Félix Palacios de la Villa v Cortefiel Servicios SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:604
Date16 October 2007
Celex Number62005CJ0411
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-411/05

Affaire C-411/05

Félix Palacios de la Villa

contre

Cortefiel Servicios SA

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Juzgado de lo Social n° 33 de Madrid)

«Directive 2000/78/CE — Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail — Portée — Convention collective stipulant la rupture de plein droit de la relation d’emploi lorsque le travailleur atteint l’âge de 65 ans et bénéficie d’une pension de retraite — Discrimination liée à l’âge — Justification»

Sommaire de l'arrêt

1. Politique sociale — Égalité de traitement en matière d'emploi et de travail — Directive 2000/78

(Directive du Conseil 2000/78, 14e considérant, art. 1er, 2, § 1 et 2, a), et 3, § 1, c))

2. Politique sociale — Égalité de traitement en matière d'emploi et de travail — Directive 2000/78

(Directive du Conseil 2000/78, art. 2, § 1, et 6)

1. La directive 2000/78, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, ainsi qu'il résulte tant de son intitulé et de son préambule que de son contenu et de sa finalité, tend à établir un cadre général pour assurer à toute personne l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, en lui offrant une protection efficace contre les discriminations fondées sur l'un des motifs visés à son article 1er, au nombre desquels figure l'âge.

D'après son quatorzième considérant, ladite directive ne porte pas atteinte aux dispositions nationales fixant les âges de la retraite. Cependant, ce considérant se borne à préciser que cette directive n'affecte pas la compétence des États membres pour déterminer les âges d'admission à la retraite et ne s'oppose aucunement à l'application de celle-ci aux mesures nationales régissant les conditions de cessation d'un contrat de travail lorsque l'âge de la retraite, ainsi fixé, est atteint.

Ainsi, une réglementation nationale, selon laquelle le fait pour le travailleur d'atteindre l'âge fixé par cette réglementation pour l'admission à la retraite emporte cessation de plein droit du contrat de travail, affecte la durée du rapport de travail liant les parties ainsi que, plus généralement, l'exercice par le travailleur concerné de son activité professionnelle, en empêchant la participation future de celui-ci à la vie active. En conséquence, une réglementation de cette nature doit être considérée comme établissant des règles relatives à des conditions d'emploi et de travail, y compris de licenciement et de rémunération, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 et comme imposant, de manière directe, un traitement moins favorable aux travailleurs ayant atteint cet âge par rapport à l'ensemble des autres personnes en activité. Une telle réglementation instaure dès lors une différence de traitement directement fondée sur l'âge, telle que visée à l'article 2, paragraphes 1 et 2, sous a), de ladite directive.

(cf. points 42, 44-46, 51)

2. L'interdiction de toute discrimination fondée sur l'âge, telle que mise en oeuvre par la directive 2000/78, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à une réglementation nationale, en vertu de laquelle sont considérées comme valables les clauses de mise à la retraite d'office figurant dans des conventions collectives et qui exigent, comme seules conditions, que le travailleur ait atteint la limite d'âge, fixée à 65 ans par la réglementation nationale, pour l'admission à la retraite et remplisse les autres critères en matière de sécurité sociale pour avoir droit à une pension de retraite de type contributif, dès lors que

- ladite mesure, certes fondée sur l'âge, est objectivement et raisonnablement justifiée, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime relatif à la politique de l'emploi et au marché du travail, et que

- les moyens mis en oeuvre pour réaliser cet objectif d'intérêt général n'apparaissent pas inappropriés et non nécessaires à cet effet.

En effet, d'une part, ladite réglementation a été adoptée dans le cadre d'une politique nationale visant à promouvoir l'accès à l'emploi par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations ainsi qu'à réguler le marché du travail, notamment aux fins d'enrayer le chômage.

Or, la légitimité d'un tel objectif d'intérêt général ne saurait être raisonnablement mise en doute, la politique de l'emploi ainsi que la situation sur le marché du travail figurant au nombre des objectifs expressément énoncés à l'article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/78 et, conformément aux articles 2, premier alinéa, premier tiret, UE et 2 CE, la promotion d'un niveau d'emploi élevé constituant l'une des finalités poursuivies tant par l'Union européenne que par la Communauté.

À cet égard, la seule circonstance que la disposition nationale en cause ne fait pas formellement référence à un objectif de cette nature n'exclut pas automatiquement qu'elle puisse être justifiée au titre de l'article 6, paragraphe 1, de la même directive, à condition que d'autres éléments, tirés du contexte général de la mesure concernée, permettent l'identification de l'objectif sous-tendant cette dernière aux fins de l'exercice d'un contrôle juridictionnel quant à sa justification objective.

D'autre part, si, en l'état actuel du droit communautaire, les États membres ainsi que, le cas échéant, les partenaires sociaux au niveau national disposent d'une large marge d'appréciation dans le choix non seulement de la poursuite d'un objectif déterminé parmi d'autres en matière de politique sociale et de l'emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser, il incombe aux autorités nationales compétentes de trouver un juste équilibre entre les différents intérêts en présence, en veillant à ce que les mesures internes prévues dans ce contexte n'aillent pas au-delà de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre l'objectif légitime poursuivi par l'État membre concerné.

Or, il n'apparaît pas déraisonnable pour les autorités d'un État membre d'estimer que la mise à la retraite d'office, du fait que le travailleur a atteint la limite d'âge prévue, puisse être appropriée et nécessaire pour atteindre l'objectif légitime invoqué dans le cadre de la politique nationale de l'emploi et consistant à promouvoir le plein emploi en favorisant l'accès au marché du travail. En outre, ladite mesure ne saurait être regardée comme portant une atteinte excessive aux prétentions légitimes du travailleur mis à la retraite d'office, dès lors que la réglementation nationale pertinente ne se fonde pas seulement sur un âge déterminé, mais prend également en considération la circonstance que l'intéressé bénéficie au terme de sa carrière professionnelle d'une compensation financière au moyen de l'octroi d'une pension de retraite, dont le niveau ne saurait être considéré comme déraisonnable.

(cf. points 53-57, 62, 64, 68, 71-73, 77 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

16 octobre 2007 (*)

«Directive 2000/78/CE − Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail − Portée − Convention collective stipulant la rupture de plein droit de la relation d’emploi lorsque le travailleur atteint l’âge de 65 ans et bénéficie d’une pension de retraite − Discrimination liée à l’âge − Justification»

Dans l’affaire C‑411/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Juzgado de lo Social nº 33 de Madrid (Espagne), par décision du 14 novembre 2005, parvenue à la Cour le 22 novembre 2005, dans la procédure

Félix Palacios de la Villa

contre

Cortefiel Servicios SA,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts et A. Tizzano, présidents de chambre, MM. R. Schintgen (rapporteur), J. N. Cunha Rodrigues, Mme R. Silva de Lapuerta, M. M. Ilešič, Mme P. Lindh, MM. J.-C. Bonichot et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 novembre 2006,

considérant les observations présentées:

– pour M. Palacios de la Villa, par Me P. Bernal de Pablo Blanco, abogado,

– pour Cortefiel Servicios SA, par Me D. López González, abogado,

– pour le gouvernement espagnol, par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent,

– pour l’Irlande, par M. D. J. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de MM. N. Travers et F. O’Dubhghaill, BL, ainsi que de Mme M. McLaughlin et de M. N. McCutcheon, solicitors,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes H. G. Sevenster et M. de Mol ainsi que par M. P. P. J. van Ginneken, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme R. Caudwell, en qualité d’agent, assistée de M. A. Dashwood, barrister,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. J. Enegren et R. Vidal Puig, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 février 2007,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 13 CE ainsi que 2, paragraphe 1, et 6 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Palacios de la Villa à son employeur, Cortefiel Servicios SA (ci-après «Cortefiel»), au sujet de la rupture de plein droit de son contrat de travail en raison du fait qu’il avait atteint la limite d’âge, fixée à 65 ans par la réglementation nationale, pour la mise à la retraite d’office d’un travailleur.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 La directive 2000/78 a été adoptée sur le fondement de l’article 13 CE. Ses quatrième, sixième, huitième, neuvième...

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