Iannelli & Volpi SpA v Ditta Paolo Meroni.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 61976CC0074 |
ECLI | ECLI:EU:C:1977:23 |
Date | 10 February 1977 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Docket Number | 78/76 |
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JEAN-PIERRE WARNER,
PRÉSENTÉES LE 10 FÉVRIER 1977 ( 1 )
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
Parmi ces deux affaires, l'une, l'affaire 74-76, que nous appellerons pour plus de commodité «l'affaire italienne», a été déférée à la Cour par une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 177 du traité CEE émanant de la Pretura de Milan, tandis que l'autre, l'affaire 78-76, que nous appellerons «l'affaire allemande», a été portée devant la Cour par une demande de pareille décision présentée par le Verwaltungsgericht de Francfort-sur-le-Main.
Pour les situer très succinctement, nous dirons que ces affaires portent toutes deux sur des charges que le droit national impose à des produits importés et qui sont payables à des organismes dont les ressources servent à promouvoir certains secteurs de l'économie de l'État membre concerné. Chacune d'elles soulève des questions relatives à l'interprétation et à la corrélation qui existe entre les dispositions du traité CEE sur les aides accordées par les États membres (articles 92 et 93), sur les impositions intérieures (article 95), dans l'affaire italienne, en outre, sur les mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation (article 30) et, dans l'affaire allemande, sur les taxes d'effet équivalant à des droits de douane (articles 9, paragraphe 1, 12 et 13, paragraphe 2). L'affaire allemande soulève enfin une question d'interprétation de l'article 177 lui-même.
Il nous semble opportun d'examiner d'abord l'affaire allemande.
La législation qui est ici en cause est la loi allemande appelée Absatzfondsgesetz du 26 juin 1969 (BGBl. I, p. 635) telle qu'elle a été modifiée le 5 août 1970 (BGBl. I, p. 1177), ainsi qu'un règlement qui a été arrêté en application de cette loi le 29 avril 1970 (BGBl. I, p. 443). Cette législation a institué un Fonds central dénommé Absatzförderungsfonds, qui a pour tâche de promouvoir l'agriculture allemande, l'industrie alimentaire allemande et la sylviculture allemande. En vertu de l'article 10 de l'Absatzfondsgesetz, les ressources du Fonds se composent en partie de revenus d'intérêts provenant de capitaux gérés par la Landwirtschaftliche Rentenbank, en partie de subventions du Gouvernement fédéral (dont on a dit qu'elles diminuaient) et en partie de contributions dues par les opérateurs du secteur de l'agriculture, de l'industrie alimentaire et de la sylviculture. Il apparaît que ces constibutions sont perçues à la fois sur les produits nationaux allemands et sur les produits importés mais, dans le cas de ces derniers, uniquement lorsqu'ils sont transformés. Il apparaît aussi que les moyens financiers ainsi obtenus ne sont pas dépensés par le Fonds lui-même, mais mis à la disposition d'un organisme qui a été créé en vertu de l'article 2, paragraphe 2, de l'Absatzfondsgesetz et qui s'appelle la Centrale Marketing-Gesellschaft der deutschen Agrarwirtschaft mbH (ou CMA), laquelle utilise ces fonds pour effectuer des études de marché et faire de la publicité tant en Allemagne qu'à l'étranger. Les produits qui profitent de ces activités comprennent ceux de l'industrie alimentaire allemande, qu'ils soient fabriqués à partir de matières premières produites sur le territoire national ou de matières premières importées.
Conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité, le gouvernement fédéral a, le 11 mars 1969, c'est-à-dire à une époque où l'Absatzfondsgesetz était encore à l'état de projet, informé la Commission de son intention d'introduire cette loi. La Commission n'a pas formulé d'objections à l'égard de la législation projetée en ce qu'elle ne serait «pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 92». Ainsi donc, au regard des articles 92 et 93, cette législation est entrée en vigueur légalement. Il n'a pas été signalé à la Cour si la Commission a pareillement été informée à l'avance de la modification apportée en août 1970, mais comme cet amendement était en fait insignifiant piusqu'il ne concernait que le calcul des contributions dues par les poussinières, cette question peut être ignorée aux fins du présent examen.
La demanderesse dans l'instance devant le Verwaltungsgericht, la firme Steinike et Weinlig, importe d'Italie et de pays tiers des concentrés de jus d'agrumes, qu'elle transforme dans ses installations en des produits qui ont été décrits par le Verwaltungsgericht comme étant des «produits intermédiaires destinés à l'industrie des boissons rafraîchissantes» La demanderesse vend ces produits exclusivement sur le marché allemand. Par un avis daté du 20 août 1974, la demanderesse a été invitée à payer une contribution d'un montant de 20000 DM pour la période allant du 1er janvier 1970 au 30 septembre 1971. Cette demande se fondait sur l'article 10, paragraphe 8 e), de l'Absatzfondsgesetz, qui déclarait redevables de la contribution les entreprises transformatrices de fruits et de légumes acquis à l'état non transformé, à l'état transformé ou après une première transformation, sous réserve d'une exception qui n'a pas d'importance ici. Vour constaterez, Messieurs, que cette disposition fait dépendre l'assujettissement à la contribution de «l'acquisition» et de la transformation des produits; l'importation comme telle n'est pas mentionnée.
Il semble que, par une modification apportée à l'Absatzfondsgesetz en mars 1972, les produits d'une espèce couverte par la législation mais qui ne poussent pas naturellement dans les conditions climatiques de l'Allemagne ont été exemptés de la contribution. Comme, ainsi qu'il est constant entre les parties, les agrumes ne poussent pas naturellement en Allemagne, cela signifie que les concentrés importés par la demanderesse ne sont plus soumis à la contribution.
La demanderesse n'en soutient pas moins que, même avant cet amendement, la contribution qui a été exigée d'elle était illégale, tant au regard du droit allemand — ce qui ne concerne pas cette Cour — qu'au regard du droit communautaire. C'est ainsi que s'explique son actuel recours devant le Verwaltungsgericht, qui est dirigé, contre la République fédérale d'Allemagne et par lequel elle attaque la validité de sa taxation.
La première question que le Verwaltungsgericht pose à cette Cour consiste à savoir si «la réglementation de procédure contenue dans l'article 93 du traité CEE empêche une juridiction nationale de demander une décision préjudicielle concernant l'article 92 du traité CEE et de statuer ensuite sur l'application de cette disposition». Il découle clairement des termes de l'ordonnance de renvoi que le Verwaltungsgericht invite en fait la Cour à reconsidérer la question de savoir si l'article 92 peut produire un effet direct dans le sens de conférer aux particuliers des droits dont ils peuvent se prévaloir devant les juridictions nationales. Le droit tel qu'il a été dit par la Cour dans les affaires 6-64, Costa/ENEL (Recueil 1964, p. 1141), 77-72, Capolongo/-Maya (Recueil 1973, p. 611), et 120-73, Lorenz/Allemagne (Recueil 1973, p. 1471) est que, si l'interdiction édictée à l'article 93, paragraphe 3, à l'encontre d'une nouvelle aide ou d'une modification d'une aide extistante, sans notification à la Commission ni accord de celle-ci, a un effet direct dans le sens précité, les dispositions de l'article 92, paragraphe 1, ne peuvent produire un pareil effet que «si elles ont été concrétisées par les actes de portée générale prévus à l'article 94 ou par les décisions, dans les cas particuliers qu'envisage l'article 93, paragraphe 2». (Recueil 1973, p. 621-622). Le Verwaltungsgericht exprime ses appréhensions de devoir éventuellement accepter la validité d'une législation qui est à son avis contraire à l'article 92 du traité CEE et il suggère que puisque la Cour a déclaré dans l'affaire 166-73, Rheinmühlen Düsseldorf/Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel (Recueil 1974, p. 33), qu'une juridiction nationale est libre de saisir cette Cour malgré l'effet obligatoire des règles nationales, il devrait en être de même pour les relations entre la Commission et une juridiction nationale.
Malgré tout notre respect pour le Verwaltungsgericht, nous ne saurions être d'accord, Messieurs. La raison pour laquelle l'article 92 a été considéré comme ne produisant pas un effet direct n'est pas de caractère procédural. En réalité il s'agit du fait que l'article 92 n'impose pas une interdiction claire et inconditionnelle des aides d'État. Il impose une interdiction qui est tempérée par le pouvoir de la Commission de tenir compte de considérations économiques, sociales et politiques, ainsi que par les pouvoirs qui sont reconnus au Conseil par l'article 92, paragraphe 3, d), et par l'article 93, paragraphe 2. Il est parfaitement concevable qu'une aide puisse avoir été jugée «compatible avec le marché commun» par la Commission ou par le Conseil, même lorsqu'une juridiction nationale était fermement convaincue qu'elle contrevenait à l'article 92.
Aussi ne devriez-vous pas, selon nous, vous écartez de la jurisprudence antérieure en la matière. Au nom de la demanderesse, il a été suggéré que vous vous en écartiez dans une certaine mesure en déclarant que si l'article 92 n'a pas produit en effet direct dans le sens de conférer aux particuliers des droits qu'ils peuvent invoquer eux-mêmes devant les juridictions nationales, il contenait au moins un ensemble de règles dont ces juridictions pouvaient assurer le respect de leur propre initiative. Cette suggestion nous semble étrange, car elle aurait pour effet de conférer à une juridiction nationale le pouvoir de soulever au nom d'une partie un point que celle-ci était empêchée de soulever elle-même. L'objection fondamentale à cette suggestion est toutefois qu'elle aboutirait à un transfert aux juridictions nationales des pouvoirs et droits discrétionnaires que le traité a confiés au Conseil et à la Commission.
L'avocat de la demanderesse a aussi allégué l'article 12 du...
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