Ivo Camacho-Fernandes v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:F:2014:51
CourtCivil Service Tribunal (European Union)
Date10 April 2014
Docket NumberF-16/13
Celex Number62013FJ0016
Procedure TypeRecours de fonctionnaires - non fondé
62013FJ0016

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

10 avril 2014 ( *1 )

«Fonction publique — Fonctionnaires — Sécurité sociale — Article 73 du statut — Maladie professionnelle — Exposition à l’amiante et à d’autres substances — Commission médicale — Refus de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie ayant causé le décès du fonctionnaire — Régularité de l’avis de la commission médicale — Principe de collégialité — Mandat — Motivation — Principe d’égalité de traitement»

Dans l’affaire F‑16/13,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Ivo Camacho-Fernandes, demeurant à Funchal (Portugal), représenté par Me N. Lhoëst, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et V. Joris, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre),

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol, président, MM. K. Bradley et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

1

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 février 2013, M. Camacho-Fernandes a introduit le présent recours tendant, en substance, à l’annulation de la décision du 23 mars 2012 par laquelle l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN») de la Commission européenne a clôturé la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut») et confirmé les termes du projet de décision du 23 juin 1995 portant rejet de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie à laquelle son épouse a succombé.

Cadre juridique

Statut

2

L’article 73, paragraphes 1 et 2, du statut, dans sa version applicable au litige, prévoit :

«1. Dans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord des institutions [de l’Union], après avis du comité du statut, le fonctionnaire est couvert, dès le jour de son entrée en service, contre les risques de maladie professionnelle et les risques d’accident. […]

2. Les prestations garanties sont les suivantes :

a)

[e]n cas de décès :

[p]aiement aux personnes énumérées ci-après d’un capital égal à [cinq] fois le traitement de base annuel de l’intéressé calculé sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l’accident :

au conjoint et aux enfants du fonctionnaire décédé, conformément aux dispositions du droit de succession applicable au fonctionnaire ; le montant à verser au conjoint ne peut toutefois être inférieur à 25 % du capital ;

[…]

[…]»

Réglementation de couverture prise en application de l’article 73 du statut

3

Le 13 décembre 2005, les institutions de l’Union européenne ont arrêté une réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires de l’Union, laquelle est entrée en vigueur le 1er janvier 2006 (ci-après la «nouvelle réglementation de couverture»). Jusqu’à cette date était applicable la réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes arrêtée par les mêmes institutions le 22 décembre 1976 et modifiée en dernier lieu le 18 juillet 1997 (ci-après la «réglementation de couverture» ou l’«ancienne réglementation de couverture»).

4

L’article 3 de la réglementation de couverture énonce :

«1. Sont considérées comme maladies professionnelles les maladies qui figurent à la ‘liste européenne des maladies professionnelles’ annexée à la recommandation de la Commission du 22 mai 1990 et à ses compléments éventuels, dans la mesure où le fonctionnaire a été exposé, dans son activité professionnelle auprès des Communautés européennes, aux risques de contracter ces maladies.

2. Est également considérée comme maladie professionnelle toute maladie ou aggravation d’une maladie préexistante ne figurant pas à la liste visée au paragraphe 1, lorsqu’il est suffisamment établi qu’elle trouve son origine dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions au service des Communautés.»

5

L’article 30 de la nouvelle réglementation de couverture prévoit les dispositions transitoires suivantes :

«La réglementation [de couverture] est abrogée.

Toutefois, elle demeure applicable pour tout projet de décision adopté en vertu de l’article 20, paragraphe 1, avant le 1er janvier 2006 […]»

6

En vertu de l’article 22, paragraphe 1, de la nouvelle réglementation de couverture, la commission médicale est composée de trois médecins désignés, le premier, par l’assuré ou ses ayants droit, le deuxième, par l’AIPN, et le troisième, d’un commun accord par les deux médecins ainsi désignés.

7

Aux termes de l’article 22, paragraphe 3, de la nouvelle réglementation de couverture :

«La commission médicale examine de manière collégiale la totalité des documents disponibles et susceptibles de lui être utiles pour ses appréciations et toute décision est adoptée à la majorité. Il appartient à la commission médicale de régler sa propre procédure et de fixer les modalités de son fonctionnement. Le troisième médecin est chargé du secrétariat et de la rédaction du rapport. […]

[…]

Au terme de ses travaux, la commission médicale consigne ses conclusions dans un rapport qui est adressé à l’[AIPN].

Sur la base de ce rapport, l’[AIPN] notifie à l’assuré ou [à] ses ayants droit sa décision accompagnée des conclusions de la commission médicale. L’assuré ou ses ayants droit peuvent demander que le rapport complet de la commission soit transmis au médecin de leur choix ou que celui[-]ci leur soit communiqué.»

Faits à l’origine du recours

Faits antérieurs à la constitution de la première commission médicale

8

Le requérant est veuf de Mme Arlette Fernandes-De Corte, de son vivant fonctionnaire de la Commission entrée au service de cette institution le 1er avril 1974.

9

Elle a été affectée à Bruxelles (Belgique) et a travaillé de 1974 à 1979, dans l’immeuble du Berlaymont, puis, de 1979 à 1994, dans l’immeuble sis 130, rue de la Loi. Pendant ses années de service, elle a été membre du corps des pompiers ainsi que des secouristes bénévoles de première intervention de la Commission et, à ce titre, elle a participé à des exercices de combats de feux dans les locaux des pompiers de Wavre (Belgique).

10

Il ressort en substance de l’histoire médicale de Mme Fernandes-De Corte que la défunte déclarait fumer un certain nombre de cigarettes par jour depuis son entrée en fonctions au service de la Commission. Concrètement, lors de son examen médical d’embauche, elle a déclaré fumer cinq cigarettes par jour. Au cours d’examens médicaux périodiques successifs, elle a déclaré un tabagisme plus important. Ainsi, en avril 1983, elle a déclaré fumer environ douze cigarettes par jour ; en mars 1986, il était question de dix à quinze cigarettes par jour ; en mars 1988, la consommation déclarée était de quinze cigarettes par jour. Sa consommation déclarée est descendue à dix cigarettes par jour en 1990 jusqu’au mois de juillet où elle a cessé de fumer.

11

En juin 1993, une anomalie a été découverte à l’examen d’une radiographie du thorax de Mme Fernandes-De Corte. Au cours du mois de novembre 1993, un cancer du poumon a été diagnostiqué. Une opération chirurgicale au poumon a été pratiquée le 1er décembre 1993.

12

Le 15 mars 1994, Mme Fernandes-De Corte a introduit, au titre de l’article 73 du statut, une demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie, au motif que le cancer qui lui avait été diagnostiqué puiserait son origine dans le fait que, au cours de ses années de service, elle avait été exposée à l’amiante ainsi qu’à d’autres agents polluants atmosphériques ou résultant de combustions, que ce soit sur son lieu de travail ou dans les locaux des pompiers de Wavre où elle portait régulièrement une combinaison en amiante.

13

Par une note du 25 avril 1994, l’AIPN a demandé et a obtenu, auprès de l’unité «Sécurité et hygiène du travail» de la Commission, les résultats de prélèvements qui avaient été effectués pour détecter l’éventuelle présence d’amiante dans des bureaux mitoyens à ceux qui avaient été indiqués par Mme Fernandes-De Corte.

14

Le 5 mai 1994, Mme Fernandes-De Corte a été réadmise à l’hôpital. Elle est décédée le 18 juillet 1994.

15

À la demande du requérant, une autopsie du corps de la défunte a été pratiquée le 19 juillet 1994. Des échantillons prélevés à hauteur des deux poumons ont été envoyés pour études minéralogiques à divers laboratoires en Europe. Les résultats respectifs de ces examens sont exposés dans le rapport du laboratoire du professeur Pooley à Cardiff (Royaume-Uni) du 16 août 1994 (ci-après le «rapport Pooley de 1994»), dans le rapport du laboratoire d’Étude des particules inhalées de la Mairie de Paris (France), du 20 septembre 1994, et dans le rapport du laboratoire de minéralogie de l’hôpital Érasme à Bruxelles, du 26 septembre 1994.

16

Le 5 août 1994, le requérant a informé la Commission que, à la suite du décès de son épouse, il souhaitait reprendre, en sa qualité d’ayant droit, la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de feu son épouse et qui avait été initiée par elle.

17

Par la suite, le docteur J., a, au nom du requérant, sollicité du laboratoire du professeur Pooley de Cardiff un nouvel examen des échantillons de tissus prélevés lors...

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