Mohamed Daouidi v Bootes Plus SL and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:917
Docket NumberC-395/15
Celex Number62015CJ0395
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date01 December 2016
62015CJ0395

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

1er décembre 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Directive 2000/78/CE — Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail — Articles 1 à 3 — Interdiction de toute discrimination fondée sur un handicap — Existence d’un “handicap” — Notion d’“incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables” — Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Articles 3, 15, 21, 30, 31, 34 et 35 — Licenciement d’un travailleur en situation d’incapacité temporaire de travail, au sens du droit national, pour une durée indéterminée»

Dans l’affaire C‑395/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Social no 33 de Barcelona (tribunal du travail no 33 de Barcelone, Espagne), par décision du 14 juillet 2015, parvenue à la Cour le 22 juillet 2015, dans la procédure

Mohamed Daouidi

contre

Bootes Plus SL,

Fondo de Garantía Salarial,

Ministerio Fiscal,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. M. Vilaras, J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour M. Daouidi, par Me G. Pérez Palomares, abogado,

pour le Ministerio Fiscal, par M. A. C. Andrade Ortiz,

pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,

pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues, D. Colas et R. Coesme, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. D. Martin et N. Ruiz García, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 mai 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3, 15, de l’article 21, paragraphe 1, des articles 30, 31, de l’article 34, paragraphe 1, et de l’article 35 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que des articles 1 à 3 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant, d’une part, M. Mohamed Daouidi et, d’autre part, Bootes Plus SL, le Fondo de Garantía Salarial (Fonds de garantie salariale, Espagne) ainsi que le Ministerio Fiscal (ministère public, Espagne) au sujet du licenciement de M. Daouidi intervenu pendant qu’il était dans une situation d’incapacité temporaire de travail, au sens du droit national, pour une durée indéterminée.

Le cadre juridique

Le droit international

3

La convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, qui a été approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2010/48/CE du Conseil, du 26 novembre 2009 (JO 2010, L 23, p. 35, ci-après la « convention de l’ONU »), énonce, au point e) de son préambule :

« Reconnaissant que la notion de handicap évolue et que le handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».

4

Aux termes de l’article 1er de cette convention, intitulé « Objet » :

« La présente convention a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque.

Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. »

5

L’article 2 de ladite convention, intitulé « Définitions », prévoit, à son troisième alinéa :

« On entend par “discrimination fondée sur le handicap” toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres. La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable ».

Le droit de l’Union

6

Aux termes des considérants 11, 12, 15 et 31 de la directive 2000/78 :

« (11)

La discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle peut compromettre la réalisation des objectifs du traité CE, notamment un niveau d’emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de la vie, la cohésion économique et sociale, la solidarité et la libre circulation des personnes.

(12)

À cet effet, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle dans les domaines régis par la présente directive doit être interdite dans la Communauté. [...]

[...]

(15)

L’appréciation des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte appartient à l’instance judiciaire nationale ou à une autre instance compétente, conformément au droit national ou aux pratiques nationales, qui peuvent prévoir, en particulier, que la discrimination indirecte peut être établie par tous moyens, y compris sur la base de données statistiques.

[...]

(31)

L’aménagement des règles concernant la charge de la preuve s’impose dès qu’il existe une présomption de discrimination et, dans les cas où cette situation se vérifie, la mise en œuvre effective du principe de l’égalité de traitement requiert que la charge de la preuve revienne à la partie défenderesse. Toutefois, il n’incombe pas à la partie défenderesse de prouver que la partie demanderesse appartient à une religion donnée, possède des convictions données, présente un handicap donné, est d’un âge donné ou d’une orientation sexuelle donnée. »

7

L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », énonce :

« La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l[e] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement. »

8

L’article 2 de ladite directive, intitulé « Concept de discrimination », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2. Aux fins du paragraphe 1 :

a)

une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;

b)

une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :

i)

cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ou que

ii)

dans le cas des personnes d’un handicap donné, l’employeur ou toute personne ou organisation auquel s’applique la présente directive ne soit obligé, en vertu de la législation nationale, de prendre des mesures appropriées conformément aux principes prévus à l’article 5 afin d’éliminer les désavantages qu’entraîne cette disposition, ce critère ou cette pratique. »

9

L’article 3 de cette même directive, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1, sous c) :

« Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

[...]

c)

les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ».

10

L’article 10 de la directive 2000/78, intitulé « Charge de la preuve », prévoit, à ses paragraphes 1, 2 et 5 :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.

2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à l’adoption par les États membres de règles de la preuve plus favorables aux plaignants.

[...]

5. Les États membres...

To continue reading

Request your trial
9 practice notes
  • Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 3 May 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 May 2018
    ...2016, Paoletti and Others (C‑218/15, EU:C:2016:748, paragraph 14 et seq.). 38 See, in particular, judgment of 1 December 2016, Daouidi (C‑395/15, EU:C:2016:917, paragraph 39 According to the Spanish Government, this constitutes the exercise of the right to punish (ius puniendi) by the State......
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 5 March 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 5 March 2020
    ...conclusions. 86 Voir à ce sujet déjà les points 170 à 175 des présentes conclusions. 87 Voir en ce sens arrêt du 1er décembre 2016, Daouidi (C‑395/15, EU:C:2016:917, points 64 et suivants). De même arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 88 Voir sur cette qu......
  • VL v Szpital Kliniczny im. dra J. Babińskiego Samodzielny Publiczny Zakład Opieki Zdrowotnej w Krakowie.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 26 January 2021
    ...senza distinzione né limitazione, tutte le disabilità, ai sensi della stessa (v., in tal senso, sentenza del 1° dicembre 2016, Daouidi, C‑395/15, EU:C:2016:917, punto 42 e giurisprudenza ivi 57 In particolare, tale giudice dovrà accertare se, avendo subordinato il beneficio dell’integrazion......
  • Equidad y principio de no discriminación en el pilar social europeo
    • European Union
    • La profundización de la unión económica y monetaria
    • 30 April 2019
    ..., C-406/15, EU:C:2017:198, apartado 36; Sentencia de 1 de diciembre de 2016, Mohamed Daouidi contra Bootes Plus, S.L., y otros, C-395/15, EU:C:2016:917, apdos. 40 y ss. 45 Handbook on European non-discrimination law..., op. cit., p. 64. 46 Sentencia de 1 de diciembre de 2016, Mohamed Daouid......
  • Request a trial to view additional results
4 cases
  • VL v Szpital Kliniczny im. dra J. Babińskiego Samodzielny Publiczny Zakład Opieki Zdrowotnej w Krakowie.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 26 January 2021
    ...senza distinzione né limitazione, tutte le disabilità, ai sensi della stessa (v., in tal senso, sentenza del 1° dicembre 2016, Daouidi, C‑395/15, EU:C:2016:917, punto 42 e giurisprudenza ivi 57 In particolare, tale giudice dovrà accertare se, avendo subordinato il beneficio dell’integrazion......
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 5 March 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 5 March 2020
    ...points 130 and 132 of this Opinion. 86 See points 170 to 175 of this Opinion. 87 See, to that effect, judgment of 1 December 2016, Daouidi (C‑395/15, EU:C:2016:917, paragraph 64 et seq.). See also judgment of 13 September 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, paragraph 88 See, on thi......
  • Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 3 May 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 3 May 2018
    ...2016, Paoletti and Others (C‑218/15, EU:C:2016:748, paragraph 14 et seq.). 38 See, in particular, judgment of 1 December 2016, Daouidi (C‑395/15, EU:C:2016:917, paragraph 39 According to the Spanish Government, this constitutes the exercise of the right to punish (ius puniendi) by the State......
  • DW v Nobel Plastiques Ibérica SA.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 September 2019
    ...ist (Urteile vom 11. April 2013, HK Danmark, C‑335/11 und C‑337/11, EU:C:2013:222, Rn. 30 und 31, und vom 1. Dezember 2016, Daouidi, C‑395/15, EU:C:2016:917, Rn. 40 Folglich kann das VN-Übereinkommen zur Auslegung dieser Richtlinie herangezogen werden, die nach Möglichkeit in Übereinstimmun......
5 books & journal articles
  • The Charter of Fundamental Rights of the european union and its field of application to the member states: some considerations as regards Italy
    • European Union
    • La Carta de Derechos Fundamentales de la Unión Europea, veinte años después La aplicación de la Carta por los tribunales estatales. I. Derecho comparado
    • 1 January 2022
    ...already quoted, point 39. The Advocate General Bot had already come to the same conclusions in the judgment of 26 th May 2016, Daouidi , case C-395/15, ECLI:EU:C:2016:917, point 32 and the following. 63 Court of Justice, order on 13 rd February 2020, « MAK TURS» AD v. Direktor na Direktsia ......
  • Equidad y principio de no discriminación en el pilar social europeo
    • European Union
    • La profundización de la unión económica y monetaria
    • 30 April 2019
    ..., C-406/15, EU:C:2017:198, apartado 36; Sentencia de 1 de diciembre de 2016, Mohamed Daouidi contra Bootes Plus, S.L., y otros, C-395/15, EU:C:2016:917, apdos. 40 y ss. 45 Handbook on European non-discrimination law..., op. cit., p. 64. 46 Sentencia de 1 de diciembre de 2016, Mohamed Daouid......
  • The definition of discrimination
    • European Union
    • Country report non-discrimination. Transposition and implementation at national level of Council Directives 2000/43 and 2000/78: Germany 2020
    • 15 September 2020
    ...that may be regarded as ‘long-term’, taking therefore a rather circumstantial approach: Judgment of 1 December 2016, Daouidi, C-395/15, ECLI:EU:C:2016:917 http://curia.europa.eu/juris/celex.jsf?celex=62015CJ0395&lang1=en&type=TXT&ancre= . 104Section 2(3) SGB IX. 105Section 69(1) SGB IX. 106......
  • The definition of discrimination
    • European Union
    • Country report non-discrimination. Transposition and implementation at national level of Council Directives 2000/43 and 2000/78: Spain 2020
    • 15 September 2020
    .... 16 2000/78/EC. On 1 December 2016, the CJEU delivered its decision on the Daouidi case (C-395/15).34 In the synthesis of the answer to the question of the Spanish judge, the Court established ‘that Directive 2000/78 must be interpreted as meaning that: – the fact that the person concerned......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT