Omega Spielhallen- und Automatenaufstellungs-GmbH v Oberbürgermeisterin der Bundesstadt Bonn.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:614
Date14 October 2004
Celex Number62002CJ0036
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-36/02
Arrêt de la Cour
Affaire C-36/02


Omega Spielhallen- und Automatenaufstellungs-GmbH
contre
Oberbürgermeisterin der Bundesstadt Bonn



(demande de décision préjudicielle, formée par le Bundesverwaltungsgericht)

«Libre prestation des services – Libre circulation des marchandises – Restrictions – Ordre public – Dignité humaine – Protection des valeurs fondamentales consacrées par la constitution nationale – 'Jouer à tuer'»

Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 18 mars 2004
Arrêt de la Cour (première chambre) du 14 octobre 2004

Sommaire de l'arrêt

1.
Libre prestation des services – Restrictions – Justification par des raisons d'ordre public – Nécessité et proportionnalité des mesures – Existence de systèmes de protection différents dans d'autres États membres – Absence d'incidence

(Art. 46 CE et 49 CE)

2.
Libre prestation des services – Restrictions – Réglementation nationale interdisant l'exploitation commerciale de jeux de simulation d'actes homicides – Justification – Protection de l'ordre public – Respect de la dignité humaine en tant que principe général du droit

(Art. 46 CE et 49 CE)
1.
Si des mesures restrictives de la libre prestation des services ne peuvent être justifiées par des motifs liés à l’ordre public que si elles sont nécessaires pour la protection des intérêts qu’elles visent à garantir et seulement dans la mesure où ces objectifs ne peuvent être atteints par des mesures moins restrictives, il n’est pas indispensable, à cet égard, que la mesure restrictive édictée par les autorités d’un État membre corresponde à une conception partagée par l’ensemble des États membres en ce qui concerne les modalités de protection du droit fondamental ou de l’intérêt légitime en cause. C’est ainsi que la nécessité et la proportionnalité des dispositions prises en la matière ne sont pas exclues au seul motif qu’un État membre a choisi un système de protection différent de celui adopté par un autre État.

(cf. points 36-38)

2.
Le droit communautaire ne s’oppose pas à ce qu’une activité économique consistant en l’exploitation commerciale de jeux de simulation d’actes homicides fasse l’objet d’une mesure nationale d’interdiction adoptée pour des motifs de protection de l’ordre public en raison du fait que cette activité porte atteinte à la dignité humaine.
En effet, ladite mesure ne saurait être regardée comme une mesure portant une atteinte injustifiée à la libre prestation des services, dès lors que, d’une part, la protection des droits fondamentaux, étant précisé que l’ordre juridique communautaire tend indéniablement à assurer le respect de la dignité humaine en tant que principe général du droit, constitue un intérêt légitime de nature à justifier, en principe, une restriction aux obligations imposées par le droit communautaire, même en vertu d’une liberté fondamentale garantie par le traité telle que la libre prestation de services et que, d’autre part, la mesure en cause correspond au niveau de protection de la dignité humaine que la constitution nationale a entendu assurer sur le territoire de l’État membre concerné et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi.

(cf. points 34-35, 39-41 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
14 octobre 2004(1)


«Libre prestation des services – Libre circulation des marchandises – Restrictions – Ordre public – Dignité humaine – Protection des valeurs fondamentales consacrées par la constitution nationale – ‘Jouer à tuer’»

Dans l'affaire C-36/02,ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE,introduite par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne), par décision du 24 octobre 2001, parvenue à la Cour le 12 février 2002, dans la procédure: Omega Spielhallen- und Automatenaufstellungs-GmbH

contre

Oberbürgermeisterin der Bundesstadt Bonn,

LA COUR (première chambre),,



composée de M. P. Jann, président de chambre, M. A. Rosas (rapporteur), Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Lenaerts et S. von Bahr, juges, avocat général: Mme C. Stix-Hackl,
greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal, vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 4 février 2004,considérant les observations présentées:
pour Omega Spielhallen- und Automatenaufstellungs-GmbH, par Me P. Tuxhorn, Rechtsanwalt,
pour l'Oberbürgermeisterin der Bundesstadt Bonn, par Me F. Montag, Rechtsanwalt,
pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing, en qualité d'agent,
pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes M. Patakia et C. Schmidt, en qualité d'agents,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 18 mars 2004,

rend le présent



Arrêt

1
La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des articles 49 CE à 55 CE sur la libre prestation des services et des articles 28 CE à 30 CE sur la libre circulation des marchandises.
2
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un pourvoi en «Revision» introduit devant le Bundesverwaltungsgericht par la société Omega Spielhallen- und Automatenaufstellungs-GmbH (ci-après «Omega»), à l’occasion duquel cette dernière a mis en cause la compatibilité avec le droit communautaire d’un arrêté d’interdiction adopté à son encontre par l’Oberbürgermeisterin der Bundesstadt Bonn (ci-après l’«autorité de police de Bonn») le 14 septembre 1994.
Les faits, la procédure au principal et la question préjudicielle
3
Omega, qui est une société de droit allemand, exploitait à Bonn (Allemagne), depuis le 1er août 1994, une installation dénommée «laserdrome», normalement destinée à la pratique du «laser-sport». Cette installation a continué à être exploitée après le 14 septembre 1994, Omega ayant obtenu de pouvoir continuer provisoirement l’exploitation par ordonnance du Verwaltungsgericht Köln (Allemagne) en date du 18 novembre 1994. L’équipement utilisé par Omega dans son établissement, comprenant notamment des appareils de visée à laser semblables à des mitraillettes ainsi que des capteurs de rayons installés soit dans des couloirs de tir, soit sur les gilets portés par les joueurs, a été initialement développé à partir d’un jouet pour enfant librement disponible dans le commerce. Cet équipement s’étant révélé techniquement insuffisant, Omega a eu recours, à partir d’une date non spécifiée mais postérieure au 2 décembre 1994, à l’équipement fourni par la société britannique Pulsar International Ltd (devenue Pulsar Advanced Games Systems Ltd, ci-après «Pulsar»). Toutefois, un contrat de franchisage avec Pulsar n’a été conclu que le 29 mai 1997.
4
Avant même l’ouverture au public du «laserdrome», une partie de la population avait manifesté son opposition à ce projet. Au début de l’année 1994, l’autorité de police de Bonn a enjoint à Omega de lui fournir un descriptif précis du déroulement du jeu prévu pour ce «laserdrome» et, par lettre du 22 février 1994, l’a avertie de son intention de prendre un arrêté d’interdiction au cas où il serait possible d’y «jouer à tuer» des personnes. Omega a répondu, le 18 mars 1994, qu’il s’agirait uniquement d’atteindre des capteurs fixes installés dans des couloirs de tir.
5
Ayant observé que le jeu pratiqué dans le «laserdrome» avait également pour but d’atteindre des capteurs placés sur les gilets portés par les joueurs, l’autorité de police de Bonn a, le 14 septembre 1994, pris un arrêté à l’encontre d’Omega lui interdisant «de permettre ou de tolérer dans son [...] établissement des jeux ayant pour objet de tirer sur des cibles humaines au moyen d’un rayon laser ou d’autres installations techniques (par exemple infrarouge), donc, en enregistrant les tirs ayant atteint leur cible, de ‘jouer à tuer’ des personnes», sous astreinte de 10 000 DEM par partie jouée en contravention de cet arrêté.
6
Ledit arrêté a été pris sur le fondement de l’habilitation conférée par l’article 14, paragraphe 1, de l’Ordnungsbehördengesetz Nordrhein-Westfalen (loi...

To continue reading

Request your trial
34 practice notes
  • Idryma Typou AE v Ypourgos Typou kai Meson Mazikis Enimerosis.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 2 June 2010
    ...note 70, point 74) dans le contexte d’une restriction à la libre circulation des marchandises. Voir aussi arrêts du 14 octobre 2004, Omega (C-36/02, Rec. p. I-9609, point 35), concernant la dignité humaine en tant que restriction à la libre prestation de services; du 13 décembre 2007, Unite......
  • Accession of the European Union to the European Convention on Human Rights
    • European Union
    • Court of Justice of the European Union
    • 18 December 2014
    ...the EU. 132 Examples to illustrate these issues can be found, inter alia, in the judgments in Schmidberger (C-112/00, EU:C:2003:333); Omega (C-36/02, EU:C:2004:614); International Transport Workers' Federation and Finnish Seamen's Union (‘Viking’, C-438/05, EU:C:2007:772); Laval un Partneri......
  • Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 15 avril 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 April 2021
    ...définition de l’ordre public, arrêts du 4 décembre 1974, van Duyn (41/74, EU:C:1974:133, point 18) ; du 14 octobre 2004, Omega (C‑36/02, EU:C:2004:614, point 31) ; du 22 décembre 2010, Sayn-Wittgenstein (C‑208/09, EU:C:2010:806, point 87), ainsi que du 2 juin 2016, Bogendorff von Wolffersdo......
  • Katoen Natie Bulk Terminals NV and General Services Antwerp NV v Belgische Staat.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 February 2021
    ...una de ellas es por completo secundaria con respecto a la otra y puede subordinarse a ella (sentencia de 14 de octubre de 2004, Omega, C‑36/02, EU:C:2004:614, apartado 26 y jurisprudencia 85 Lo mismo debe suceder con una medida que se refiere tanto a la libertad de establecimiento, o a la l......
  • Request a trial to view additional results
13 cases
  • Idryma Typou AE v Ypourgos Typou kai Meson Mazikis Enimerosis.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 2 June 2010
    ...note 70, point 74) dans le contexte d’une restriction à la libre circulation des marchandises. Voir aussi arrêts du 14 octobre 2004, Omega (C-36/02, Rec. p. I-9609, point 35), concernant la dignité humaine en tant que restriction à la libre prestation de services; du 13 décembre 2007, Unite......
  • Accession of the European Union to the European Convention on Human Rights
    • European Union
    • Court of Justice of the European Union
    • 18 December 2014
    ...the EU. 132 Examples to illustrate these issues can be found, inter alia, in the judgments in Schmidberger (C-112/00, EU:C:2003:333); Omega (C-36/02, EU:C:2004:614); International Transport Workers' Federation and Finnish Seamen's Union (‘Viking’, C-438/05, EU:C:2007:772); Laval un Partneri......
  • Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 15 avril 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 April 2021
    ...définition de l’ordre public, arrêts du 4 décembre 1974, van Duyn (41/74, EU:C:1974:133, point 18) ; du 14 octobre 2004, Omega (C‑36/02, EU:C:2004:614, point 31) ; du 22 décembre 2010, Sayn-Wittgenstein (C‑208/09, EU:C:2010:806, point 87), ainsi que du 2 juin 2016, Bogendorff von Wolffersdo......
  • Katoen Natie Bulk Terminals NV and General Services Antwerp NV v Belgische Staat.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 February 2021
    ...una de ellas es por completo secundaria con respecto a la otra y puede subordinarse a ella (sentencia de 14 de octubre de 2004, Omega, C‑36/02, EU:C:2004:614, apartado 26 y jurisprudencia 85 Lo mismo debe suceder con una medida que se refiere tanto a la libertad de establecimiento, o a la l......
  • Request a trial to view additional results
20 books & journal articles
  • Pluralism, Deference and the Margin of Appreciation Doctrine
    • European Union
    • European Law Journal No. 17-1, January 2011
    • 1 January 2011
    ...477 and 479.65 Craig, ibid,at704.66 cf ibid, at 704; Wouters, op cit n29supra, at 56; Tridimas, op cit n39supra, at 193. See, eg, Case C-36/02,Omega Spielhallen [2004] ECR I-9609; Case C-24/00, Commission v France (vitamins and caffeine) [2004]ECR I-1277; Case C-387/99, Commission v Germany......
  • El reconocimiento mutuo en materia penal y los derechos fundamentales: de la confianza «ciega» a la confianza reservada
    • European Union
    • El reconocimiento mutuo en el derecho Español y Europeo Parte II. Reconocimiento mutuo, asilo y derecho penal
    • 5 May 2018
    ...a lo que ocurre en el Estado de emisión ha implicado que el interés preponde- de octubre de 2004, as. C-36-02, Omega Spielhallen , ECLI:EU:C:2004:614, apdos. 34-35. En este sentido, en general, vid. MARGUERY (2013: 298). 337 Conclusiones del abogado general Yves Bot presentadas el 3 de marz......
  • A Disabled Market: Free Movement of Goods and Services in the EU and Disability Accessibility
    • European Union
    • European Law Journal No. 15-5, September 2009
    • 1 September 2009
    ...Tobacco Advertising case, n 52 supra, on this point.119 Case C-112/00, Schmidberger v Austria [2003] ECR I-5659.120 Paragraph 74. See also Case C-36/02, Omega Spielhallen- und Automatenaufstellungs-GmbH v Oberbürg-ermeisterin der Bundesstadt Bonn [2004] ECR I-9609, in which the ECJ held tha......
  • El reconocimiento mutuo y el derecho primario del mercado interior
    • European Union
    • El reconocimiento mutuo en el derecho Español y Europeo Parte I. Reconocimiento mutuo, mercado y administración
    • 5 May 2018
    ...de 12 de junio de 2003, as. C-112/00, Schmidberger , ECLI:EU:C:2003:333, apdo. 82, y de 14 de octubre de 2004, as. C-36/02, Omega , ECLI:EU:C:2004:614, apdo. 35. 40 STJUE de 26 de octubre de 2006, as. C-65/05, Comisión c. Grecia (juegos electrónicos) , ECLI:EU:C:2006:673, apdo. 32. 41 STJUE......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT