Jean Leon Van Straaten v Staat der Nederlanden and Republiek Italië.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:614
Docket NumberC-150/05
Celex Number62005CJ0150
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 September 2006

Affaire C-150/05

Jean Leon Van Straaten

contre

Staat der Nederlanden et Republiek Italië

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Rechtbank 's-Hertogenbosch)

«Convention d'application de l'accord de Schengen — Principe ne bis in idem — Notions de 'mêmes faits' et de 'faits jugés' — Exportation dans un État et importation dans un autre État — Relaxe de l'inculpé»

Conclusions de l'avocat général M. D. Ruiz-Jarabo Colomer, présentées le 8 juin 2006

Arrêt de la Cour (première chambre) du 28 septembre 2006

Sommaire de l'arrêt

1. Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Limites

(Art. 234 CE)

2. Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Limites

(Art. 234 CE)

3. Union européenne — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Protocole intégrant l'acquis de Schengen — Convention d'application de l'accord de Schengen — Principe ne bis in idem

(Convention d'application de l'accord de Schengen, art. 54)

4. Union européenne — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Protocole intégrant l'acquis de Schengen — Convention d'application de l'accord de Schengen — Principe ne bis in idem

(Convention d'application de l'accord de Schengen, art. 54)

1. Dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l'article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de l'affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l'interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer.

Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n'est possible que lorsqu'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation du droit communautaire sollicitée n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.

(cf. points 33-34)

2. Si la Cour n'a pas compétence, aux termes de l'article 234 CE, pour appliquer la règle communautaire à un litige déterminé et, partant, pour qualifier une disposition de droit national au regard de cette règle, elle peut cependant, dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée par cet article, à partir des éléments du dossier, fournir à la juridiction nationale les éléments d'interprétation du droit communautaire qui pourraient lui être utiles dans l'appréciation des effets de cette disposition.

(cf. point 37)

3. L'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen doit être interprété en ce sens que le critère pertinent aux fins de l'application dudit article est constitué par celui de l'identité des faits matériels, compris comme l'existence d'un ensemble de faits indissociablement liés entre eux, indépendamment de la qualification juridique de ces faits ou de l'intérêt juridique protégé.

S'agissant des délits relatifs aux stupéfiants, d'une part, il n'est pas exigé que les quantités de drogue en cause dans les deux États contractants concernés ou les personnes ayant prétendument participé aux faits dans les deux États soient identiques. Il n'est donc pas exclu qu'une situation dans laquelle une telle identité fait défaut constitue un ensemble de faits qui, par leur nature même, sont indissociablement liés. D'autre part, les faits punissables consistant en l'exportation et en l'importation des mêmes stupéfiants et poursuivis dans différents États contractants à cette convention sont, en principe, à considérer comme «les mêmes faits» au sens de cet article 54, l'appréciation définitive à cet égard appartenant aux instances nationales compétentes.

(cf. points 48-51, 53, disp. 1)

4. Le principe ne bis in idem, consacré à l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen (CAAS), qui a pour objectif d'éviter qu'une personne, par le fait d'exercer son droit de libre circulation, ne soit poursuivie pour les mêmes faits sur le territoire de plusieurs États contractants, trouve à s'appliquer à une décision des autorités judiciaires d'un État contractant par laquelle un prévenu est définitivement acquitté pour insuffisance de preuves.

En effet, la proposition principale contenue dans l'unique phrase constituant l'article 54 de la CAAS ne fait aucune référence au contenu du jugement devenu définitif. Ce n'est que dans la proposition subordonnée que l'article 54 vise l'hypothèse d'une condamnation en énonçant que, en ce cas, l'interdiction de poursuites pénales est soumise à une condition spécifique. Si la règle générale énoncée dans la proposition principale n'était applicable qu'aux jugements qui prononcent une condamnation, il serait superflu de préciser que la règle spéciale est applicable en cas de condamnation.

De plus, ne pas appliquer ledit article 54 à une décision définitive d'acquittement pour insuffisance de preuves aurait pour effet de mettre en péril l'exercice du droit à la libre circulation.

Enfin, l'ouverture d'une procédure pénale dans un autre État contractant pour les mêmes faits compromettrait, dans le cas d'un acquittement définitif pour insuffisance de preuves, les principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime. En effet, le prévenu devrait craindre de nouvelles poursuites pénales dans un autre État contractant alors que les mêmes faits ont été définitivement jugés.

(cf. points 56-59, 61, disp. 2)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

28 septembre 2006 (*)

«Convention d’application de l’accord de Schengen – Principe ne bis in idem – Notions de ‘mêmes faits’ et de ‘faits jugés’ – Exportation dans un État et importation dans un autre État – Relaxe de l’inculpé»

Dans l’affaire C-150/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 35 UE, introduite par le Rechtbank ’s-Hertogenbosch (Pays-Bas), par décision du 23 mars 2005, parvenue à la Cour le 4 avril 2005, dans la procédure

Jean Leon Van Straaten

contre

Staat der Nederlanden,

Republiek Italië,

LA COUR (première chambre),

composée de M. K. Schiemann, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la première chambre, Mme N. Colneric (rapporteur), MM. J. N. Cunha Rodrigues, M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. H. von Holstein,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 mai 2006,

considérant les observations présentées:

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster et M. D. J. M. de Grave, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. G. Aiello, avvocato dello Stato,

– pour le gouvernement tchèque, par M. T. Boček, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement espagnol, par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et M. J.-C. Niollet, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement polonais, par M. T. Nowakowski, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement suédois, par Mme K. Wistrand, en qualité d’agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. W. Bogensberger et R. Troosters, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 juin 2006,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19, ci-après la «CAAS»), signée à Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Van Straaten au Staat der Nederlanden et à la Republiek Italië au sujet du signalement dans le système d’information Schengen (ci-après le «SIS»), par les autorités italiennes, de la condamnation pénale dont il a fait l’objet en Italie pour trafic de stupéfiant, aux fins de son extradition.

Le cadre juridique

Le droit communautaire

3 Aux termes de l’article 1er du protocole intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne, annexé au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne par le traité d’Amsterdam (ci-après le «protocole»), treize États membres de l’Union européenne, dont la République italienne et le Royaume des Pays-Bas, sont autorisés à instaurer entre eux une coopération renforcée dans le domaine relevant du champ d’application de l’acquis de Schengen, tel que défini à l’annexe dudit protocole.

4 Font partie de l’acquis de Schengen ainsi défini, notamment, l’accord entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signé à Schengen le 14 juin 1985 (JO 2000, L 239, p. 13, ci-après l’«accord de Schengen»), ainsi que la CAAS. La République italienne a signé un accord d’adhésion à la CAAS le 27 novembre 1990 (JO 2000, L 239, p. 63), qui est entré en vigueur le 26 octobre 1997.

5 En vertu de l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du protocole, à compter de la date d’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, l’acquis de Schengen s’applique immédiatement aux treize États membres visés à l’article 1er dudit protocole.

6 En application de l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, seconde phrase...

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