souterraines

[...]

ii) les États membres protègent, améliorent et restaurent toutes les masses d’eau souterraines, assurent un équilibre entre les captages et le renouvellement des eaux souterraines afin d’obtenir un bon état des masses d’eau souterraines, conformément aux dispositions de l’annexe V, au plus tard quinze ans après la date d’entrée en vigueur de la présente directive, sous réserve de l’application des reports déterminés conformément au paragraphe 4 et de l’application des paragraphes 5, 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8 et sous réserve de l’application de l’article 11, paragraphe 3, point j) ;

[...]

4. Les échéances indiquées au paragraphe 1 peuvent être reportées aux fins d’une réalisation progressive des objectifs pour les masses d’eau, à condition que l’état de la masse d’eau concernée ne se détériore pas davantage, lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :

a) les États membres déterminent que toutes les améliorations nécessaires de l’état des masses d’eau ne peuvent raisonnablement être réalisées dans les délais indiqués dans ce paragraphe pour au moins une des raisons suivantes :

i) les améliorations nécessaires ne peuvent, pour des raisons de faisabilité technique, être réalisées qu’en plusieurs étapes excédant les délais indiqués ;

ii) l’achèvement des améliorations nécessaires dans les délais indiqués serait exagérément coûteux ;

iii) les conditions naturelles ne permettent pas de réaliser les améliorations de l’état des masses d’eau dans les délais prévus ;

b) le report de l’échéance et les motifs de ce report sont explicitement indiqués et expliqués dans le plan de gestion de district hydrographique requis aux termes de l’article 13 ;

c) les reports sont limités à un maximum de deux nouvelles mises à jour du plan de gestion de district hydrographique, sauf dans les cas où les conditions naturelles sont telles que les objectifs ne peuvent être réalisés dans ce délai ;

d) un résumé des mesures requises en vertu de l’article 11 qui sont jugées nécessaires pour amener progressivement les masses d’eau à leur état requis dans le délai reporté, les motifs de tout retard important dans la mise en œuvre de ces mesures et le calendrier prévu pour leur mise en œuvre sont indiqués dans le plan de gestion de district hydrographique. Un état de la mise en œuvre de ces mesures et un résumé de toute mesure additionnelle sont inclus dans les mises à jour du plan de gestion de district hydrographique.

5. Les États membres peuvent viser à réaliser des objectifs environnementaux moins stricts que ceux fixés au paragraphe 1, pour certaines masses d’eau spécifiques, lorsque celles-ci sont tellement touchées par l’activité humaine, déterminée conformément à l’article 5, paragraphe 1, ou que leur condition naturelle est telle que la réalisation de ces objectifs serait impossible ou d’un coût disproportionné, et que toutes les conditions suivantes sont réunies :

a) les besoins environnementaux et sociaux auxquels répond cette activité humaine ne peuvent être assurés par d’autres moyens constituant une option environnementale meilleure et dont le coût n’est pas disproportionné ;

b) les États membres veillent à ce que :

– les eaux de surface présentent un état écologique et chimique optimal compte tenu des incidences qui n’auraient raisonnablement pas pu être évitées à cause de la nature des activités humaines ou de la pollution,

– les eaux souterraines présentent des modifications minimales par rapport à un bon état de ces eaux compte tenu des incidences qui n’auraient raisonnablement pas pu être évitées à cause de la nature des activités humaines ou de la pollution ;

c) aucune autre détérioration de l’état des masses d’eau concernées ne se produit ;

d) les objectifs environnementaux moins stricts sont explicitement indiqués et motivés dans le plan de gestion de district hydrographique requis aux termes de l’article 13 et ces objectifs sont revus tous les six ans. »

2. La directive 2003/4/CE

5. Aux termes de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/4/CE (4) :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités publiques organisent les informations environnementales en rapport avec leurs fonctions et qu’elles détiennent ou qui sont détenues pour leur compte, en vue de permettre leur diffusion active et systématique auprès du public, au moyen, notamment, des technologies de télécommunication informatique et/ou des technologies électroniques, lorsqu’elles sont disponibles.

[...]

2. Les informations qui doivent être mises à disposition et diffusées sont mises à jour le cas échéant et comprennent au moins :

[...]

f) les autorisations qui ont un impact significatif sur l’environnement, ainsi que les accords environnementaux, ou une indication de l’endroit où les informations peuvent être demandées ou trouvées dans le cadre de l’article 3 ;

[...] »

3. La directive EIE

6. L’article 1er de la directive 2011/92/UE (5) prévoit :

« 1. La présente directive concerne l’évaluation des incidences sur l’environnement des projets publics et privés susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

2. Aux fins de la présente directive, on entend par :

a) “projet” :

– la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages,

– d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol ;

[...]

c) “autorisation” : la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit du maître d’ouvrage de réaliser le projet ;

[...] »

7. L’article 2, paragraphes 1 et 2, de cette directive dispose :

« 1. Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences sur l’environnement. Ces projets sont définis à l’article 4.

2. L’évaluation des incidences sur l’environnement peut être intégrée dans les procédures existantes d’autorisation des projets dans les États membres ou, à défaut, dans d’autres procédures ou dans celles à établir pour répondre aux objectifs de la présente directive. »

8. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de ladite directive, l’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les incidences notables et...

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