Criminal proceedings against Maria Pupino.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:386
Docket NumberC-105/03
Celex Number62003CJ0105
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 June 2005

Affaire C-105/03

Procédure pénale

contre

Maria Pupino

(demande de décision préjudicielle, introduite par le juge chargé

des enquêtes préliminaires auprès du Tribunale di Firenze)

«Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Articles 34 UE et 35 UE — Décision-cadre 2001/220/JAI — Statut des victimes dans le cadre de procédures pénales — Protection des personnes vulnérables — Audition de mineurs en tant que témoins — Effets d'une décision-cadre»

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 11 novembre 2004

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 16 juin 2005

Sommaire de l'arrêt

1. Questions préjudicielles — Saisine de la Cour — Juridiction nationale au sens de l'article 35 UE — Notion — Juge chargé des enquêtes préliminaires — Inclusion

(Art. 35 UE)

2. Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Décision-cadre visant au rapprochement des législations — Demande d'interprétation impliquant le principe d'interprétation conforme du droit national — Compétence pour fournir cette interprétation

(Art. 234 CE; art. 35 UE et 46, b), UE)

3. Union européenne — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — États membres — Obligations — Obligation de coopération loyale avec les institutions

4. Union européenne — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Décisions-cadres visant au rapprochement des législations nationales — Exécution par les États membres — Obligation d'interprétation conforme du droit national — Limites — Respect des principes généraux du droit — Interprétation contra legem du droit national — Inadmissibilité

(Art. 249, al. 3, CE; art. 34, § 2, b), UE)

5. Union européenne — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Statut des victimes dans le cadre des procédures pénales — Décision-cadre 2001/220/JAI — Protection des victimes particulièrement vulnérables — Modalités — Conditions de témoignage des enfants en bas âge — Audition en dehors de l'audience publique et avant la tenue de celle-ci — Admissibilité — Limites

(Décision-cadre du Conseil 2001/220/JAI, art. 2, 3 et 8, § 4)

1. Dès lors qu'un État membre a déclaré accepter la compétence de la Cour pour statuer sur la validité et l'interprétation des actes visés à l'article 35 UE, celle-ci est compétente pour répondre à la question préjudicielle posée par un juge chargé des enquêtes préliminaires. Agissant dans le cadre d'une procédure pénale, ce juge intervient, en effet, dans l'exercice d'une fonction juridictionnelle, en sorte qu'il doit être considéré comme une juridiction d'un État membre au sens dudit article.

(cf. points 20, 22)

2. En vertu de l'article 46, sous b), UE, le régime prévu à l'article 234 CE a vocation à s'appliquer à l'article 35 UE, sous réserve des conditions prévues à cette dernière disposition. À l'instar de l'article 234 CE, l'article 35 UE subordonne la saisine de la Cour à titre préjudiciel à la condition que la juridiction nationale estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, en sorte que la jurisprudence de la Cour relative à la recevabilité des questions préjudicielles posées au titre de l'article 234 CE est, en principe, transposable aux demandes de décisions préjudicielles présentées à la Cour en vertu de l'article 35 UE.

Il s'ensuit que la présomption de pertinence qui s'attache aux questions posées à titre préjudiciel par les juridictions nationales ne peut être écartée que dans des cas exceptionnels, lorsqu'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation sollicitée des dispositions du droit de l'Union visées dans ces questions n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal ou lorsque le problème est de nature hypothétique ou que la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées. Sauf en de telles hypothèses, la Cour est, en principe, tenue de statuer sur les questions préjudicielles portant sur l'interprétation des actes visés à l'article 35, paragraphe 1, UE.

Dans ce contexte, indépendamment du degré d'intégration visé par le traité d'Amsterdam dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe au sens de l'article 1er, deuxième alinéa, UE, il est parfaitement compréhensible que les auteurs du traité sur l'Union européenne aient estimé utile de prévoir, dans le cadre du titre VI de ce traité, consacré à la coopération policière et judiciaire en matière pénale, le recours à des instruments juridiques comportant des effets analogues à ceux prévus par le traité CE, en vue de contribuer efficacement à la poursuite des objectifs de l'Union. La compétence préjudicielle de la Cour au titre de l'article 35 UE serait privée de l'essentiel de son effet utile si les particuliers n'étaient pas en droit d'invoquer les décisions-cadres en vue d'obtenir une interprétation conforme du droit national devant les juridictions des États membres.

(cf. points 19, 28-30, 36, 38)

3. Il serait difficle pour l'Union de remplir efficacement sa mission si le principe de coopération loyale, qui implique notamment que les États membres prennent toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution de leurs obligations au titre du droit de l'Union européenne, ne s'imposait pas également dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale figurant au titre VI du traité UE, qui est d'ailleurs entièrement fondée sur la coopération entre les États membres et les institutions.

(cf. point 42)

4. Le caractère contraignant des décisions-cadres adoptées sur le fondement du titre VI du traité sur l'Union européenne, consacré à la coopération policière et judiciaire en matière pénale, est formulé dans des termes identiques à ceux de l'article 249, troisième alinéa, CE, s'agissant des directives. Il entraîne, dans le chef des autorités nationales, une obligation d'interprétation conforme du droit national. Ainsi, en appliquant le droit interne, la juridiction nationale appelée à interpréter celui-ci est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la décision-cadre afin d'atteindre le résultat visé par celle-ci et de se conformer ainsi à l'article 34, paragraphe 2, sous b), UE.

L'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une décision-cadre lorsqu'il interprète les règles pertinentes de son droit national trouve toutefois ses limites dans les principes généraux du droit, et, en particulier, dans ceux de sécurité juridique et de non-rétroactivité. Ces principes s'opposent notamment à ce que ladite obligation puisse conduire à déterminer ou à aggraver, sur le fondement d'une décision-cadre et indépendamment d'une loi prise pour la mise en oeuvre de celle-ci, la responsabilité pénale de ceux qui agissent en infraction à ses dispositions.

De même le principe d'interprétation conforme ne peut-il servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national. Ce principe requiert néanmoins que la juridiction nationale prenne en considération, le cas échéant, l'ensemble du droit national pour apprécier dans quelle mesure celui-ci peut recevoir une application telle qu'il n'aboutit pas à un résultat contraire à celui visé par la décision-cadre.

(cf. points 34, 43-45, 47, 61 et disp.)

5. Les articles 2, 3 et 8, paragraphe 4, de la décision-cadre 2001/220/JAI, relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales, énoncent un certain nombre d'objectifs parmi lesquels celui consistant à assurer aux victimes particulièrement vulnérables un traitement spécifique répondant au mieux à leur situation. Ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que la juridiction nationale compétente doit avoir la possibilité d'autoriser des enfants en bas âge, qui allèguent avoir été victimes de mauvais traitements, à faire leur déposition selon des modalités permettant de garantir à ces enfants un niveau approprié de protection, par exemple en dehors de l'audience publique et avant la tenue de celle-ci. Les conditions de témoignage retenues ne doivent, toutefois, pas être incompatibles avec les principes fondamentaux du droit de l'État membre concerné, ainsi que le prévoit l'article 8, paragraphe 4, de ladite décision-cadre, de même qu'elles ne doivent pas priver le prévenu ou l'accusé du droit, énoncé à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, à un procès équitable.

(cf. points 54, 57, 59, 61 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

16 juin 2005 (*)

«Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Articles 34 UE et 35 UE – Décision-cadre 2001/220/JAI – Statut des victimes dans le cadre de procédures pénales – Protection des personnes vulnérables – Audition de mineurs en tant que témoins – Effets d’une décision-cadre»

Dans l’affaire C-105/03,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 35 UE, introduite par le juge chargé des enquêtes préliminaires auprès du Tribunale di Firenze (Italie), par décision du 3 février 2003, parvenue à la Cour le 5 mars 2003, dans la procédure pénale contre

Maria Pupino

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans et A. Rosas, Mme R. Silva de Lapuerta et M. A. Borg Barthet, présidents de chambre, Mme N. Colneric, MM. S. von Bahr, J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), P. Kūris, E. Juhász, G. Arestis et M. Ilešič, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 octobre 2004,

considérant les observations présentées:

– pour Mme Pupino, par Mes M. Guagliani et D. Tanzarella, avvocati,

– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

– pour le gouvernement grec...

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