Skoma-Lux sro v Celní ředitelství Olomouc.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:773
Docket NumberC-161/06
Celex Number62006CJ0161
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 December 2007

Affaire C-161/06

Skoma-Lux sro

contre

Celní ředitelství Olomouc

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Krajský soud v Ostravě)

«Acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne — Article 58 — Réglementation communautaire — Absence de traduction dans la langue d’un État membre — Opposabilité»

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 18 septembre 2007

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 11 décembre 2007

Sommaire de l'arrêt

1. Adhésion de nouveaux États membres aux Communautés — Acte d'adhésion de 2003 — Réglementation communautaire non publiée au Journal officiel dans la langue d'un nouvel État membre, langue officielle de l'Union européenne — Inopposabilité aux particuliers

(Acte d'adhésion de 2003, art. 58)

2. Questions préjudicielles — Compétence de la Cour

(Art. 234 CE et 254, § 2, 1re phrase, CE; Acte d'adhésion de 2003, art. 2 et 58; Règlement du Conseil nº 1, art. 4 et 5)

3. Questions préjudicielles — Interprétation — Effets dans le temps des arrêts d'interprétation

(Art. 231 CE et 234 CE)

1. L'article 58 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne, s'oppose à ce que les obligations contenues dans une réglementation communautaire qui n'a pas été publiée au Journal officiel de l'Union européenne dans la langue d'un nouvel État membre, alors que cette langue est une langue officielle de l'Union européenne, puissent être imposées à des particuliers dans cet État, alors même que ces personnes auraient pu avoir connaissance de cette réglementation par d'autres moyens.

En effet, l'impératif de sécurité juridique exige qu'une réglementation communautaire permette aux intéressés de connaître avec exactitude l'étendue des obligations qu'elle leur impose, ce qui ne saurait être garanti que par la publication régulière de ladite réglementation dans la langue officielle du destinataire. En outre, il serait contraire au principe d'égalité de traitement de faire la même application des obligations imposées par une réglementation communautaire dans les anciens États membres, où les particuliers ont la possibilité de prendre connaissance desdites obligations dans le Journal officiel de l'Union européenne, dans la langue de ces États, et dans les États membres adhérents, où cette prise de connaissance a été rendue impossible en raison d'une publication tardive. Le respect de tels principes fondamentaux n'est pas contraire à celui d'effectivité du droit communautaire, dès lors que ce dernier principe ne peut pas concerner des règles qui ne sont pas encore opposables aux particuliers. La position qui consisterait à admettre une opposabilité d'un acte qui n'a pas été régulièrement publié, au nom du principe d'effectivité, serait contra legem et reviendrait à faire supporter aux particuliers, dans l'État membre concerné, les conséquences négatives du non-respect de l'obligation qui pesait sur l'administration communautaire de mettre à leur disposition, à la date de l'adhésion, l'ensemble de l'acquis communautaire dans toutes les langues officielles de l'Union.

Par ailleurs, la circonstance qu'il s'agit d'un opérateur du commerce international qui connaît forcément le contenu des obligations douanières ne saurait suffire à rendre opposable à un particulier une réglementation communautaire qui n'a pas fait l'objet d'une publication régulière au Journal officiel de l'Union européenne.

De même, si la législation communautaire est disponible sur Internet et que les particuliers en prennent de plus en plus souvent connaissance par ce moyen, une telle mise à disposition de cette législation ne saurait équivaloir à une publication en bonne et due forme au Journal officiel de l'Union européenne en l'absence, dans le droit communautaire, de toute réglementation à cet égard. Au demeurant, même si différents États membres ont adopté comme forme valable une publication électronique, celle-ci fait l'objet de textes législatifs ou réglementaires qui l'organisent avec précision et déterminent exactement les cas dans lesquels une telle publication est valable. Or, en l'état actuel du droit communautaire, la Cour n'est pas en mesure de considérer cette forme de mise à disposition de la législation communautaire comme suffisante pour assurer son opposabilité. Dès lors, la seule version d'un règlement communautaire qui fait foi est, en l'état actuel du droit communautaire, celle qui est publiée au Journal officiel de l'Union européenne, de sorte qu'une version électronique antérieure à cette publication, même si elle se révèle par la suite conforme à la version publiée, ne peut être opposée aux particuliers.

(cf. points 38-42, 45-46, 48-51, disp. 1)

2. En jugeant qu'un règlement communautaire, non publié dans la langue d'un État membre, n'est pas opposable aux particuliers dans cet État, la Cour procède à une interprétation du droit communautaire au sens de l'article 234 CE.

En effet, les dispositions des articles 254, paragraphe 2, première phrase, CE, 2 et 58 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne, ainsi que des articles 4 et 5 du règlement nº 1, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne, ne conditionnent pas la validité d'un règlement applicable dans les États membres dans lesquels il a été régulièrement publié. En outre, la circonstance que ce règlement ne soit pas opposable aux particuliers dans un État membre dans la langue duquel il n'a pas été publié n'a aucune incidence sur le fait que, faisant partie de l'acquis communautaire, il lie par ses dispositions l'État membre considéré dès l'adhésion. L'interprétation combinée desdites dispositions a pour objet et pour effet de retarder l'opposabilité des obligations qu'un règlement communautaire impose aux particuliers dans un État membre jusqu'à ce que ces derniers puissent en prendre connaissance d'une manière officielle dépourvue de toute ambiguïté.

(cf. points 57-61, disp. 2)

3. Dans le cadre d'un renvoi préjudiciel portant sur l'interprétation d'une disposition du droit communautaire, la Cour peut, à titre exceptionnel, par application du principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Toutefois, s'il ne s'agit pas de la question de la limitation dans le temps des effets d'un arrêt de la Cour concernant l'interprétation d'une disposition du droit communautaire, mais de celle de la limitation des effets d'un arrêt constatant l'inopposabilité même, sur le territoire d'un État membre, d'un acte communautaire non publié dans la langue de cet État, ce dernier n'a pas, en vertu du droit communautaire, l'obligation de remettre en cause les décisions administratives ou juridictionnelles prises sur la base de telles règles, dès lors qu'elles seraient devenues définitives en vertu des règles nationales applicables.

En vertu d'une disposition expresse du traité CE, à savoir de l'article 231 CE, la Cour peut, alors même qu'un acte illégal est annulé et qu'il est censé n'être jamais intervenu, décider qu'il sortira néanmoins légalement certaines de ses conséquences juridiques. Les mêmes exigences de sécurité juridique commandent qu'il en aille de même pour les décisions nationales prises en application de dispositions de droit communautaire qui ne sont pas devenues opposables sur le territoire de certains États membres, faute d'avoir été régulièrement publiées au Journal officiel de l'Union européenne dans la langue officielle des États concernés, à l'exception de celles de ces décisions qui avaient fait l'objet de recours administratifs ou juridictionnels à la date de l'arrêt.

Il n'en irait autrement, en vertu du droit communautaire, que dans les cas exceptionnels où ont été prises des mesures administratives ou des décisions juridictionnelles, notamment à caractère répressif, qui porteraient atteinte à des droits fondamentaux, ce qu'il appartient, dans ces limites, aux autorités nationales compétentes de constater.

(cf. points 67-73)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

11 décembre 2007 (*)

«Acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne – Article 58 – Réglementation communautaire – Absence de traduction dans la langue d’un État membre – Opposabilité»

Dans l’affaire C-161/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE introduite par le Krajský soud v Ostravě (République tchèque), par décision du 10 mars 2006, parvenue à la Cour le 24 mars 2006, dans la procédure

Skoma‑Lux sro

contre

Celní ředitelství Olomouc,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts, A. Tizzano, présidents de chambre, M. R. Schintgen, Mme R. Silva de Lapuerta, M. K. Schiemann, Mme P. Lindh, MM. J.-C. Bonichot (rapporteur), T. von Danwitz et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. J. Swedenborg, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 juin 2007,

considérant les observations présentées:

– pour Skoma-Lux sro, par M. P...

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