Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO) v Deutsche Bank SAE.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:402
Date14 May 2019
Celex Number62018CJ0055
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-55/18
62018CJ0055

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

14 mai 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs – Aménagement du temps de travail – Article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Directive 2003/88/CE – Articles 3 et 5 – Repos journalier et hebdomadaire – Article 6 – Durée maximale hebdomadaire de travail – Directive 89/391/CEE – Sécurité et santé des travailleurs au travail – Obligation d’établir un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur »

Dans l’affaire C‑55/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Audiencia Nacional (Cour centrale, Espagne), par décision du 19 janvier 2018, parvenue à la Cour le 29 janvier 2018, dans la procédure

Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO)

contre

Deutsche Bank SAE,

en présence de :

Federación Estatal de Servicios de la Unión General de Trabajadores (FES-UGT),

Confederación General del Trabajo (CGT),

Confederación Solidaridad de Trabajadores Vascos (ELA),

Confederación Intersindical Galega (CIG),

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, E. Regan (rapporteur), T. von Danwitz, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, présidents de chambre, MM. J. Malenovský, E. Levits, L. Bay Larsen, M. Safjan, D. Šváby, C. Vajda et P. G. Xuereb, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 novembre 2018,

considérant les observations présentées :

pour la Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO), par Me A. García López, abogado,

pour Deutsche Bank SAE, par Me J. M. Aniés Escudé, abogado,

pour la Federación Estatal de Servicios de la Unión General de Trabajadores (FES-UGT), par Mes J. F. Pinilla Porlan et B. García Rodríguez, abogados,

pour le gouvernement espagnol, par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Z. Lavery, en qualité d’agent, assistée de M. R. Hill, barrister,

pour la Commission européenne, par MM. N. Ruiz García et M. van Beek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 31 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), des articles 3, 5, 6, 16 et 22 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9), ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 3, et de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO 1989, L 183, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO) à Deutsche Bank SAE au sujet de l’absence, au sein de celle-ci, d’un système d’enregistrement du temps de travail journalier effectué par les travailleurs employés par cette dernière.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 89/391

3

L’article 4, paragraphe 1, de la directive 89/391 prévoit :

« Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour assurer que les employeurs, les travailleurs et les représentants des travailleurs [soient] soumis aux dispositions juridiques requises pour la mise en œuvre de la présente directive. »

4

Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive :

« Dans le cadre de ses responsabilités, l’employeur prend les mesures nécessaires pour la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, y compris les activités de prévention des risques professionnels, d’information et de formation ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens nécessaires.

[...] »

5

L’article 11, paragraphe 3, de ladite directive dispose :

« Les représentants des travailleurs, ayant une fonction spécifique en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, ont le droit de demander à l’employeur qu’il prenne des mesures appropriées et de lui soumettre des propositions en ce sens, de façon à pallier tout risque pour les travailleurs et/ou à éliminer les sources de danger. »

6

L’article 16, paragraphe 3, de la même directive énonce :

« Les dispositions de la présente directive s’appliquent pleinement à l’ensemble des domaines couverts par les directives particulières, sans préjudice de dispositions plus contraignantes et/ou spécifiques contenues dans ces directives particulières. »

La directive 2003/88

7

Aux termes des considérants 3 et 4 de la directive 2003/88 :

« (3)

Les dispositions de la directive [89/391] restent pleinement applicables aux domaines couverts par la présente directive, sans préjudice des dispositions plus contraignantes et/ou spécifiques contenues dans celle-ci.

(4)

L’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique. »

8

L’article 1er de la directive 2003/88, intitulé « Objet et champ d’application », prévoit :

« [...]

2. La présente directive s’applique :

a)

aux périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire et de congé annuel ainsi qu’au temps de pause et à la durée maximale hebdomadaire de travail, et

b)

à certains aspects du travail de nuit, du travail posté et du rythme de travail.

[...]

4. Les dispositions de la directive [89/391] s’appliquent pleinement aux matières visées au paragraphe 2, sans préjudice des dispositions plus contraignantes et/ou spécifiques contenues dans la présente directive. »

9

L’article 3 de la directive 2003/88, intitulé « Repos journalier », prévoit :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d’une période minimale de repos de onze heures consécutives. »

10

L’article 5 de cette directive, intitulé « Repos hebdomadaire », dispose :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de sept jours, d’une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s’ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l’article 3.

Si des conditions objectives, techniques ou d’organisation du travail le justifient, une période minimale de repos de vingt-quatre heures pourra être retenue. »

11

L’article 6 de ladite directive, intitulé « Durée maximale hebdomadaire de travail », énonce :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs :

a)

la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux ;

b)

la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n’excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. »

12

L’article 16 de la directive 2003/88 précise les périodes de référence maximales pour l’application des articles 5 et 6 de celle-ci.

13

L’article 17 de cette directive, intitulé « Dérogations », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, les États membres peuvent déroger aux articles 3 à 6, 8 et 16 lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l’activité exercée, n’est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux‑mêmes, et notamment lorsqu’il s’agit :

a)

de cadres dirigeants ou d’autres personnes ayant un pouvoir de décision autonome ;

b)

de main-d’œuvre familiale, ou

c)

de travailleurs dans le domaine liturgique des églises et des communautés religieuses. »

14

L’article 19 de ladite directive concerne les limitations aux dérogations prévues par cette directive aux périodes de référence.

15

Aux termes de l’article 22, paragraphe 1, de la même directive :

« Un État membre a la faculté de ne pas appliquer l’article 6 tout en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et à condition qu’il assure, par les mesures nécessaires prises à cet effet, que :

a)

aucun employeur ne demande à un travailleur de travailler plus de quarante-huit heures au cours d’une période de sept jours, calculée comme moyenne de la période de référence visée à l’article 16, point b), à moins qu’il [n’]ait obtenu l’accord du travailleur pour effectuer un tel travail ;

[...]

c)

l’employeur tienne des registres mis à jour de tous les travailleurs qui effectuent un tel travail ;

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