Glencore Agriculture Hungary Kft. v Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:861
Date16 October 2019
Celex Number62018CJ0189
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-189/18
62018CJ0189

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

16 octobre 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Articles 167 et 168 – Droit à déduction de la TVA – Refus – Fraude – Administration des preuves – Principe du respect des droits de la défense – Droit d’être entendu – Accès au dossier – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Contrôle juridictionnel effectif – Principe d’égalité des armes – Principe du contradictoire – Réglementation ou pratique nationale selon laquelle, lors d’une vérification du droit à déduction de la TVA exercé par un assujetti, l’administration fiscale est liée par les constatations de fait et les qualifications juridiques qui ont été effectuées par elle dans le cadre de procédures administratives connexes auxquelles cet assujetti n’était pas partie »

Dans l’affaire C‑189/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest, Hongrie), par décision du 14 février 2018, parvenue à la Cour le 13 mars 2018, dans la procédure

Glencore Agriculture Hungary Kft.

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. I. Jarukaitis (rapporteur), E. Juhász, M. Ilešič et C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : Mme R. Şereş, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 mars 2019,

considérant les observations présentées :

pour Glencore Agriculture Hungary Kft., par Mes Z. Várszegi, D. Kelemen et B. Balog, ügyvédek,

pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. L. Havas et Mme J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 juin 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »), du principe du respect des droits de la défense et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Glencore Agriculture Hungary Kft. (ci-après « Glencore ») au Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága (direction des recours de l’administration nationale des impôts et des douanes, Hongrie) (ci-après l’« administration fiscale ») au sujet de deux décisions ordonnant notamment le paiement de sommes au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la « TVA ») pour les exercices 2010 et 2011.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 167 de la directive TVA dispose :

« Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. »

4

L’article 168 de cette directive prévoit :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)

la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

[...] »

Le droit hongrois

5

L’article 119, paragraphe 1, de l’általános forgalmi adóról szóló 2007. évi CXXVII. törvény (loi no CXXVII de 2007 relative à la taxe sur la valeur ajoutée) dispose :

« À moins que la loi n’en dispose autrement, le droit à déduction de la taxe prend naissance lorsqu’il faut établir la taxe due correspondant à la taxe calculée en amont (article 120). »

6

Aux termes de l’article 120 de cette loi :

« Dans la mesure où les biens ou les services sont utilisés, ou autrement exploités, par l’assujetti – et en cette qualité – en vue d’effectuer des livraisons de biens ou des prestations de services taxées, celui-ci a le droit de déduire du montant de la taxe dont il est redevable :

a)

la taxe qui lui est facturée par tout autre assujetti – en ce compris toute personne ou entité soumise à l’impôt simplifié sur les sociétés – à l’occasion de l’acquisition des biens ou de l’utilisation des services ;

[...] »

7

L’article 1er, paragraphe 3a, de l’adózás rendjéről szóló 2003. évi XCII. törvény (loi no XCII de 2003 portant code de procédure fiscale, ci-après le « code de procédure fiscale ») dispose :

« Dans le cadre du contrôle des parties au rapport juridique (contrat, opération) que concerne l’obligation fiscale, l’autorité fiscale ne peut pas qualifier un même rapport juridique concerné par le contrôle et qui a déjà fait l’objet d’une qualification différemment pour chaque assujetti, et elle applique d’office les constatations faites chez l’une des parties à ce rapport juridique en cas de contrôle chez tout autre partie audit rapport. »

8

Conformément à l’article 12, paragraphes 1 et 3, du code de procédure fiscale, l’assujetti, de même que toute personne tenue au paiement de l’impôt en vertu de l’article 35, paragraphes 2 et 7, a le droit de prendre connaissance des documents relatifs à l’imposition. Il peut consulter, prendre ou demander copie, de tout document nécessaire à l’exercice de ses droits ou à l’accomplissement de ses obligations. Néanmoins, l’assujetti ne peut pas consulter, notamment, toute partie d’un document contenant des informations sur une autre personne et dont la divulgation violerait une disposition en matière de secret fiscal.

9

L’article 97, paragraphes 4 et 5, de ce code prévoit :

« 4. Au cours du contrôle, l’autorité fiscale a l’obligation d’établir et de prouver les faits, sauf dans les cas où c’est le contribuable qui, en vertu d’une loi, a la charge de la preuve.

5. Sont notamment considérés comme moyens de preuve et preuves admissibles [...] les constatations des contrôles connexes qui ont été ordonnés [...] »

10

Aux termes de l’article 100, paragraphe 4, dudit code :

« Si l’autorité fiscale étaye les conclusions d’une enquête à l’aide des résultats d’un contrôle connexe effectué chez un autre assujetti, ou à l’aide des données et preuves obtenues à cette occasion, l’assujetti reçoit une communication détaillée de la partie qui le concerne du procès-verbal et de la décision y relatifs, et des données et preuves recueillies lors du contrôle connexe. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11

Glencore est une société établie en Hongrie, qui exerce principalement une activité de négoce en gros de céréales, de graines oléagineuses et d’aliments pour animaux ainsi que de matières premières.

12

À la suite de contrôles portant, d’une part, sur tous les impôts et les subventions des exercices 2010 et 2011, à l’exception de la TVA des mois de septembre et d’octobre 2011, et, d’autre part, sur la TVA du mois d’octobre 2011, l’administration fiscale a adopté deux décisions, la première ordonnant notamment à Glencore de verser la somme de 1951418000 forints hongrois (HUF) (environ 6000000 d’euros) au titre de la TVA ainsi qu’une amende et une pénalité de retard, la seconde lui enjoignant de payer un complément de TVA d’un montant de 130171000 HUF (environ 400000 euros).

13

Dans ces décisions, l’administration fiscale a estimé que Glencore avait illégalement déduit la TVA dans la mesure où elle savait ou aurait dû savoir que les opérations qu’elle a effectuées avec ses fournisseurs étaient impliquées dans une fraude à la TVA. Elle s’est fondée sur des constatations effectuées chez ces fournisseurs en considérant cette fraude comme un fait établi.

14

Après le rejet de son recours administratif formé contre ces deux décisions, Glencore a introduit un recours en annulation devant le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest, Hongrie), la juridiction de renvoi.

15

À l’appui de ce recours, Glencore soutient notamment que l’administration fiscale a méconnu le droit à un procès équitable garanti par l’article 47 de la Charte ainsi que les exigences que ce droit implique et a enfreint, en particulier, le principe d’égalité des armes. Cette administration a en outre, selon elle, violé le principe du respect des droits de la défense à un double titre. D’une part, ladite administration aurait eu seule accès à l’intégralité du dossier relatif à une procédure pénale visant des fournisseurs, à laquelle Glencore n’était pas partie et dans laquelle elle ne pouvait donc se prévaloir d’aucun droit, et des éléments de preuve auraient été ainsi recueillis et utilisés contre elle. D’autre part, cette même administration n’aurait mis à sa disposition ni le dossier relatif aux contrôles effectués chez ces fournisseurs, en particulier les pièces sur lesquelles sont fondées les constatations qu’elle a opérées, ni son procès-verbal, ni les décisions administratives qu’elle a adoptées, se contentant de ne lui en communiquer qu’une partie, qu’elle a sélectionnée selon ses propres critères.

16

L’administration fiscale soutient que, si Glencore ne peut disposer des droits attachés à la qualité de partie dans une procédure fiscale visant un autre assujetti, les droits de la défense n’ont pas étés violés pour autant, puisqu’elle a pu examiner, dans le cadre de la...

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