Werner Mangold v Rüdiger Helm.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:709
Date22 November 2005
Celex Number62004CJ0144
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-144/04

Affaire C-144/04

Werner Mangold

contre

Rüdiger Helm

(demande de décision préjudicielle, introduite par l'Arbeitsgericht München)

«Directive 1999/70/CE — Clauses 2, 5 et 8 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée — Directive 2000/78/CE — Article 6 — Égalité de traitement en matière d'emploi et de travail — Discrimination liée à l'âge»

Conclusions de l'avocat général M. A. Tizzano, présentées le 30 juin 2005

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 22 novembre 2005

Sommaire de l'arrêt

1. Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Limites — Questions générales ou hypothétiques — Vérification par la Cour de sa propre compétence

(Art. 234 CE)

2. Politique sociale — Accès à l'emploi et conditions de travail — Égalité de traitement — Directive 1999/70 concernant l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée — Réglementation nationale opérant une régression du niveau général de la protection des travailleurs précédemment garantie — Justification tirée de motifs non liés à la mise en oeuvre de l'accord-cadre — Admissibilité

(Directive du Conseil 1999/70, annexe, clause 8, § 3)

3. Politique sociale — Travailleurs masculins et travailleurs féminins — Accès à l'emploi et conditions de travail — Égalité de traitement — Directive 2000/78 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail — Réglementation nationale prévoyant des différences de traitement fondées sur l'âge — Inadmissibilité en l'absence de justifications objectives — Inadmissibilité visant également les contrats de travail conclus avant l'expiration du délai de transposition de la directive

(Directive du Conseil 2000/78, art. 6, § 1)

4. Droit communautaire — Principes — Égalité de traitement — Discrimination en fonction de l'âge — Interdiction — Obligation des juridictions nationales

1. Dans le cadre de la procédure de renvoi prévue à l'article 234 CE, le juge national, qui est seul à avoir une connaissance directe des faits de l'affaire, est le mieux placé pour apprécier, au regard des particularités de celle-ci, la nécessité d'une décision préjudicielle pour rendre son jugement. En conséquence, dès lors que les questions posées par le juge national portent sur l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer.

Toutefois, la Cour considère qu'il lui appartient, en vue de vérifier sa propre compétence, d'examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national. En effet, l'esprit de collaboration qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel implique que, de son côté, le juge national ait égard à la fonction confiée à la Cour, qui est de contribuer à l'administration de la justice dans les États membres et non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques.

(cf. points 34-36)

2. La clause 8, paragraphe 3, de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive 1999/70, concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, laquelle prévoit que la mise en oeuvre dudit accord ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine qu'il couvre, doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui, pour des motifs liés à la nécessité de promouvoir l'emploi et indépendamment de la mise en oeuvre de l'accord, a abaissé l'âge au-delà duquel des contrats de travail à durée déterminée peuvent être conclus sans restrictions.

(cf. point 54, disp. 1)

3. Le droit communautaire et, notamment, l'article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui autorise, sans restrictions, à moins qu'il n'existe un lien étroit avec un contrat de travail antérieur à durée indéterminée conclu avec le même employeur, la conclusion de contrats de travail à durée déterminée lorsque le travailleur a atteint l'âge de 52 ans.

En effet, une telle réglementation n'est pas justifiée au titre de l'article 6, paragraphe 1, de ladite directive dans la mesure où il n'a pas été démontré que la fixation d'un seuil d'âge, en tant que tel, indépendamment de toute autre considération liée à la structure du marché du travail en cause et de la situation personnelle de l'intéressé, est objectivement nécessaire à la réalisation de l'objectif d'insertion professionnelle des travailleurs âgés au chômage, et que donc ladite réglementation va au-delà de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi.

Cette interprétation ne saurait être affectée par la circonstance que, à la date de la conclusion du contrat en cause, le délai de transposition de la directive 2000/78 n'était pas encore expiré. En effet, pendant le délai de transposition d'une directive, les États membres doivent s'abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive. Il importe peu à cet égard que la règle en cause du droit national, adoptée après l'entrée en vigueur de la directive concernée, vise ou non la transposition de cette dernière.

(cf. points 65-68, 78, disp. 2)

4. Il incombe à une juridiction nationale, saisie d'un litige mettant en cause le principe de non-discrimination en fonction de l'âge qui est un principe général du droit communautaire, d'assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant pour les justiciables du droit communautaire et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant inappliquée toute disposition contraire de la loi nationale, et ce alors même que le délai de transposition d'une directive s'inspirant de ce principe général, telle que la directive 2000/78 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, n'est pas encore expiré.

(cf. points 75, 77, disp. 2)




ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

22 novembre 2005 (*)

«Directive 1999/70/CE – Clauses 2, 5 et 8 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée – Directive 2000/78/CE – Article 6 – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Discrimination liée à l’âge»

Dans l’affaire C-144/04,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Arbeitsgericht München (Allemagne), par décision du 26 février 2004, parvenue à la Cour le 17 mars 2004, dans la procédure

Werner Mangold

contre

Rüdiger Helm,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. P. Jann, président de la première chambre, faisant fonction de président, MM. C. W. A. Timmermans, A. Rosas et K. Schiemann, présidents de chambre, MM. R. Schintgen (rapporteur), S. von Bahr, J. N. Cunha Rodrigues, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Lenaerts, E. Juhász, G. Arestis, A. Borg Barthet et M. Ilešič, juges,

avocat général: M. A. Tizzano,

greffier: Mme K. Sztranc, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 avril 2005,

considérant les observations présentées:

– pour M. Mangold, par Mes D. Hummel et B. Karthaus, Rechtsanwälte,

– pour M. Helm, par lui-même, Rechtsanwalt,

– pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma, en qualité d’agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes N. Yerrell et S. Grünheid ainsi que par MM. D. Martin et H. Kreppel, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 juin 2005,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des clauses 2, 5 et 8 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’«accord-cadre»), mis en œuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43), ainsi que de l’article 6 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Mangold à M. Helm au sujet du contrat de travail à durée déterminée qui le lie à ce dernier (ci-après le «contrat»).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

L’accord-cadre

3 Aux termes de sa clause 1, l’«accord-cadre a pour objet:

a) d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination;

b) d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs».

4 La clause 2, point 1, de l’accord-cadre prévoit:

«Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.»

5 Aux termes de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre:

«Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas de mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

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