Le financement comme élément du régime juridique des services publics

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Si le régime financier n'a pas occupé une très grande place dans l'élaboration de la théorie classique du service public, c'est peut-être que cette dernière était « tout entière vouée à la définition du droit administratif et au balisage des frontières entre les deux ordres de juridiction » 1098. Pour autant, la question financière était sous-jacente aux débats sur l'admission d'un principe de gratuité des services publics, tandis que le critère du prix du service public fût décisif dans l'affirmation de la catégorie des services publics industriels et commerciaux 1099.

Le service public de la sphère économique ou « le service public marchand » - qui nous intéresse ici - est d'abord financé par l'usager. Pour le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel français, les sommes d'argent demandées aux usagers le sont « en vue de couvrir les charges du service public et-26; trouvent leur contrepartie directe dans des prestations fournies par le service » 1100. Ce principe étant acquis, les services publics ne peuvent toutefois donner lieu qu'à une rémunération proportionnée à la prestation qu'ils fournissent. Le montant de la redevance perçue doit correspondre strictement au surcoût supporté par l'opérateur du service public. Ce qui explique, selon Yves Gaudemet, que « l'avantage qu'en retire l'usager pour sa propre exploitation n'entre pas en ligne de compte » 1101). Le Page 558 juge administratif n'hésite d'ailleurs pas à vérifier la proportionnalité de ces redevances avec le « coût réel de fourniture » 1102) et le juge judiciaire à permettre la contestation du tarif d'utilisation 1103).

S'agissant des autres droits nationaux, une thèse consacrée au financement des entreprises publiques en Europe, a démontré que dans la plupart des États membres de la Communauté cette « tarification du service public » résultait en général d'un « arbitrage » entre l'autorité publique et l'entreprise en charge du service public 1104).

Pour autant, la couverture des charges du service public n'est pas toujours assurée, pour diverses raisons, le plus souvent sociales 1105). Un financement complémentaire est en conséquence requis pour compenser le surcoût de la charge de service public qui pèse sur l'opérateur économique chargé de le gérer.

L'examen des situations nationales fait apparaître cependant une grande diversité tant dans le principe même du financement complémentaire, principe qui renvoie à la politique économique mise en oeuvre par ailleurs (interventionnisme ou libéralisme ?) que dans ses modalités (ponction du contribuable et/ou de l'usager à nouveau ?). Face à cette diversité, deux éléments participent à l'unification du régime de financement : d'une part, les contraintes économiques, qui font que progressivement les entreprises de service public, qu'elles soient publiques ou privées, doivent répondre de manière identique à l'objectif de l'équilibre financier d'exploitation, tant sur le plan national 1106) que Page 559 local 1107) ; d'autre part, et surtout, le droit communautaire lui-même, qui s'érige progressivement en « contrôleur » du mode de financement, dans la mesure où ce dernier apparaît à la fois comme un gage de pérennité du service public qu'il entend préserver et un élément susceptible d'influencer le jeu de la concurrence qu'il entend rendre libre.

La marge d'appréciation des États membres s'en trouve en conséquence singulièrement réduite, même si a priori, souligne la Commission, les États sont libres, d'une part, de définir les missions d'intérêt général en veillant « le cas échéant, à leur financement, conformément à l'article [86] du traité » 1108)...

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