European Commission v Kingdom of Spain.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:310
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-487/08
Date03 June 2010
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62008CJ0487

Affaire C-487/08

Commission européenne

contre

Royaume d'Espagne

«Manquement d’État — Libre circulation des capitaux — Articles 56 CE et 40 de l’accord sur l’EEE — Différence de traitement — Dividendes distribués à des sociétés résidentes et à des sociétés non-résidentes»

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale — Impôt sur les sociétés — Imposition des dividendes

(Art. 56, § 1, CE)

Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56, paragraphe 1, CE, un État membre qui subordonne l’exonération des dividendes distribués par des sociétés résidentes de cet État membre à un niveau de participation des sociétés bénéficiaires au capital des sociétés distributrices plus élevé pour les sociétés bénéficiaires résidant dans un autre État membre que pour les sociétés bénéficiaires résidant dans cet État membre.

En effet, une telle différence de traitement est susceptible de dissuader les sociétés établies dans d’autres États membres de procéder à des investissements dans l'État membre concerné et constitue, par conséquent, une restriction à la libre circulation des capitaux, prohibée, en principe, par l’article 56, paragraphe 1, CE.

Une telle différence de traitement ne saurait être justifiée par la différence de situation entre les sociétés résidentes et les sociétés résidant dans un autre État membre. Certes, à l’égard des mesures prévues par un État membre afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, les actionnaires bénéficiaires résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle d’actionnaires bénéficiaires résidents d’un autre État membre. Toutefois, à partir du moment où un État membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l’impôt sur le revenu non seulement les actionnaires résidents, mais également les actionnaires non-résidents, pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une société résidente, la situation desdits actionnaires non-résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents. En effet, c’est le seul exercice par ce même État de sa compétence fiscale qui, indépendamment de toute imposition dans un autre État membre, engendre un risque d’imposition en chaîne ou de double imposition économique. En pareil cas, pour que les bénéficiaires non-résidents ne soient pas confrontés à une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 56 CE, l’État de résidence de la société distributrice doit veiller à ce que, par rapport au mécanisme prévu par son droit national afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique, les non-résidents soient soumis à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les résidents. Or, en appliquant la réglementation précitée, un État membre choisit d’exercer sa compétence fiscale sur les dividendes distribués à des sociétés résidant dans d’autres États membres. Les sociétés non-résidentes bénéficiaires de ces dividendes se trouvent par conséquent dans une situation comparable à celle des sociétés résidentes en ce qui concerne le risque d’imposition en chaîne des dividendes distribués par les sociétés résidentes, de sorte que les sociétés bénéficiaires non-résidentes ne peuvent être traitées différemment des sociétés bénéficiaires résidentes.

Par ailleurs, si les désavantages pouvant découler de l’exercice parallèle des compétences fiscales des différents États membres, pour autant qu’un tel exercice n’est pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité, tel n'est toutefois pas le cas lorsque le traitement désavantageux des dividendes distribués aux sociétés bénéficiaires résidant dans un autre État membre découle du seul exercice, par l'État de résidence de la société distributrice, de sa compétence fiscale et lui est imputable.

En outre, cette différence de traitement n'est pas remise en cause du fait de l'application de conventions tendant à éviter la double imposition. Certes, il ne saurait être exclu qu’un État membre parvienne à garantir le respect de ses obligations résultant du traité en concluant une convention tendant à éviter la double imposition avec un autre État membre. Toutefois, il est nécessaire à cette fin que l’application d’une telle convention permette de compenser les effets de la différence de traitement issue de la législation nationale. Ainsi, ce n’est que dans l’hypothèse dans laquelle l’impôt retenu à la source en application de la législation nationale peut être imputé sur l’impôt dû dans l’autre État membre à concurrence de la différence de traitement issue de la législation nationale que la différence de traitement entre les dividendes distribués à des sociétés établies dans d’autres États membres et les dividendes distribués aux sociétés résidentes disparaît. Afin d’atteindre un tel objectif de neutralisation, l’application d'une méthode de déduction prévue dans des conventions tendant à éviter la double imposition devrait donc permettre que l’impôt sur les dividendes prélevé par un État membre soit entièrement déduit de l’impôt dû dans l’État de résidence de la société bénéficiaire, de manière que, si les dividendes perçus par cette société étaient finalement grevés plus lourdement que les dividendes versés aux sociétés résidentes du premier État membre, cette charge fiscale plus lourde pourrait être imputée non plus à cet État, mais à l’État de résidence de la société bénéficiaire qui a exercé son pouvoir d’imposition.

À cet égard, lorsque la majorité des conventions tendant à éviter la double imposition conclues par un État prévoit que le montant déduit ou imputé au titre de l’impôt retenu dans cet État ne peut pas excéder la fraction de l’impôt de l’État membre de résidence de la société bénéficiaire, calculé avant la déduction, correspondant aux revenus imposables dans le premier État, la différence de traitement ne peut être neutralisée que lorsque les dividendes en provenance de l'État membre concerné sont suffisamment imposés dans l’autre État membre. Or, si ces dividendes ne sont pas imposés ou s’ils ne le sont pas suffisamment, la somme de l’impôt prélevée dans l'État membre concerné ou une fraction de celle-ci ne peut être déduite. Dans ce cas, la différence de traitement issue de l’application de la législation nationale ne peut être compensée par l’application des stipulations d'une convention tendant à éviter la double imposition. Ce constat s’applique même lorsqu'une telle convention ne prévoit pas la limitation de la déduction à la fraction de l’impôt de l’État membre de résidence de la société bénéficiaire, calculé avant la déduction, correspondant aux revenus imposables dans l'État de résidence de la société distributrice, mais stipule que l’impôt prélevé dans cet État est déduit de l’impôt afférent à ces revenus dans l’État de résidence de la société bénéficiaire. En effet, si ces dividendes ne sont pas imposés ou s’ils ne le sont pas suffisamment, la somme retenue dans l'État de résidence de la société distributrice ou une fraction de celle-ci peut ne pas être déduite. Or, le choix d'imposer, dans l’autre État membre, les revenus en provenance de l'État de résidence de la société distributrice ou le niveau auquel ils sont imposés dépend non pas de ce dernier État, mais des modalités d’imposition définies par l’autre État membre. Partant, la déduction de l’impôt retenu de l’impôt dû dans l’autre État membre, en application des stipulations des conventions tendant à éviter la double imposition, ne permet pas dans tous les cas de neutraliser la différence de traitement issue de l’application de la législation nationale.

(cf. points 43, 50-53, 56-64, 67, 69 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

3 juin 2010 (*)

«Manquement d’État – Libre circulation des capitaux – Articles 56 CE et 40 de l’accord sur l’EEE – Différence de traitement – Dividendes distribués à des sociétés résidentes et à des sociétés non-résidentes»

Dans l’affaire C-487/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 11 novembre 2008,

Commission européenne, représentée par M. R. Lyal et Mme I. Martinez del Peral, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. E. Levits (rapporteur), A. Borg Barthet, J.-J. Kasel et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en appliquant des traitements différents aux dividendes distribués aux actionnaires résidents et à ceux distribués aux actionnaires non-résidents, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 56 CE et 40 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»).

Le cadre juridique

L’accord EEE

2 L’article 40 de l’accord EEE dispose:

«Dans le cadre du présent accord, les restrictions entre les parties contractantes aux mouvements des capitaux appartenant à des personnes résidant dans les États membres de la [Communauté européenne] ou dans les États de l’[Association européenne de libre-échange (AELE)], ainsi que les discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties ou sur la localisation du placement, sont interdites. Les dispositions nécessaires à l’application du présent article figurent à l’annexe XII.»

Le droit de l’Union

3 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435/CEE...

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