French Republic v People's Mojahedin Organization of Iran.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:853
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-27/09
Date21 December 2011
Celex Number62009CJ0027
Procedure TypeRecurso de anulación

Affaire C-27/09 P

République française

contre

People's Mojahedin Organization of Iran

«Pourvoi — Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme — Position commune 2001/931/PESC — Règlement (CE) nº 2580/2001 — Gel des fonds applicable à un groupe inscrit dans une liste établie, révisée et modifiée par le Conseil de l’Union européenne — Droits de la défense»

Sommaire de l'arrêt

Droit de l'Union — Principes — Droits de la défense — Décision de gel de fonds prise à l'encontre de certaines personnes et entités soupçonnées d'activités terroristes — Obligations du Conseil — Communication à l'intéressé des éléments retenus à charge et droit d'être entendu — Portée — Non-respect — Violation des droits de la défense

(Art. 6, § 1, TUE; charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 41, § 2, a); règlement du Conseil nº 2580/2001, art. 2, § 3; décision du Conseil 2008/583)

Dans le cas d’une décision initiale de gel de fonds, le Conseil n’est pas tenu de communiquer au préalable à la personne ou à l’entité concernée les motifs sur lesquels cette institution entend fonder l’inclusion du nom de cette personne ou entité dans la liste visée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement nº 2580/2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. En effet, une telle mesure, afin de ne pas compromettre son efficacité, doit, par sa nature même, pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer immédiatement. Dans un tel cas, il suffit, en principe, que l’institution procède à la communication des motifs à la personne ou à l’entité concernée et ouvre le droit à l’audition de celle-ci concomitamment avec ou immédiatement après l’adoption de la décision.

En revanche, dans le cas d’une décision subséquente de gel de fonds par laquelle le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà dans la liste visée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement nº 2580/2001 est maintenu, cet effet de surprise n’est plus nécessaire afin d’assurer l’efficacité de la mesure, de sorte que l’adoption d’une telle décision doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendues.

À cet égard, l’élément de protection qu’offrent l’exigence de communication des éléments à charge et le droit de présenter des observations avant l’adoption d’une décision qui déclenche l’application de mesures restrictives est fondamental et essentiel aux droits de la défense. Cela est d’autant plus vrai que de telles mesures ont une importante incidence sur les droits et les libertés des personnes et des groupes visés. En effet, la règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être mis en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci soit prise a pour but que l’autorité concernée soit à même de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents. Afin d’assurer une protection effective dudit destinataire, elle a notamment pour objet que celui-ci puisse corriger une erreur ou faire valoir tels éléments relatifs à sa situation personnelle qui milite dans le sens que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu.

Ce droit fondamental au respect des droits de la défense au cours d’une procédure précédant l’adoption d’une mesure restrictive est, par ailleurs, expressément consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités. Si une exception audit droit fondamental a été admise pour ce qui concerne les décisions initiales de gel de fonds, celle-ci se justifie par la nécessité d’assurer l’efficacité des mesures de gel et, en définitive, par des considérations impérieuses touchant à la sûreté ou à la conduite des relations internationales de l’Union et de ses États membres.

(cf. points 61-62, 64-67)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

21 décembre 2011 (*)

«Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Position commune 2001/931/PESC – Règlement (CE) n° 2580/2001 – Gel des fonds applicable à un groupe inscrit dans une liste établie, révisée et modifiée par le Conseil de l’Union européenne – Droits de la défense»

Dans l’affaire C‑27/09 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 19 janvier 2009,

République française, représentée par Mme E. Belliard ainsi que par MM. G. de Bergues et A. Adam, en qualité d’agents,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

People’s Mojahedin Organization of Iran, établie à Auvers-sur-Oise (France), représentée par Me J.-P. Spitzer, avocat, M. D. Vaughan, QC, et Mme M.-E. Demetriou, barrister,

partie demanderesse en première instance,

Conseil de l’Union européenne,

partie défenderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par Mme S. Boelaert et M. P. Aalto, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), K. Lenaerts et J.-C. Bonichot, présidents de chambre, MM. E. Juhász, G. Arestis, A. Borg Barthet, M. Ilešič, L. Bay Larsen, T. von Danwitz, A. Arabadjiev et Mme C. Toader, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 septembre 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 juillet 2011,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, la République française demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 4 décembre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil (T‑284/08, Rec. p. II‑3487, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a accueilli le recours de la People’s Mojahedin Organization of Iran (ci-après la «PMOI») tendant à l’annulation de la décision 2008/583/CE du Conseil, du 15 juillet 2008, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2007/868/CE (JO L 188, p. 21, ci-après la «décision litigieuse»), pour autant qu’elle concerne la PMOI.

Le cadre juridique

La résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies

2 Le 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1373 (2001) arrêtant des stratégies pour lutter par tous les moyens contre le terrorisme et, en particulier, contre son financement. Le paragraphe 1, sous c), de cette résolution dispose, notamment, que tous les États gèlent sans attendre les fonds et les autres avoirs financiers ou les ressources économiques des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, des entités appartenant à ces personnes ou contrôlées par elles, et des personnes et des entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes et entités.

3 Cette résolution ne prévoit pas de liste de personnes auxquelles ces mesures restrictives doivent être appliquées.

La position commune 2001/931/PESC

4 Le 27 décembre 2001, considérant qu’une action de la Communauté européenne était nécessaire afin de mettre en œuvre la résolution 1373 (2001), le Conseil de l’Union européenne a adopté, notamment, la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO L 344, p. 93).

5 L’article 1er, paragraphe 1, de cette position commune prévoit:

«La présente position commune s’applique, conformément aux dispositions des articles qui suivent, aux personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme et dont la liste figure à l’annexe.»

6 L’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la position commune 2001/931 définit, respectivement, ce qu’il y a lieu d’entendre par «personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme» et par «acte de terrorisme».

7 L’article 1er, paragraphes 4 et 6, de ladite position commune dispose:

«4. La liste à l’annexe est établie sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels faits. Les personnes, groupes et entités identifiés par le Conseil de sécurité des Nations unies comme liés au terrorisme et à l’encontre desquels il a ordonné des sanctions peuvent être inclus dans la liste.

Aux fins du présent paragraphe, on entend par ‘autorité compétente’, une autorité judiciaire, ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence dans le domaine couvert par le présent paragraphe, une autorité compétente équivalente dans ce domaine.

[...]

6. Les noms des personnes et entités reprises sur la liste figurant à l’annexe feront l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié.»

8 La PMOI a été rajoutée dans la liste figurant à l’annexe de la position commune 2001/931 par la position...

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