Dyrektor Izby Administracji Skarbowej w Warszawie v W. Sp. z o.o.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:430
Date25 May 2023
Docket NumberC-114/22
Celex Number62022CJ0114
CourtCourt of Justice (European Union)
62022CJ0114

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

25 mai 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Droit à déduction de la TVA – Refus – Refus fondé sur la nullité de l’opération en vertu du droit civil national »

Dans l’affaire C‑114/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), par décision du 23 novembre 2021, parvenue à la Cour le 18 février 2022, dans la procédure

Dyrektor Izby Administracji Skarbowej w Warszawie

contre

W. sp. z o.o.,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias, président de chambre, MM. I. Jarukaitis (rapporteur) et Z. Csehi, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le Dyrektor Izby Administracji Skarbowej w Warszawie, par M. B. Kołodziej, Mme D. Pach et M. T. Wojciechowski,

pour W. sp. z o.o., par M. M. Kwietko-Bębnowski, doradca podatkowy,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme A. Armenia et M. I. Barcew, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 167, de l’article 168, sous a), de l’article 178, sous a), et de l’article 273 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), telle que modifiée par la directive 2010/45/UE du Conseil, du 13 juillet 2010 (JO 2010, L 189, p. 1) (ci-après la « directive 2006/112 »), lus à la lumière des principes de neutralité fiscale et de proportionnalité.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Dyrektor Izby Administracji Skarbowej w Warszawie (directeur de l’administration fiscale de Varsovie, Pologne, ci-après le « directeur de l’administration fiscale ») à W. sp. z o.o. au sujet du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mentionnée sur une facture adressée à W. et datée du 27 octobre 2015.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes de l’article 63 de la directive 2006/112 :

« [...] la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée. »

4

L’article 167 de la même directive prévoit :

« Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. »

5

L’article 168 de ladite directive dispose :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)

la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

[...] »

6

Aux termes de l’article 178 de la directive 2006/112 :

« Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes :

a)

pour la déduction visée à l’article 168, point a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les prestations de services, détenir une facture établie conformément aux dispositions du titre XI, chapitre 3, sections 3 à 6 ;

[...] »

7

L’article 273 de cette directive prévoit :

« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3. »

Le droit polonais

8

L’article 88, paragraphe 3a, point 4, sous c), de l’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et services), du 11 mars 2004 (Dz. U. 2011, no 177, position 1054), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur la TVA »), dispose :

« 3a. Les factures et documents douaniers ne peuvent servir de justificatifs à la déduction de la taxe en amont, au remboursement d’un crédit de taxe ou au remboursement de la taxe acquittée en amont lorsque :

[...]

4.

les factures, les factures rectificatives ou les documents douaniers émis :

[...]

c)

constatent des opérations auxquelles s’appliquent les dispositions des articles 58 et 83 du code civil – pour la partie relative à ces opérations. »

9

L’article 58 de l’ustawa – Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964, texte consolidé (Dz. U. 2020, position 1740) (ci-après le « code civil »), prévoit :

« 1. Un acte juridique contraire à la loi ou visant à contourner la loi est nul et non avenu, à moins qu’une disposition pertinente n’en dispose autrement [...]

2. Un acte juridique contraire aux règles de la vie en société est nul.

3. Si une partie seulement de l’acte juridique est frappée de nullité, les autres parties de l’acte restent en vigueur, à moins qu’il ne ressorte des circonstances que l’acte n’aurait pas été exécuté en l’absence des dispositions frappées de nullité. »

10

Aux termes de l’article 83 du code civil :

« 1. La manifestation de volonté fictive à l’égard de l’autre partie avec son accord est nulle. Lorsqu’elle est exprimée afin de dissimuler un autre acte juridique, la validité de cette manifestation de volonté est appréciée en fonction des caractéristiques de cet acte.

2. Le caractère fictif de la manifestation de volonté n’affecte pas les effets de l’acte juridique réalisé, à titre onéreux, sur le fondement d’une déclaration fictive, lorsque, en raison de cet acte, un tiers acquiert un droit ou est libéré d’une obligation, sauf si le tiers a agi de mauvaise foi. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

11

Le 27 octobre 2015, M. sp. z o.o. S.K.A. a établi une facture portant sur une cession de marques au profit de W. soumise à la TVA, laquelle a été déclarée et acquittée par W.

12

Par une décision du 20 octobre 2017, l’administration fiscale a remis en cause le droit à déduction de la TVA dont avait bénéficié W., relatif à cette facture, sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3a, point 4, sous c), de la loi sur la TVA, au motif que la cession de marques en cause était nulle en vertu de l’article 58, paragraphe 2, du code civil, comme étant contraire aux règles de vie en société, au sens de cette disposition.

13

Cette décision a été confirmée par une décision du 11 octobre 2018 du directeur de l’administration fiscale, qui a, toutefois, considéré que la cession de marques en cause était un acte fictif, au sens de l’article 83 du code civil.

14

W. a formé un recours contre cette dernière décision devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de voïvodie de Varsovie, Pologne), qui a annulé ladite décision par un arrêt du 29 mai 2019, au motif que l’administration fiscale n’avait pas apporté la preuve du caractère fictif de l’opération en cause.

15

Le directeur de l’administration fiscale a formé un pourvoi contre cet arrêt devant le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), la juridiction de renvoi.

16

Cette juridiction éprouve des doutes sur la conformité de l’article 88, paragraphe 3a, point 4, sous c), de la loi sur la TVA avec la directive 2006/112.

17

Elle relève qu’il ne ressort pas de cette directive qu’un assujetti puisse perdre son droit à déduction de la TVA qui lui a été facturée au motif que l’opération en cause n’est pas conforme au droit civil national, le droit à déduction faisant partie intégrante, selon la jurisprudence de la Cour, du système de la TVA et ne pouvant en principe pas être limité. Elle considère que l’autonomie de la TVA par rapport aux règles du droit civil national et la neutralité de la TVA plaident en ce sens que l’invalidité d’une opération juridique au regard de ce droit ne devrait pas automatiquement entraîner l’exclusion du droit à déduction.

18

Elle relève, à cet égard, qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que les dérogations au droit à déduction de la TVA ne sont admises que dans les cas expressément prévus par les dispositions de la directive 2006/112, qu’elles sont d’interprétation stricte et que ce droit doit être refusé lorsqu’il est établi, au vu d’éléments objectifs, qu’il est invoqué frauduleusement ou abusivement.

19

Elle ajoute que, si, conformément à l’article 273 de la directive 2006/112, les États membres ont la faculté d’adopter des mesures afin d’assurer l’exacte perception de la TVA et d’éviter la fraude, ils sont toutefois tenus d’exercer leur compétence dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux, dont le principe de neutralité, et dans le respect du principe de proportionnalité.

20

Dans ces conditions, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) a décidé de surseoir à...

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