Zoran Spasic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:586
Date27 May 2014
Celex Number62014CJ0129
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypePetición de decisión prejudicial - procedimiento de urgencia
Docket NumberC‑129/14
62014CJ0129

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

27 mai 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Procédure préjudicielle d’urgence — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Articles 50 et 52 — Principe ne bis in idem — Convention d’application de l’accord de Schengen — Article 54 — Notions de sanction ‘subie’ et ‘actuellement en cours d’exécution’»

Dans l’affaire C‑129/14 PPU,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberlandesgericht Nürnberg (Allemagne), par décision du 19 mars 2014, parvenue à la Cour le 20 mars 2014, dans la procédure pénale contre

Zoran Spasic,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen, M. Safjan, C. G. Fernlund, présidents de chambre, M. A. Ó Caoimh, Mme C. Toader (rapporteur), M. D. Šváby, MM. E. Jarašiūnas, S. Rodin et F. Biltgen, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. I. Illéssy, administrateur,

vu la demande de la juridiction de renvoi du 19 mars 2014, parvenue à la Cour le 20 mars 2014, de soumettre le renvoi préjudiciel à la procédure d’urgence, conformément à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour,

vu la décision du 31 mars 2014 de la troisième chambre de la Cour de faire droit à cette demande,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 avril 2014,

considérant les observations présentées:

pour M. Spasic, par M. A. Schwarzer, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et F.‑X. Bréchot, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. L. Ventrella, avvocato dello Stato,

pour le Conseil de l’Union européenne, par Mmes P. Plaza et Z. Kupčová, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. W. Bogensberger et R. Troosters, en qualité d’agents,

l’avocat général entendu,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 et entrée en vigueur le 26 mars 1995 (JO 2000, L 239, p. 19, ci-après la «CAAS»), relatif à l’application du principe ne bis in idem, ainsi que sur la compatibilité de cette disposition avec l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée en Allemagne contre M. Spasic, du chef d’une escroquerie que celui-ci a commise en Italie.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La Charte

3

L’article 50 de la Charte, intitulé «Droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction», figure sous le titre VI de celle-ci, lui-même intitulé «Justice». Il est rédigé comme suit:

«Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.»

4

Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés, selon l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE, conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l’interprétation et l’application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions.

5

Sous le titre «Portée […] des droits» garantis, l’article 52 de la Charte, qui figure sous le titre VII «Dispositions générales», dispose:

«1. Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

[...]

3. Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.

[...]

7. Les explications élaborées en vue de guider l’interprétation de la présente Charte sont dûment prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres.»

6

Les explications relatives à la charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17, ci-après les «explications relatives à la Charte») précisent, en ce qui concerne l’article 50 de la Charte, que la règle ne bis in idem trouve à s’appliquer non seulement entre les différentes juridictions d’un même État, mais aussi entre les juridictions de plusieurs États membres, ce qui correspond à l’acquis du droit de l’Union. Ces explications sur le même article 50 se réfèrent, d’ailleurs, expressément aux articles 54 à 58 de la CAAS, en précisant que les exceptions très limitées par lesquelles lesdits articles permettent aux États membres de déroger à la règle ne bis in idem sont couvertes par la clause horizontale de l’article 52, paragraphe 1, sur les limitations.

La CAAS

7

La CAAS a été conclue en vue d’assurer l’application de l’accord entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signé à Schengen le 14 juin 1985 (JO 2000, L 239, p. 13).

8

L’article 54 de la CAAS figure sous le chapitre 3 de celle-ci lequel, est dénommé «Application du principe ne bis in idem». Cet article prévoit:

«Une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation.»

Le protocole intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union

9

La CAAS a été incluse dans le droit de l’Union par le protocole intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne, annexé au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne par le traité d’Amsterdam (JO 1997, C 340, p. 93, ci-après le «protocole de Schengen»), au titre d’«acquis de Schengen», tel que défini à l’annexe de ce protocole. Ce dernier a autorisé treize États membres à instaurer entre eux une coopération renforcée dans le domaine relevant du champ d’application de l’acquis de Schengen.

10

Aux termes de l’article 1er du protocole Schengen, est devenue État contractant de la CAAS, entre-temps, également la République italienne.

11

L’article 2, paragraphe 1, dudit protocole se lit comme suit:

«[...]

[L]e Conseil [de l’Union européenne] [...] détermine, conformément aux dispositions pertinentes des traités, la base juridique pour chacune des dispositions ou décisions qui constituent l’acquis de Schengen.

En ce qui concerne ces dispositions et décisions et conformément à la base juridique que le Conseil a déterminée, la Cour de justice [de l’Union européenne] exerce les compétences qui lui sont conférées par les dispositions pertinentes applicables des traités. [...]

Aussi longtemps que les mesures visées ci-dessus n’ont pas été prises et sans préjudice de l’article 5, paragraphe 2, les dispositions ou décisions qui constituent l’acquis de Schengen sont considérées comme des actes fondés sur le titre VI du traité sur l’Union européenne.»

12

La décision 1999/436/CE du Conseil, du 20 mai 1999, déterminant, conformément aux dispositions pertinentes du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l’Union européenne, la base juridique de chacune des dispositions ou décisions constituant l’acquis de Schengen (JO L 176, p. 17), a été adoptée en application de l’article 2, paragraphe 1, du protocole de Schengen. Il ressort de l’article 2 de la décision 1999/436 et de l’annexe A de celle-ci que le Conseil a désigné l’article 34 UE et l’article 31 UE comme bases juridiques des articles 54 à 58 de la CAAS.

Le protocole (no 19) sur l’acquis de Schengen intégré dans le cadre de l’Union européenne

13

Le protocole (no 19) sur l’acquis de Schengen intégré dans le cadre de l’Union européenne (JO 2008, C 115, p. 290), annexé au traité FUE, a autorisé 25 États membres, dans le cadre juridique et institutionnel de l’Union, à instaurer entre eux une coopération renforcée dans des domaines qui relèvent de l’acquis de Schengen. Ainsi, aux termes de l’article 2 de ce protocole:

«L’acquis de Schengen s’applique aux États membres visés à l’article 1er, sans préjudice de l’article 3 de l’acte d’adhésion du 16 avril 2003 et de l’article 4 de l’acte d’adhésion du 25 avril 2005. Le Conseil se substitue au comité exécutif institué par les accords de Schengen.»

Le protocole (no 36) sur les dispositions...

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