Peter Bosworth and Colin Hurley v Arcadia Petroleum Limited and others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:310
Docket NumberC-603/17
Celex Number62017CJ0603
CourtCourt of Justice (European Union)
Date11 April 2019
62017CJ0603

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

11 avril 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière civile – Convention de Lugano II – Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Titre II, section 5 (articles 18 à 21) – Compétence en matière de contrats individuels de travail »

Dans l’affaire C‑603/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni), par décision du 20 octobre 2017, parvenue à la Cour le 20 octobre 2017, dans la procédure

Peter Bosworth,

Colin Hurley

contre

Arcadia Petroleum Limited e.a.,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteure), vice‑présidente de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. A. Arabadjiev, E. Regan, C. G. Fernlund et S. Rodin, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : Mme L. Hewlett, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 septembre 2018,

considérant les observations présentées :

pour MM. Bosworth et Hurley, par MM. A. Briggs et D. Foxton, QC, M. R. Eschwege, barrister, ainsi que par MM. T. Greeno et A. Forster, solicitors,

pour Arcadia Petroleum Limited e.a., par M. M. Howard, QC, par MM. F. Pilbrow et N. Venkatesan, barristers, par Mme S. Trevan ainsi que par MM. J. Kelly et T. Snelling, solicitors,

pour la Commission européenne, par Mme M. Heller et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

pour le gouvernement suisse, par M. M. Schöll, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions du titre II, section 5 (articles 18 à 21), de la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée le 30 octobre 2007, dont la conclusion a été approuvée au nom de la Communauté par la décision 2009/430/CE du Conseil, du 27 novembre 2008 (JO 2009, L 147, p. 1, ci‑après la « convention de Lugano II »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MM. Peter Bosworth et Colin Hurley à Arcadia Petroleum Limited et à d’autres sociétés au sujet d’une demande d’indemnisation du préjudice que ces sociétés auraient subi en raison de prétendus agissements frauduleux de MM. Bosworth et Hurley.

Le cadre juridique

3

L’article 5 de la convention de Lugano II dispose :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État lié par la présente convention peut être attraite, dans un autre État lié par la présente convention :

1.

a)

en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée,

b)

aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :

pour la vente de marchandises, le lieu d’un État lié par la présente convention où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

pour la fourniture de services, le lieu d’un État lié par la présente convention où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis,

c)

le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas ;

[...]

3.

en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ;

[...] »

4

Aux termes de l’article 18, paragraphe 1, de cette convention :

« En matière de contrat individuel de travail, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 4 et de l’article 5, paragraphe 5. »

5

L’article 20, paragraphe 1, de ladite convention énonce :

« L’action de l’employeur ne peut être portée que devant les tribunaux de l’État lié par la présente convention sur le territoire duquel le travailleur a son domicile. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

6

Arcadia London, Arcadia Singapore et Arcadia Switzerland sont des sociétés exerçant des activités de commerce de pétrole brut et de produits dérivés du pétrole. Ces sociétés appartiennent au groupe Arcadia, qui est détenu à 100 % par Farahead Holdings Ltd.

7

MM. Bosworth et Hurley sont des ressortissants britanniques domiciliés en Suisse, qui, à la date des faits en cause au principal, étaient, respectivement, chief executive officer et chief financial officer du groupe Arcadia. Par ailleurs, ils étaient les dirigeants d’Arcadia London, d’Arcadia Singapore et d’Arcadia Switzerland et étaient liés à l’une de ces sociétés par un contrat de travail établi par eux-mêmes ou conformément à leurs propres instructions.

8

Par une requête déposée le 12 février 2015, Arcadia London, Arcadia Singapore, Arcadia Switzerland et Farahead Holdings (ci-après, ensemble, « Arcadia ») ont introduit des demandes auprès de la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Commercial Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre commerciale), Royaume-Uni], contre plusieurs personnes, dont MM. Bosworth et Hurley. Ces demandes tendaient à obtenir réparation du préjudice que le groupe Arcadia aurait subi du fait d’opérations frauduleuses impliquant les sociétés de ce groupe.

9

La requête d’Arcadia était fondée sur les griefs de collusion par usage de moyens illicites (unlawful means conspiracy), de violation des obligations fiduciaires de loyauté et de bonne foi (breach of fiduciary duty) et de violation des obligations contractuelles expresses ou implicites (breach of express and/or implied contractual duties) découlant de leurs contrats de travail.

10

Par un acte du 9 mars 2015, MM. Bosworth et Hurley ont contesté la compétence des juridictions du Royaume-Uni pour connaître des demandes indemnitaires d’Arcadia les concernant, au motif que celles-ci relevaient des dispositions du titre II, section 5, de la convention de Lugano II, relatives aux règles de compétence en matière de contrats individuels de travail, et que, en application de ces dernières, ces demandes devaient être portées devant les juridictions de l’État sur le territoire duquel ils ont leur domicile, à savoir les juridictions suisses.

11

À la suite de cette contestation, Arcadia a modifié sa requête. Elle a renoncé à ses allégations tirées d’une violation des obligations contractuelles ainsi que d’une violation de ces obligations en tant que moyen illicite utilisé dans le cadre du délit de collusion.

12

Par un arrêt du 1er avril 2015, la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Commercial Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre commerciale)] s’est déclarée compétente pour examiner les griefs d’association de malfaiteurs usant de moyens illicites (unlawful means conspiracy) et d’abus de confiance (breach of fiduciary duty), invoqués à l’appui de ladite demande indemnitaire, à l’exception, s’agissant de ce dernier grief, des faits qui se seraient produits à l’époque où MM. Bosworth et Hurley étaient liés par un contrat de travail à l’une des sociétés du groupe Arcadia, puisque, selon cette juridiction, de tels faits se rapportent à la matière des contrats individuels de travail et relèvent, en application de l’article 20, paragraphe 1, de la convention de Lugano II, de la compétence des juridictions suisses.

13

MM. Bosworth et Hurley ont fait appel de cet arrêt devant la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni].

14

Cette juridiction a, par un arrêt du 19 août 2016, rejeté cet appel. MM. Bosworth et Hurley ont formé un pourvoi contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi.

15

C’est dans ces conditions que la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Quels sont les justes critères pour déterminer si une action exercée par un employeur contre un travailleur ou un ancien travailleur (ci-après un “travailleur”) est “en matière de” contrat individuel de travail, au sens des dispositions du titre II, section 5 (articles 18 à 21), de la convention de Lugano [II] ?

a)

Pour qu’une action exercée par un employeur à l’encontre d’un travailleur relève des dispositions des articles 18 à 21 [de la convention de Lugano II], suffit-il que l’employeur ait pu également alléguer que les comportements reprochés sont constitutifs d’une violation par ce travailleur des obligations résultant de son contrat individuel de travail, même si, dans le cadre de l’action qu’il exerce effectivement, l’employeur ne se prévaut pas, ne reproche pas et n’invoque pas de violations de ce contrat, mais fait valoir (par exemple) un ou plusieurs des griefs rapportés aux points 26 et 27 de l’exposé des faits et des questions ?

b)

Ou bien, le juste critère est-il qu’une action exercée par un employeur à l’encontre d’un travailleur ne relève des dispositions des articles 18 à 21 [de la convention de Lugano II] que si l’obligation sur...

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