France v Commission

JurisdictionEuropean Union
Docket NumberT-56/06
Date22 April 2016
CourtGeneral Court (European Union)
Celex Number62006TJ0056

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

22 avril 2016 (*)

« Aides d’État – Directive 92/81/CEE – Droits d’accises sur les huiles minérales – Huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine – Exonération de l’accise – Confiance légitime – Sécurité juridique – Délai raisonnable »

Dans l’affaire T‑56/06 RENV II,

République française, représentée par MM. G. de Bergues, D. Colas et R. Coesme, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci, N. Khan, G. Conte, D. Grespan et Mme K. Walkerová, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 5 de la décision 2006/323/CE de la Commission, du 7 décembre 2005, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, mise en œuvre respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie (JO 2006, L 119, p. 12), pour autant que celui-ci impose à la République française de récupérer l’aide d’État incompatible avec le marché commun qu’elle a accordée, entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003, sur le fondement de l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne (France),

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur), MM. E. Buttigieg, S. Gervasoni et L. Madise, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mars 2015,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

L’exonération litigieuse

1 L’alumine (ou oxyde d’aluminium) est une poudre blanche principalement utilisée dans les fonderies pour produire de l’aluminium. Elle est extraite de la bauxite par un procédé de raffinage dont la dernière étape est la calcination. L’alumine calcinée est utilisée à plus de 90 % pour la fusion de l’aluminium. Le reste est soumis à de nouvelles transformations et est utilisé dans des applications chimiques. Il existe deux marchés de produits distincts, à savoir celui de l’alumine métallurgique et celui de l’alumine chimique. Des huiles minérales peuvent être utilisées comme combustible pour la production d’alumine.

2 Il n’y a qu’un seul producteur d’alumine en Irlande, un seul en Italie et un seul en France. Il s’agit, en France, d’Alcan Inc., établie dans la région de Gardanne. Des producteurs d’alumine sont également présents en Allemagne, en Espagne, en Grèce, en Hongrie et au Royaume-Uni.

3 Depuis 1997, la République française exonère de droit d’accise les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne (ci-après l’« exonération litigieuse »). L’exonération litigieuse a été introduite en droit français par l’article 6 de la loi n° 97‑1239, du 29 décembre 1997, portant loi de finances rectificative pour 1997 (JORF du 30 décembre 1997, p. 19101).

4 L’application de l’exonération française dans la région de Gardanne a été autorisée, jusqu’au 31 décembre 1998, par la décision 97/425/CE du Conseil, du 30 juin 1997, autorisant les États membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques les réductions de taux d’accise ou les exonérations d’accises existantes conformément à la procédure prévue à la directive 92/81/CEE (JO L 182, p. 22). Elle a ensuite été prorogée par le Conseil de l’Union européenne, jusqu’au 31 décembre 1999, par la décision 1999/255/CE, du 30 mars 1999, autorisant certains États membres, conformément à la directive 92/81/CEE, à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales des réductions de taux d’accise ou des exonérations d’accises, et portant modification de la décision 97/425 (JO L 99, p. 26). Elle a de nouveau été prorogée par le Conseil, jusqu’au 31 décembre 2000, par la décision 1999/880/CE, du 17 décembre 1999, autorisant les États membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques les réductions de taux d’accise ou les exonérations d’accises existantes, conformément à la procédure prévue à la directive 92/81/CEE (JO L 331, p. 73).

5 La décision 2001/224/CE du Conseil, du 12 mars 2001, relative aux taux réduits et aux exonérations de droits d’accise sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques (JO L 84, p. 23), à savoir la dernière concernant l’exonération litigieuse, proroge ladite exonération jusqu’au 31 décembre 2006. Selon son considérant 5, cette décision « ne préjuge pas de l’issue d’éventuelles procédures relatives aux distorsions de fonctionnement du marché unique qui pourraient être intentées notamment en vertu des articles 87 [CE] et 88 [CE] » et « [e]lle ne dispense pas les États membres, conformément à l’article 88 [CE], de l’obligation de notifier à la Commission les aides d’État susceptibles d’être instituées ».

Procédure administrative

6 Par lettre du 2 juin 1998, la Commission des Communautés européennes a demandé des renseignements aux autorités françaises afin de vérifier si l’exonération litigieuse relevait du champ d’application des articles 87 CE et 88 CE. Après avoir demandé une prolongation du délai de réponse le 10 juillet 1998, qui fut accordée le 24 juillet 1998, la République française a répondu par lettre du 7 août 1998.

7 Par lettre du 17 juillet 2000, la Commission a demandé à la République française de lui notifier l’exonération litigieuse. Par lettre du 4 septembre 2000, les autorités françaises ont répondu qu’elles considéraient que l’exonération litigieuse ne constituait pas une aide d’État et n’avait donc pas à être notifiée. La Commission a invité la République française à fournir un complément d’information par lettre du 27 septembre 2000. À la suite d’un rappel de la Commission du 20 novembre 2000, les autorités françaises ont répondu le 8 décembre 2000.

8 Par la décision C (2001) 3295, du 30 octobre 2001, la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à l’égard de l’exonération litigieuse (ci-après la « procédure formelle d’examen »). Cette décision a été notifiée à la République française, par lettre du 5 novembre 2001, et a été publiée, le 2 février 2002, au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 30, p. 21).

9 Par lettres des 26 et 28 février et 1er mars 2002, la Commission a reçu les observations respectives d’Aughinish Alumina Ltd, d’Eurallumina SpA, d’Alcan et de l’Association européenne de l’aluminium. Celles-ci ont été communiquées à la République française le 26 mars 2002.

10 Après avoir demandé une prolongation du délai de réponse par lettre du 21 novembre 2001, qui fut accordée le 29 novembre 2001, la République française a présenté ses observations par lettre du 12 février 2002.

Décision alumine I

11 Le 7 décembre 2005, la Commission a adopté la décision 2006/323/CE, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, mise en œuvre respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie (JO 2006, L 119, p. 12, ci-après la « décision alumine I »).

12 La décision alumine I porte sur la période antérieure au 1er janvier 2004, date à laquelle est devenue applicable la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO L 283, p. 51), abrogeant la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 12), ainsi que la directive 92/82/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 19), avec effet au 31 décembre 2003 (considérant 57). Elle étend néanmoins la procédure formelle d’examen à la période postérieure au 31 décembre 2003 (considérant 92).

13 Le dispositif de la décision alumine I énonce notamment :

« Article premier

Les exonérations des droits d’accise sur les huiles minérales lourdes utilisées dans la production d’alumine accordées par la France, l’Irlande et l’Italie jusqu’au 31 décembre 2003 constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE].

Article 2

L’aide accordée entre le 17 juillet 1990 et le 2 février 2002, dans la mesure où elle est incompatible avec le marché commun, n’est pas récupérée parce que cette récupération serait contraire aux principes généraux du droit communautaire.

Article 3

L’aide, visée à l’article premier, accordée entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003 est compatible avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, [CE] dans la mesure où les bénéficiaires acquittent un droit d’au moins 13,01 euros par 1 000 kg d’huile minérale lourde.

Article 4

L’aide […] accordée entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003 est incompatible avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, [CE] dans la mesure où les bénéficiaires ne se sont pas acquittés d’un droit d’au moins 13,01 euros par 1 000 kg d’huile minérale lourde.

Article 5

1. La France, l’Irlande et l’Italie prennent toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide incompatible visée à l’article 4 auprès de ses bénéficiaires.

[…]

5. La France, l’Irlande et l’Italie ordonnent aux bénéficiaires de l’aide incompatible visée à l’article 4, dans les deux mois de la date de notification de la présente décision, de rembourser l’aide illégale majorée des intérêts. »

Procédure et conclusions des parties

14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 février 2006, la République française a introduit le présent recours, enregistré sous la référence T‑56/06.

15 En...

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