Telefónica SA and Telefónica de España SAU v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2062
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC‑295/12
Date10 July 2014
Celex Number62012CJ0295
62012CJ0295

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

10 juillet 2014 ( *1 )

«Article 102 TFUE — Abus de position dominante — Marchés espagnols de l’accès à l’internet à large bande — Compression des marges — Article 263 TFUE — Contrôle de légalité — Article 261 TFUE — Compétence de pleine juridiction — Article 47 de la Charte — Principe de protection juridictionnelle effective — Contrôle de pleine juridiction — Montant de l’amende — Principe de proportionnalité — Principe de non-discrimination»

Dans l’affaire C‑295/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 13 juin 2012,

Telefónica SA, établie à Madrid (Espagne),

Telefónica de España SAU, établie à Madrid,

représentées par Mes F. González Díaz et B. Holles, abogados,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, É. Gippini Fournier et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

France Telecom España SA, établie à Pozuelo de Alarcón (Espagne), représentée par Mes H. Brokelmann et M. Ganino, abogados,

Asociación de Usuarios de Servicios Bancarios (Ausbanc Consumo), établie à Madrid, représentée par Mes L. Pineda Salido et I. Cámara Rubio, abogados,

European Competitive Telecommunications Association, établie à Wokingham (Royaume-Uni), représentée par Mes A. Salerno et B. Cortese, avvocati,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász, A. Rosas, D. Šváby et C. Vajda (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mai 2013,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 septembre 2013,

rend le présent

Arrêt

1

Par leur pourvoi, Telefónica SA et Telefónica de España SAU (ci-après, ensemble, les «requérantes») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Telefónica et Telefónica de España/Commission (T‑336/07, EU:T:2012:172, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision C(2007) 3196 final de la Commission, du 4 juillet 2007, relative à une procédure d’application de l’article 82 [CE] (affaire COMP/38.784 – Wanadoo España contre Telefónica) (ci-après la «décision litigieuse») ainsi que leur demande subsidiaire d’annulation ou de réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée par cette décision.

Le cadre juridique

Le règlement no 17

2

La période infractionnelle s’étend des mois de septembre 2001 à décembre 2006. Or, à la date du 1er mai 2004, le règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

3

Par conséquent, le règlement no 17 était applicable aux faits de l’espèce jusqu’au 1er mai 2004, date à laquelle le règlement no 1/2003 est devenu applicable. Il convient toutefois de relever que les dispositions pertinentes du règlement no 1/2003 sont, en substance, identiques à celles du règlement no 17.

4

L’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 disposait:

«La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d’un million d’unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)

elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81], paragraphe 1, [CE] ou de l’article [82 CE], ou

[...]

Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.»

5

L’article 17 du règlement no 17 prévoyait:

«La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction au sens de l’article [229 CE] sur les recours intentés contre les décisions par lesquelles la Commission fixe une amende ou une astreinte; elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée.»

Le règlement no 1/2003

6

L’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, qui a remplacé l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17, prévoit:

«La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)

elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101 TFUE] ou [102 TFUE],

[...]

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

[...]»

7

L’article 31 du règlement no 1/2003, qui a remplacé l’article 17 du règlement no 17, dispose:

«La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée.»

Les lignes directrices de 1998

8

Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement no 17 et de l’article 65 paragraphe 5 [CECA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices de 1998») disposent, à leur point 1, A, consacré à l’évaluation du caractère de gravité de l’infraction:

«A. Gravité

L’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné.

Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves.

Infractions peu graves:

[...]

Montants envisageables: de 1000 à 1 million d’[euros].

Infractions graves:

[...]

Montants envisageables: de 1 million à 20 millions d’[euros].

Infractions très graves:

il s’agira pour l’essentiel de restrictions horizontales de type ‘cartels de prix’ et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux ou d’abus caractérisés de position dominante d’entreprises en situation de quasi-monopole [...]

Montants envisageables: au-delà de 20 millions d’[euros].»

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

9

Le Tribunal a résumé les antécédents du litige comme suit aux points 3 à 29 de l’arrêt attaqué:

«3

Le 11 juillet 2003, Wanadoo España SL (devenue France Telecom España SA) (ci-après ‘France Telecom’) a adressé une plainte à la Commission des Communautés européennes, alléguant que la marge entre les prix de gros que les filiales de Telefónica appliquaient à leurs concurrents pour la fourniture en gros d’accès à haut débit en Espagne et les prix de détail qu’elles appliquaient aux utilisateurs finals n’était pas suffisante pour que les concurrents de Telefónica puissent lui faire concurrence (considérant 26 de la décision [litigieuse]).

[...]

6

Le 4 juillet 2007, la Commission a adopté la décision [litigieuse], qui fait l’objet du présent recours.

7

En premier lieu, dans la décision [litigieuse], la Commission a identifié trois marchés de produits en cause, soit un marché de détail de haut débit et deux marchés de gros de haut débit (considérants 145 à 208 de la décision [litigieuse]).

8

Le marché de détail en cause comprend, selon la décision [litigieuse], tous les produits à haut débit non différenciés, qu’ils soient fournis par ADSL (Asymetric Digital Subscriber Line, ligne numérique à paire asymétrique) ou par toute autre technologie, commercialisés sur le ‘marché grand public’ à l’attention des utilisateurs résidentiels et non résidentiels. En revanche, il ne comprend pas les services d’accès à haut débit sur mesure ciblant principalement les ‘grands comptes’ (considérant 153 de la décision [litigieuse]).

9

S’agissant des marchés de gros, la Commission a indiqué que trois principales offres de gros étaient disponibles, à savoir une offre de référence pour le dégroupage de la boucle locale, commercialisée uniquement par Telefónica, une offre de gros régionale (GigADSL, ci-après le ‘produit de gros régional’), également commercialisée uniquement par Telefónica, et plusieurs offres de gros nationales commercialisées tant par Telefónica (ADSL-IP et ADSL-IP Total, ci-après le ‘produit de gros national’) que par les autres opérateurs sur la base du dégroupage de la boucle locale et/ou du produit de gros régional (considérant 75 de la décision [litigieuse]).

[...]

14

La Commission a conclu que les marchés de gros en cause aux fins de la décision [litigieuse] comprenaient le produit de gros régional et le produit de gros national, à l’exclusion des services de gros par câble et des technologies différentes de l’ADSL (considérants 6 et 208 de la décision [litigieuse]).

15

Les marchés géographiques pertinents de gros et de détail sont, selon la décision [litigieuse], de dimension...

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