Rosalba Alassini v Telecom Italia SpA (C-317/08), Filomena Califano v Wind SpA (C-318/08), Lucia Anna Giorgia Iacono v Telecom Italia SpA (C-319/08) and Multiservice Srl v Telecom Italia SpA (C-320/08).
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62008CJ0317 |
ECLI | ECLI:EU:C:2010:146 |
Docket Number | C-318/08,,C-317/08,,C-320/08,C-319/08 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Date | 18 March 2010 |
Affaires jointes C-317/08 à C-320/08
Rosalba Alassini e.a.
contre
Telecom Italia SpA e.a.
(demandes de décision préjudicielle, introduites par
le Giudice di pace di Ischia)
«Demande de décision préjudicielle — Principe de protection juridictionnelle effective — Réseaux et services de communications électroniques — Directive 2002/22/CE — Service universel — Litiges entre utilisateurs finals et fournisseurs — Tentative de conciliation extrajudiciaire obligatoire»
Sommaire de l'arrêt
1. Rapprochement des législations — Réseaux et services de communications électroniques — Service universel et droits des utilisateurs — Directive 2002/22 — Règlement extrajudiciaire des litiges
(Directive du Parlement européen et du Conseil 2002/22, art. 34)
2. Droit communautaire — Principes — Droit à une protection juridictionnelle effective
1. L’article 34 de la directive 2002/22, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel»), doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle les litiges en matière de services de communications électroniques entre utilisateurs finals et fournisseurs desdits services, relevant des droits conférés par cette directive, doivent faire l’objet d’une tentative de conciliation extrajudiciaire obligatoire comme condition de recevabilité des recours juridictionnels.
En effet, l’article 34, paragraphe 1, de cette directive assigne comme objectif aux États membres l’instauration de procédures extrajudiciaires pour régler les litiges non résolus auxquels sont parties des consommateurs et qui concernent des questions relevant de ladite directive. Dans ces conditions, le fait qu’une réglementation nationale, non seulement ait mis en place une procédure de conciliation extrajudiciaire, mais, de surcroît, ait rendu obligatoire le recours à celle-ci, préalablement à la saisine d’un organe juridictionnel, n’est pas de nature à compromettre la réalisation de l’objectif susmentionné. Au contraire, une telle réglementation, en ce qu’elle garantit le caractère systématique du recours à une procédure extrajudiciaire de règlement des litiges, tend à renforcer l’effet utile de la directive «service universel».
(cf. points 45, 67, disp. 1)
2. Les principes d’équivalence et d’effectivité ainsi que le principe de protection juridictionnelle effective ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui impose, pour des litiges en matière de services de communications électroniques entre utilisateurs finals et fournisseurs desdits services relevant des droits conférés par la directive 2002/22, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel»), la mise en œuvre préalable d’une procédure de conciliation extrajudiciaire lorsque cette procédure n’aboutit pas à une décision contraignante pour les parties, n’entraîne pas de retard substantiel pour l’introduction d’un recours juridictionnel, suspend la prescription des droits concernés et ne génère pas de frais, ou des frais peu importants, pour les parties, pour autant toutefois que la voie électronique ne constitue pas l’unique moyen d’accès à ladite procédure de conciliation et que des mesures provisoires sont envisageables dans les cas exceptionnels où l’urgence de la situation l’impose.
Certes, en conditionnant la recevabilité des recours juridictionnels introduits en matière de services de communications électroniques à la mise en œuvre d’une tentative de conciliation obligatoire, une telle réglementation introduit une étape supplémentaire pour l’accès au juge. Cette condition pourrait affecter le principe de protection juridictionnelle effective, réaffirmé à l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Néanmoins, les droits fondamentaux ne constituent pas des prérogatives absolues, mais peuvent comporter des restrictions, à condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la mesure en cause et n’impliquent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis. À cet égard, dès lors que la réglementation nationale vise un règlement plus rapide et moins onéreux des litiges en matière de communications électroniques, ainsi qu’un désencombrement des tribunaux, elle poursuit, par conséquent, des objectifs d’intérêt général légitimes. Ensuite, l’imposition d’une telle procédure de règlement extrajudiciaire n’est pas, au regard de ses modalités précises de fonctionnement, précitées, disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis dès lors que, d’une part, il n’existe pas d’alternative moins contraignante à la mise en œuvre d’une procédure obligatoire, l’introduction d’une procédure de règlement extrajudiciaire purement facultative ne constituant pas un moyen aussi efficace d’atteindre lesdits objectifs, et que, d'autre part, il n’existe pas de disproportion manifeste entre ces objectifs et les éventuels inconvénients causés par le caractère obligatoire de la procédure de conciliation extrajudiciaire.
(cf. points 54-59, 61-65, 67, disp. 2)
ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
18 mars 2010 (*)
«Demande de décision préjudicielle – Principe de protection juridictionnelle effective – Réseaux et services de communications électroniques – Directive 2002/22/CE – Service universel – Litiges entre utilisateurs finals et fournisseurs – Tentative de conciliation extrajudiciaire obligatoire»
Dans les affaires jointes C‑317/08, C‑318/08, C‑319/08 et C‑320/08,
ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par le Giudice di pace di Ischia (Italie), par décisions du 4 avril 2008, parvenues à la Cour le 15 juillet 2008, dans les procédures
Rosalba Alassini
contre
Telecom Italia SpA (C‑317/08)
et
Filomena Califano
contre
Wind SpA (C‑318/08)
et
Lucia Anna Giorgia Iacono
contre
Telecom Italia SpA (C‑319/08)
et
Multiservice Srl
contre
Telecom Italia SpA (C‑320/08),
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. G. Arestis, J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: Mme R. Şereş, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 septembre 2009,
considérant les observations présentées:
– pour Wind SpA, par Me D. Cutolo, avvocato,
– pour le gouvernement italien, par M. P. Gentili, avvocato dello Stato,
– pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement polonais, par M. M. Dowgielewicz, en qualité d’agent,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. N. Bambara, A. Nijenhuis et I. V. Rogalski ainsi que par Mme S. La Pergola, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 novembre 2009,
rend le présent
Arrêt
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation du principe de protection juridictionnelle effective par rapport à une réglementation nationale qui prévoit une tentative de conciliation extrajudiciaire obligatoire comme condition de recevabilité des recours juridictionnels dans certains litiges entre fournisseurs et utilisateurs finals relevant de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de quatre litiges opposant, d’une part, Mmes Alassini et Iacono ainsi que Multiservice Srl à Telecom Italia SpA et, d’autre part, Mme Califano à Wind SpA, au sujet de prétendues inexécutions des contrats liant les parties en cause au principal et ayant pour objet la prestation de services téléphoniques aux requérantes au principal par l’un ou l’autre défendeur au principal, fournisseur desdits services.
Le cadre juridique
La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
3 Sous l’intitulé «Droit à un procès équitable», l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), prévoit:
«Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. […]»
Le droit de l’Union
4 L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), telle qu’adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg (JO C 303, p. 1), intitulé «Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial», dispose:
«Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.
Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à...
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