Maximilian Schrems v Facebook Ireland Limited.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:37
Docket NumberC-498/16
Celex Number62016CJ0498
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date25 January 2018
62016CJ0498

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

25 janvier 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Règlement (CE) no 44/2001 – Articles 15 et 16 – Compétence judiciaire en matière de contrats conclus par les consommateurs – Notion de “consommateur” – Cession entre consommateurs de droits à faire valoir à l’encontre d’un même professionnel »

Dans l’affaire C‑498/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), par décision du 20 juillet 2016, parvenue à la Cour le 19 septembre 2016, dans la procédure

Maximilian Schrems

contre

Facebook Ireland Limited,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur), D. Šváby et M. Vilaras, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 juillet 2017,

considérant les observations présentées :

pour M. Schrems, par Mes W. Proksch et H. Hofmann, Rechtsanwälte,

pour Facebook Ireland Limited, par Mes N. Pitkowitz, M. Foerster et K. Struckmann, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement autrichien, par MM. G. Eberhard et G. Kunnert, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze, R. Kanitz et M. Hellmann, en qualité d’agents,

pour le gouvernement portugais, par MM. M. Figueiredo et L. Inez Fernandes ainsi que par Mme S. Duarte Afonso, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin et Mme M. Heller, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 15 et 16 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Maximilian Schrems, domicilié en Autriche, à Facebook Ireland Limited, dont le siège social se trouve en Irlande, au sujet de demandes de constatation, de cessation, d’information, de reddition de comptes, ainsi que du paiement d’un montant de 4000 euros, concernant les comptes Facebook privés tant de M. Schrems que de sept autres personnes ayant cédé à celui-ci leurs droits relatifs à ces comptes.

Le cadre juridique

Le règlement no 44/2001

3

Aux termes des considérants 8, 11 et 13 du règlement no 44/2001 :

« (8)

Il doit exister un lien entre les litiges couverts par le présent règlement et le territoire des États membres qu’il lie. Les règles communes en matière de compétence doivent donc s’appliquer en principe lorsque le défendeur est domicilié dans un de ces États membres.

[...]

(11)

Les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de juridictions.

[...]

(13)

S’agissant des contrats d’assurance, de consommation et de travail, il est opportun de protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales. »

4

L’article 2 dudit règlement dispose :

« 1. Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.

2. Les personnes qui ne possèdent pas la nationalité de l’État membre dans lequel elles sont domiciliées y sont soumises aux règles de compétence applicables aux nationaux. »

5

La section 4 du chapitre II du règlement no 44/2001, intitulée « Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs », comprend les articles 15 à 17.

6

L’article 15 de ce règlement dispose :

« 1. En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5, point 5 :

a)

lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels ;

b)

lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets ;

c)

lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.

2. Lorsque le cocontractant du consommateur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de cet État.

3. La présente section ne s’applique pas aux contrats de transport autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement. »

7

L’article 16 dudit règlement prévoit :

« 1. L’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié.

2. L’action intentée contre le consommateur par l’autre partie au contrat ne peut être portée que devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur.

3. Les dispositions du présent article ne portent pas atteinte au droit d’introduire une demande reconventionnelle devant le tribunal saisi d’une demande originaire conformément à la présente section. »

8

L’article 17 du même règlement énonce :

« Il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions :

1)

postérieures à la naissance du différend, ou

2)

qui permettent au consommateur de saisir d’autres tribunaux que ceux indiqués à la présente section, ou

3)

qui, passées entre le consommateur et son cocontractant ayant, au moment de la conclusion du contrat, leur domicile ou leur résidence habituelle dans un même État membre, attribuent compétence aux tribunaux de cet État membre, sauf si la loi de celui-ci interdit de telles conventions. »

Le règlement (UE) no 1215/2012

9

Le règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1), a abrogé le règlement no 44/2001. Toutefois, conformément à son article 66, paragraphe 1, le règlement no 1215/2012 n’est applicable qu’aux actions judiciaires intentées à compter du 10 janvier 2015.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10

M. Schrems utilise le réseau social Facebook depuis l’année 2008. Au début, il a utilisé ce réseau social seulement à des fins personnelles sous un faux nom. Depuis l’année 2010, il consacre un compte Facebook à ses seules activités privées comme l’échange de photographies, la conversation et l’affichage avec environ 250 amis. Il y écrit son nom en lettres cyrilliques, afin d’empêcher toute recherche sur son nom. En outre, depuis l’année 2011, il a ouvert une page Facebook qu’il a enregistrée et créée lui-même, afin d’informer les internautes de son action contre Facebook Ireland, de ses conférences, de ses participations à des débats et de ses interventions dans les médias, ainsi que de lancer des appels aux dons et de faire de la publicité pour ses livres.

11

Dès le mois d’août 2011, M. Schrems a déposé devant la commission irlandaise pour la protection des données 23 réclamations contre Facebook Ireland, dont une a donné lieu à un renvoi préjudiciel devant la Cour (arrêt du 6 octobre 2015, Schrems, C‑362/14, EU:C:2015:650).

12

M. Schrems a publié deux livres concernant son action contre de supposées violations de la protection des données, a donné des conférences, dont certaines rémunérées, notamment chez des organisateurs professionnels, a enregistré de nombreux sites Internet tels que des blogs, des pétitions en ligne ainsi que des sites de financement participatif des actions contre la défenderesse au principal. Par ailleurs, il a fondé une association visant à faire respecter le droit fondamental à la protection des données, a reçu différents prix et s’est fait céder, par plus de 25000 personnes du monde entier, des droits afin de les faire valoir dans la présente affaire.

13

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