EA v Artemis security SAS.

JurisdictionEuropean Union
Date20 June 2024
CourtCourt of Justice (European Union)
62023CJ0367

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

20 juin 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs – Aménagement du temps de travail – Directive 2003/88/CE – Article 9, paragraphe 1, sous a) – Obligation d’évaluation de la santé des travailleurs de nuit – Violation de cette obligation par l’employeur – Droit à réparation – Nécessité d’établir l’existence d’un préjudice spécifique »

Dans l’affaire C‑367/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 7 juin 2023, parvenue à la Cour le 9 juin 2023, dans la procédure

EA

contre

Artemis security SAS,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de chambre, MM. F. Biltgen, N. Wahl, J. Passer et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour EA, par Mes L. Boré et G. Mégret, avocats,

pour Artemis security SAS, par Me J.-J. Gatineau, avocat,

pour le gouvernement français, par MM. M. de Lisi, B. Fodda et M. Raux, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme M. F. Severi, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par Mmes F. Clotuche-Duvieusart et D. Recchia, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant EA à Artemis security SAS (ci-après « Artemis ») au sujet d’une demande de EA visant à obtenir une indemnisation en raison de la violation, par Artemis, d’obligations incombant à l’employeur en matière d’évaluation de la santé des travailleurs de nuit.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes des considérants 5 et 7 à 10 de la directive 2003/88 :

« (5)

Tous les travailleurs doivent disposer de périodes de repos suffisantes. [...] Les travailleurs de la Communauté doivent bénéficier de périodes minimales de repos – journalier, hebdomadaire et annuel – et de périodes de pause adéquates. Il convient, dans ce contexte, de prévoir également un plafond pour la durée de la semaine de travail.

[...]

(7)

Des études ont démontré que l’organisme humain est plus sensible pendant la nuit aux perturbations environnementales et à certaines formes pénibles d’organisation du travail et que de longues périodes de travail de nuit sont préjudiciables à la santé des travailleurs et peuvent compromettre leur sécurité au travail.

(8)

Il y a lieu de limiter la durée du travail de nuit, y compris les heures supplémentaires, et de prévoir que, en cas de recours régulier à des travailleurs de nuit, l’employeur informe de ce fait les autorités compétentes, sur leur demande.

(9)

Il est important que les travailleurs de nuit bénéficient d’une évaluation gratuite de leur santé préalablement à leur affectation et à intervalles réguliers par la suite et que, s’ils souffrent de problèmes de santé, ils soient transférés dans la mesure du possible au travail de jour pour lequel ils sont aptes.

(10)

La situation des travailleurs de nuit et des travailleurs postés exige que le niveau de leur protection en matière de sécurité et de santé soit adapté à la nature de leur travail et que les services et moyens de protection et de prévention soient organisés et fonctionnent d’une façon efficace. »

4

L’article 6 de cette directive, intitulé « Durée maximale hebdomadaire de travail », dispose :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs :

[...]

b)

la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n’excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. »

5

L’article 8 de ladite directive, intitulé « Durée du travail de nuit », énonce :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que :

a)

le temps de travail normal des travailleurs de nuit ne dépasse pas huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures ;

b)

les travailleurs de nuit dont le travail comporte des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes ne travaillent pas plus de huit heures au cours d’une période de vingt‑quatre heures durant laquelle ils effectuent un travail de nuit.

Aux fins du point b), le travail comportant des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes est défini par les législations et/ou pratiques nationales ou par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux, compte tenu des effets et des risques inhérents au travail de nuit. »

6

L’article 9 de la même directive, intitulé « Évaluation de la santé et transfert au travail de jour des travailleurs de nuit », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que :

a)

les travailleurs de nuit bénéficient d’une évaluation gratuite de leur santé, préalablement à leur affectation et à intervalles réguliers par la suite ;

b)

les travailleurs de nuit souffrant de problèmes de santé reconnus, liés au fait que ces travailleurs accomplissent un travail de nuit, soient transférés, chaque fois que cela est possible, à un travail de jour pour lequel ils sont aptes. »

Le droit français

7

L’article L. 3122-11 du code du travail dispose :

« Tout travailleur de nuit bénéficie d’un suivi individuel régulier de son état de santé dans les conditions fixées à l’article L. 4624-1. »

8

L’article L. 4624-1 de ce code prévoit :

« Tout travailleur bénéficie, au titre de la surveillance de l’état de santé des travailleurs [...] d’un suivi individuel de son état de santé assuré par le médecin du travail et, sous l’autorité de celui-ci, par le collaborateur médecin [...], l’interne en médecine du travail et l’infirmier.

[...]

Tout travailleur de nuit bénéficie d’un suivi individuel régulier de son état de santé. La périodicité de ce suivi est fixée par le médecin du travail en fonction des particularités du poste occupé et des caractéristiques du travailleur, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État. »

9

L’article R. 3122-11 dudit code dispose :

« Le suivi de l’état de santé des travailleurs de nuit a notamment pour objet de permettre au médecin du travail d’apprécier les conséquences éventuelles du travail de nuit pour leur santé et leur sécurité, notamment du fait des modifications des rythmes chronobiologiques, et d’en appréhender les répercussions potentielles sur leur vie sociale. »

10

Aux termes de l’article R. 4624-11 du code du travail :

« La visite d’information et de prévention dont bénéficie le travailleur est individuelle. Elle a notamment pour objet :

1° d’interroger le salarié sur son état de santé ;

2° de l’informer sur les risques éventuels auxquels l’expose son poste de travail ;

3° de le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre ;

4° d’identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail ;

5° de l’informer sur les modalités de suivi de son état de santé par le service et sur la possibilité dont il dispose, à tout moment, de bénéficier d’une visite à sa demande avec le médecin du travail. »

11

L’article R. 4624-18 de ce code énonce :

« Tout travailleur de nuit [...] bénéficie d’une visite d’information et de prévention réalisée par un professionnel de santé mentionné au premier alinéa de l’article L. 4624-1 préalablement à son affectation sur le poste. »

12

L’article R. 3124-15 dudit code prévoit :

« Le fait de méconnaître les dispositions relatives au travail de nuit prévues par les articles L. 3122-1 à L. 3122-24 [...] ainsi que celles des décrets pris pour leur application est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, prononcée autant de fois qu’il y a de salariés concernés par l’infraction.

La récidive est réprimée conformément aux articles 132-11 et 132-15 du code pénal. »

13

L’article R. 4745-3 du même code dispose :

« Le fait de méconnaître les dispositions relatives à l’action du médecin du travail, prévues à l’article L. 4624-1 et celles des décrets pris pour leur application, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14

Le 1er avril 2017, EA a été engagé par Artemis en qualité d’agent de service de sécurité incendie et d’assistance à personnes.

15

Par requête du 25 avril 2019, EA a saisi le conseil de prud’hommes de Compiègne (France) aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation d’Artemis à lui verser des dommages et intérêts. Au soutien de ces demandes, EA s’est prévalu, d’une part, de la circonstance que son contrat de travail aurait été unilatéralement modifié par Artemis du fait de sa mutation d’un poste de...

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